Des scènes de violence policière lors d’une manifestation de Lamuka à l’ouverture de la session parlementaire de septembre à l’Assemblée Nationale et au Sénat, en passant par la prorogation et l’évaluation de l’état de siège, la semaine qui s’achève a été riche en évènements. Depuis le Haut-Katanga, Safi Kayungo Thérèse passe au crible chacun de ces faits.
Bonjour Madame Safi Kayungo Thérèse et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours ?
Safi Kayungo Thérèse : je suis vice-présidente du Cadre de concertation de la société civile du Haut-Katanga, depuis 2008 présidente de L'ONG IFADEV (initiative des femmes pour l'auto-évaluation), Présidente du conseil d'administration du cadre CRONGD /KATANGA enfin j’ai également travaillé de 2000 à 2008 en tant que vice-présidente de l’ONG ADIF.
La semaine a été marquée par les incidents survenus au cours de la marche organisée par la Coalition Lamuka pour exiger la dépolitisation de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et les réformes électorales consensuelles. Parmi les victimes des violences policières, il y avait notamment des journalistes. Quelle perception faites-vous des agissements de la police congolaise au cours des marches de l’opposition ?
Safi Kayungo Thérèse : ces événements prouvent à suffisance le recul de la démocratie, le non-respect des droits et libertés humaines. Que les manifestations publiques soient autorisées ou non, le journaliste va à la recherche de l'information et il informe le peuple. Le 15 septembre symbolisait également la journée internationale de la démocratie. Les autorités policières devraient prendre cela en compte pour les prochaines fois.
Malgré cela, LAMUKA annonce une nouvelle marche pacifique le mercredi 29 septembre prochain. Que faudrait-il faire cette fois pour éviter les mêmes actions de la part de la police ?
Safi Kayungo Thérèse : dans son article 26, la constitution garantit la liberté de manifestation à tout congolais. La liberté de manifestations est donc mentionnée dans la loi fondamentale. Et pour cela, la police devra encadrer les manifestants et les autorités devront écouter leurs doléances.
La session parlementaire de septembre a été ouverte mercredi 15 septembre 2021 à l'Assemblée nationale et au Sénat. Parmi les priorités, il y a notamment le budget, la loi électorale. Quelles sont vos attentes à ce sujet ?
Safi Kayungo Thérèse : nous attendons du parlement un budget pouvant soulager la misère de la population. Nous plaidons tous les jours pour que les conditions de vie de la population congolaise soient améliorées. En ce qui concerne la loi électorale, il faudra qu’elle soit consensuelle pour mener à des élections libres et démocratiques.
L’Assemblée Nationale a autorisé la prorogation de l’état de siège pour la huitième fois consécutive dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Quels seront les défis pour cette nouvelle prorogation selon vous ?
Safi Kayungo Thérèse : l’armée et la police, les autorités congolaises, la population, (…) tous les acteurs doivent être pris en compte et s’impliquer pour le retour de la paix dans cette région du pays. Enfin, les moyens devraient également être mis en œuvre pour la réussite de cette opération.
Au niveau du Sénat, les travaux d’évaluation de l’Etat de siège sont également annoncés par Bahati Lukwebo. Le VPM, Ministre de l'intérieur, y est attendu avec les deux gouverneurs militaires. Quelles sont vos attentes concernant ces travaux ?
Safi Kayungo Thérèse : les autorités attendues au cours de ces assises devraient répondre aux questions des sénateurs, relever les failles et apporter des propositions de solutions. Les parlementaires devraient aussi évaluer à leur tour les actions déjà entreprises et relever ce qui restera à faire dans les prochains jours. Il faudra également relever les contours de la nomination de Tommy Tambwe comme coordonnateur du P-DDRCS.
Lors de la vingt-et-unième réunion du Conseil des Ministre, le Chef de l’Etat a demandé au Ministre des Infrastructures et Travaux Publics de faire l’état des lieux de l’exécution technique et financière des projets inscrits dans le contrat dit Sino-Congolais. Mais également au Ministre des Mines pour son secteur. Que faudra-t-il attendre des résultats des résultats de ces état des lieux ?
Safi Kayungo Thérèse : il faut réévaluer ces projets pour la satisfaction de la population. Les états des lieux vont permettre au gouvernement de prendre des mesures importantes. Il faudra relever non seulement des projets non exécutés mais ceux qui sont également mal exécutés, ensuite prendre des mesures.
En société, face à la montée des eaux du lac Tanganyika, le service de cadastre de de Baraka (Sud-Kivu) a appelé les propriétaires des parcelles autrefois inondées à ne pas rentrer dans leurs habitations sans une autorisation préalable. Alors que la situation perdure depuis avril 2020, les victimes n’ont bénéficié d’aucune assistance. Que devrait faire l’Etat congolais ?
Safi Kayungo Thérèse : l’Etat congolais doit indemniser ceux qui ont des documents cadastraux et pour des raisons humanitaires, reloger ceux qui n’ont pas de documents en les délocalisant.
En justice, deux militaires sur quatre ont été condamnés lundi à 20 ans de prison pour viol dans la province du Sud-Kivu. Lors des rapports mensuels élaborés par le BCNUDH, des militaires sont souvent reconnus coupables de violences sexuelles. Qu’est-ce qui pourrait occasionner ce phénomène selon vous et que faire pour y mettre fin ?
Safi Kayungo Thérèse : ce jugement pourra dissuader les violeurs. Pour mettre fin à ce phénomène, les militaires congolais doivent être bien encadrés, bien formés. Ils doivent également être bien payés, ensuite il faudra surtout organiser des permutations tous les trois mois pour leur permettre également d’être aux côtés de leurs épouses.
L’ancien ministre de la santé Eteni Longondo a bénéficié d’une liberté provisoire alors qu’il était arrêté et poursuivi pour détournement des fonds alloués à la riposte contre la Covid-19. Quelle analyse faites-vous de cette décision de la justice congolaise ?
Safi Kayungo Thérèse : le Congo a besoin d’une justice juste. Nous pouvons qualifier cette décision d’une justice à double vitesse. Il y a d’une part ceux qui bénéficient de la liberté provisoire, et d'autre part ceux qui n’en seront pas bénéficiaires. Toutefois, il faudra établir la lumière sur la gestion de ces fonds.
Un dernier mot ?
Safi Kayungo Thérèse : j'invite le gouvernement à redonner de l'espoir aux populations congolaises.
Propos recueillis par Prisca Lokale