L’influence de la rébellion de l’AFC/M23 soutenue par le Rwanda, ne se fait plus sentir uniquement dans la province du Nord-Kivu ; elle s’est progressivement étendue et consolidée dans la province voisine du Sud-Kivu. Selon le dernier rapport du groupe d’experts des Nations-unies sur la RDC, consulté lundi 8 décembre dernier, cette présence s’est renforcée le long de plusieurs axes traversant les territoires de Walungu, Mwenga, Uvira et Kalehe. Le document indique que les déploiements opérationnels répondent à un objectif stratégique de sécurisation des corridors de transit et des zones minières, ainsi qu’au renforcement des miliciens Twirwaneho sur les Hauts Plateaux.
"Depuis fin avril, des renforts ont été constatés dans des zones stratégiques telles que Kamanyola, Katogota, Nyangezi, Luhwinja et Kaziba notamment des convois ayant franchi la frontière entre le Rwanda et la RDC. Ces déploiements ont permis à l'AFC/M23-RDF de maintenir le contrôle de nœuds de transit clés, notamment Kaziba, Katogota et le corridor Tubimbi–Luhwinja et de poursuivre des opérations s'étendant de la plaine de Ruzizi aux Hauts plateaux", renseigne le rapport du groupe d'experts de l'ONU.
Selon le rapport, la poursuite des avancées vers Walungu et Shabunda en septembre-octobre aboutissant à la prise de Nzibira, Luntukulu, Chulwe, Lubimbe et de positions le long de la RP503 suggèrent une tentative de s'emparer de nœuds logistiques clés reliant les territoires de Walungu, Shabunda et Mwenga, ainsi que de pistes d'atterrissage et de centres de commerce de minéraux.
"L’AFC/M23 et la RDF ont également continué à fournir un soutien militaire crucial aux enclaves assiégées contrôlées par le MRDP-Twirwaneho dans les Hauts Plateaux déployant des renforts de troupes malgré la forte pression des forces des FARDC, des FDNB et de Wazalendo. Après l’arrivée à Minembwe, en mars 2025, des renforts de l’AFC/M23 dirigés par le lieutenant-colonel Jaffet Gakufe, un second renfort, dirigé par le lieutenant-colonel Oscar Ndabagaza, a été bloqué alors qu’il tentait de traverser des zones hostiles avant d’atteindre finalement Mikenge fin août", ajoute le rapport.
Selon le même document, l’assistance de l’AFC/M23-RDF est restée essentielle, car les voies d’accès et les chaînes d’approvisionnement du MRDP-Twirwaneho vers les centres de population de Banyamulenge se sont effondrées, et la région est restée économiquement asphyxiée et de plus en plus encerclée.
"La coalition FARDC–Wazalendo–FDNB a continué de s’opposer aux avancées de l’AFC/M23-RDF sur plusieurs fronts. Les avancées de l’AFC/M23 vers Uvira ont été bloquées par les positions du FDNB et des FARDC qui défendaient la plaine de Ruzizi", précise le rapport.
Expansion dans les zones riches en minéraux du Sud-Kivu
Les rebelles de l’AFC/M23 avec le soutien des RDF, ont continué d’étendre leur contrôle sur les zones minières stratégiques du Sud-Kivu, consolidant ainsi leur accès aux ressources minérales qui contribuent au financement de leurs activités armées. Ils ont maintenu le contrôle des principales zones d’extraction d’étain, de tantale et de tungstène (3T) autour de Lumbishi, Numbi et Nyabibwe, dans le territoire Kalehe.
"Le 21 septembre, l’AFC/M23 s’empare de Nzibira, plaque tournante stratégique du commerce des minéraux dans le territoire de Walungu qui sert également de point de transit pour les minéraux provenant du territoire de Shabunda notamment la cassitérite et le coltan extraits des zones minières autour de Nzovu. Suite à cette expansion, environ la moitié de la production de cassitérite et de coltan du Sud-Kivu et plus des deux tiers de sa production de wolframite proviennent des territoires actuellement sous le contrôle de l’AFC/M23. L'essentiel de l'exploitation aurifère artisanale et semi-mécanisée du Sud-Kivu se concentrait dans les territoires de Shabunda, Mwenga et Fizi, dans des zones contrôlées par les FARDC et les groupes Wazalendo".
À l'inverse, les experts de l’ONU soulignent que le territoire contrôlé par l'AFC/M23 dans la province comprenait trois exploitations aurifères importantes : un grand site d'exploitation artisanale à Luhihi, dans le territoire de Kabare, la mine de Twangiza, dans le territoire de Mwenga et une exploitation semi-mécanisée près de Karhembo, dans le territoire de Walungu.
Contrôle de l'exploitation aurifère à Luhihi par l'AFC/M23
Selon le rapport, Luhihi a connu une forte augmentation de l'exploitation aurifère artisanale suite à la découverte de riches gisements sur le site de « Lomera » en janvier 2025. L'imagerie satellitaire confirme l'expansion rapide des activités minières et l'émergence d'un nouveau village minier. Selon des sources locales, plus de 5 000 mineurs artisanaux auraient travaillé à Lomera au cours du premier semestre 2025, exploitant des centaines de puits de mine actifs.
Suite à sa prise de contrôle à la mi-février, l'AFC/M23 a établi un contrôle de facto sur les opérations minières dans la région, remplaçant les services officiels de l'État par un « bureau minier » local opérant sous son autorité. Les autorités de facto ont imposé une taxe de production de 30 % sur le prix de vente du minerai à la mine. Les agents de l'AFC/M23 ont mis en place un système structuré de surveillance et d'évaluation de la qualité du minerai, comprenant des inspections régulières des teneurs en minéraux dans les mines en activité, et ont supervisé la quantité de minerai transportée vers les usines de concassage. Des taxes supplémentaires ont été prélevées sur divers acteurs et activités minières.
"Le 30 août, AFC/M23 a suspendu ses activités minières à Lomera en raison de tensions avec la communauté minière, tensions provoquées par l'effet combiné de l'expansion minière non réglementée et des pratiques de recherche de rente de l'AFC/M23. AFC/M23 a promis de reprendre ses activités minières après l'enregistrement des mineurs artisanaux. Des retards dans la mise en œuvre de cet enregistrement. Ces processus ont alimenté les spéculations selon lesquelles les autorités de facto envisageraient une transition vers une exploitation semi mécanisée".
Clément MUAMBA