Utilisation du corps, mise en scène recherchée, jeu de couleurs et de lumières, sensibilité, Rachel Malaïka propose un travail sans cesse à la croisée des chemins. Avec un focus uniquement basé sur la femme africaine, la photographe se livre constamment au jeu des autoportraits dans des lieux quasi interdits. Entretien.
Bonjour Madame Rachel Malaïka, merci de nous accorder cette interview. Vous êtes une artiste basée à Kinshasa et vos œuvres portent essentiellement sur la femme. Qu'est-ce qui motive cette orientation ?
Rachel Malaïka : mes œuvres portent essentiellement sur les femmes africaines et les congolaises en particulier. Je suis dans la transgression et le questionnement. L'histoire, écrite par les hommes, quelle que soit leur couleur de peau, est-elle si exacte et immuable ? Ces anciens objets de pouvoir, investis d'un caractère sacré, aujourd'hui gardés dans les musées ou les collections privées, n'étaient-ils que l'apanage des rois, des chefs ? Et si...le chef, le roi était chefferesse ou reine ? Et si l'histoire avait droit à une nouvelle édition, une révision ? Pourquoi les patrimoines dans nos musées sont-ils si peu accessibles ? Et tous ces objets anciens sont réservés aux hommes ! Qui le dit ? Et si moi femme je décide de me les approprier ? Qu’arriverait-il ?
Vos œuvres évoquent aussi des grandes figures historiques en grande majorité féminine. Quels messages souhaitez-vous véhiculer à travers elles ?
Rachel Malaïka : les Africaines, les Congolaise, sont souvent oubliées et peu considérées à leur juste valeur. La femme est porteuse d’espoir, elle se bat au quotidien, tant pour sa progéniture que pour la société. Elle est dans les campagnes, les villes, elle travaille durement. Mais la société ne la reconnaît pas. En tant qu’artiste, je mène ce combat pour porter haut la femme africaine. Cette femme de pouvoir, qui s’impose et non une femme abattue, selon l’image véhiculée. Ce sont les raisons qui m’ont orienté vers ce type d’art. Je me questionne quotidiennement sur l’identité de l’Africaine. J’évoque et questionne les interdits, les coutumes, les préjugés qui entourent la femme congolaise.
Combien de temps et quels moyens utilisez-vous pour réaliser vos auto-portraits ?
Rachel Malaïka : je prends généralement 1 à 2 ans pour réaliser mes autoportraits parce qu’il faut faire des recherches sur les personnages et les tenues adaptées. Je mène l'enquête, interroge les conservateurs du Musée, il faut également obtenir les autorisations officielles pour manipuler, mettre en scène les objets authentiques et pouvoir les porter. J’installe un lieu de performance, je me photographie.
Où trouver vos œuvres ?
Rachel Malaïka : actuellement mes œuvres sont exposées à Texaf Bilembo ainsi qu'à la Demif galerie à Londres.
Parlez-nous de votre parcours dans le domaine artistique ?
Rachel Malaïka : Je suis une ancienne de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, j’ai participé à plusieurs expositions à Kinshasa, au Cameroun ainsi qu'au centre Wallonie Bruxelles…
Et la femme artiste, comment est-elle perçue en RDC ?
Rachel Malaïka : le Congo n’aide pas la femme artiste. Ce sont les particuliers et les institutions parfois étrangères qui nous soutiennent. Le gouvernement congolais ne connaît pas les plasticiennes, les photographes, les femmes qui évoluent dans la peinture, nous sommes presque inexistantes. Nous nous battons actuellement pour faire connaître notre métier, pour vendre nos produits.
Avez-vous des sources d'inspiration dans ce domaine ?
Rachel Malaïka : je tire mon inspiration du passé africain, de l’histoire, je fais des questionnements, je fais souvent des recherches au musée national, je lis beaucoup.
Quels sont vos projets futurs ?
Rachel Malaïka : Actuellement, je suis en préparation de la biennale (Congo biennale) et je travaille sur d’autres projets.
Propos recueillis par Prisca Lokale