Kinshasa : le calvaire des femmes et jeunes filles du village INYE à N’Sele

Henriette Kiakumbuta, 21 ans, avec l'un de ses quatre enfants sur le dos
Henriette Kiakumbuta, 21 ans, avec l'un de ses quatre enfants sur le dos/Ph. ACTUALITE.CD

Situé à près de 60 Km du centre-ville, dans la commune de la N’Sele, le village INYE abrite des centaines de familles. Difficiles conditions de vie, non-scolarisation des filles, mariages précoces, violences sexuelles exercées sur mineures… En ce début d'année, le desk femme vous propose un focus sur les conditions de ces familles.


« Nous n’avons pas d’école secondaire. Tous les jours, du lundi au samedi, nous allons à l’école au centre Nganda Yala, situé vers l’entrée (6 Km). Il faut quitter le village à 10 heures pour espérer arriver à 12 heures et à 18 heures pour atteindre le village à 20 heures. C'est pénible » explique Gracia Mudiangu qui étudie la coupe et couture. Qui poursuit en insistant sur leurs attentes « nous souhaitons qu’un bus scolaire soit offert au village. Il peut être confié à la paroisse, pour nous permettre d’aller et revenir de l’école en toute sécurité. Ce serait aussi une meilleure façon de décourager les parents aux mariages précoces. La plupart de nos amis n’ont pas fait l’école secondaire, elles sont mariées et sont mère de famille.»


De la route nationale RN1 au village, il faut parcourir une distance d’au moins six (6) kilomètres. L’unique école du village a été construite en 2018 par l’église catholique. Elle propose des services d’enseignement primaire (1ère en 6ème). Dès qu’elles arrivent au niveau des classes terminales, certaines jeunes filles sont poussées vers le mariage. Celles qui veulent poursuivre leurs études doivent parcourir en moyenne deux heures de marche pour atteindre l’école. 


Problème d’hygiène menstruelle, zéro répression contre les violences sexuelles

Il n'y a aucun centre de santé,  aucune maternité, aucun service de planification familiale, aucun poste de police dans le village. Aucune boutique et pharmacie dans les environs. Pour se trouver des serviettes hygiéniques en période menstruelle, les femmes et les filles se rendent à plusieurs kilomètres au quartier 1 Kingasani ou alors elles font recours aux morceaux de pagnes et lingeries. 


Gloire Kahusu, 17 ans, partage son expérience. « Nous allons en ville très rarement. Il peut même nous arriver de passer deux ans sans y aller. Nous achetons des dessous de couleur noire à la place ou coupons des morceaux des pagnes et tissus. C’est simple et plus pratique.» 


« Le seul hôpital qui nous offre des soins est Nganda Yala. Peu importe l’heure, il faut aller jusque-là.  Et les moyens ne permettent  pas toujours  de s’y rendre » confie Henriette Kiakumbuta, 21 ans et mère des quatre enfants (a contracté sa première grossesse à 14 ans) 


En matière de violences sexuelles, Mireille Mapitshi, mère de 3 enfants livre les habitudes du coin. « Les cas de violences sexuelles ne sont pas portés devant la justice. Il n’existe pas de poste de police. Très souvent, les familles règlent le conflit à l’amiable. De la bière et quelques biens sont remis aux familles des victimes, et la jeune fille est donnée en mariage ». 


Plaidoyer pour l’ouverture d’un centre de formation professionnelle


Pour Don Mushete, curé de la paroisse INYE, la mise en place des centres de formation aux métiers peut permettre de combler le fossé dans l’éducation des filles.

« Il y a beaucoup de filles-mères dans le village. Il y a aussi des mariages contractés dès l’âge de 12 ans pour les filles. Nous avons fixé à 10.000 francs congolais, les frais scolaires pour toutes les classes (école primaire), mais les parents ne paient pas. Ils sont  dans l’incapacité de payer les fournitures scolaires difficile dont de payer les frais scolaires. L’UNICEF, les ONG ne viennent pas jusqu'ici. Il faudrait par exemple ouvrir des centres de formation aux métiers pour permettre l’épanouissement des jeunes filles et des femmes ».   


Le Chef de localité plaide quant à lui pour l’urbanisation du milieu. « Nous sommes dans la commune de la N’Sele. Ce qui qui signifie que nous sommes à Kinshasa, capitale de la RDC. Mais les conditions de vie ne reflètent pas ce fait. Les ONG peuvent s’organiser et tenter de venir rendre visite aux familles. Mais par quelle route passeront-elles ? Les membres du gouvernement ne viennent jamais ici. Nous espérons qu’à travers cette ONG, ils verront la souffrance qu’endure cette population », a-t-il affirmé. 

La fondation Madama (FOMAD) tente d'apporter son appui


Pour célébrer les fêtes de nouvel an,  Fondation Madama, une ONG locale s’est rendue dans le village INYE, où elle organise notamment des activités agricoles avec des femmes. 


« J’ai perdu mes parents à l’âge de 5ans. Ce sont les prêtres qui m’ont pris en charge. Je suis aujourd’hui mariée et beaucoup de choses ont évolué. Je voudrais apporter une aide à ceux qui se trouvent dans le genre des difficultés que j’ai rencontrées dans mon passé. La FOMAD, propose des services dans le domaine de la santé,  l’agriculture, l’environnement, la culture, la pisciculture et autres », explique sa coordinatrice Sandra Chondo. 


Au cours de la journée du 04 janvier, quelques activités ont été organisées, notamment un match de football entre les jeunes du village grâce aux vareuses et ballon offerts par la FOMAD. Un repas a également été offert après ce match.

  « Nous avons voulu offrir un dîner aux enfants des agricultrices mais aussi  à ceux du village. Nous leur offrons  des activités ludiques. Nous demandons aux autorités et à toute la population congolaise de nous tendre la main. Il y a énormément de besoins dans ce village et nous voudrions apporter des solutions concrètes » a conclu Sandra Chondo.


Par ailleurs, pour subvenir aux besoins de leurs foyers, ces femmes vivent de la vente des bois, d’eau en sachet, des légumes ainsi que de la production des chikwangues.

Prisca Lokale