Le gouvernement ougandais a ordonné vendredi la suspension avec "effet immédiat" de 54 ONG, dont la principale organisation de défense des libertés civiles Chapter Four, dans une mesure perçue comme une volonté de resserrer son emprise sur la société civile.
Ces 54 associations qui exercent dans les domaines politique, sociétal, religieux ou environnemental sont accusées de "non conformité" avec la législation, a expliqué dans un communiqué le Bureau des ONG, qui dépend du ministère des Affaires internes.
Elles opéraient sans être enregistrées, avec des permis expirés ou n'ont pas communiqué à plusieurs reprises leurs rapports et comptes annuels, a-t-il affirmé.
Parmi ces 54 ONG, l'association Chapter Four -dont le nom fait référence au chapitre 4 de la Constitution ougandaise qui énonce les droits et libertés fondamentaux- et 14 autres organisations se voient "suspendues indéfiniment".
Contacté par l'AFP, le directeur exécutif de Chapter Four, Nicholas Opiyo, a confirmé avoir reçu cette notification, jugeant la situation "grave".
Charity Ahimbisibwe, qui dirige la Coalition des citoyens pour une démocratie électorale (CCEDU), autre organisation visée par les autorités, a qualifié cette décision d'"extrêmement regrettable".
Elle a indiqué que le permis d'exploitation du CCEDU avait expiré, mais qu'elle avait demandé une prolongation car il n'était pas possible de le renouveler durant le confinement mis en place contre le coronavirus et face à une obstruction visible de responsables gouvernementaux.
"En tant qu'organisation respectueuse des lois, nous ne continuerons pas à opérer sans permis", a-t-elle assuré.
La section Afrique de la Commission internationale des juristes s'est dite "profondément préoccupée" par la suspension de Chapter Four.
"Nous encourageons les autorités à résoudre d'urgence cette situation pour permettre à Chapter Four de reprendre ses activités", a-t-elle déclaré sur Twitter.
- ONG actives durant la présidentielle -
Certaines des organisations concernées par cette décision avaient participé à une opération d'observation lors de l'élection présidentielle controversée qui s'est tenue en janvier.
Cette opération avait fait l'objet d'une perquisition par les forces de sécurité et plusieurs dirigeants avaient été arrêtés.
Ce scrutin a vu le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, réélu pour un sixième mandat au terme d'une campagne violente marquée par le harcèlement et l'arrestation de personnalités de l'opposition, dont le principal opposant et député Bobi Wine, des attaques contre les médias et la mort de dizaines de personnes.
L'opposition a contesté cette élection, qualifiée de "mascarade" par Bobi Wine.
Mme Ahimbisibwe a indiqué que son organisation, la CCEDU, avait été convoquées à plusieurs reprises par les autorités après la publication d'un rapport faisant état de fraudes durant l'élection.
Un mois avant l'élection, Nicholas Opiyo, fondateur de Chapter Four et avocat de nombreux militants des droits humains, de la cause homosexuelle ainsi que de Bobi Wine, avait été arrêté et inculpé de blanchiment d'argent.
Plusieurs pays, dont les Etats-Unis et l'UE, avaient protesté contre cette arrestation et des rapporteurs spéciaux de l'ONU sur les Droits humains avaient dénoncé des "chefs d'accusations fictifs" et des poursuites "semblant uniquement liées au contexte électoral" en Ouganda.
Cette figure de la société civile ougandaise avait été libérée sous caution une semaine plus tard.
Le président Museveni a réprimandé publiquement samedi ses forces de sécurité pour avoir été trop violentes avant et après l'élection.
En novembre dernier, au moins 56 personnes avaient été abattues alors qu'elles protestaient contre l'arrestation de Bobi Wine.
Selon l'opposition, des centaines de ses partisans ont également disparu ou péri durant la violente répression post-électorale.
ACTUALITE.CD avec AFP