Lever le voile sur Do Nsoseme, artiste photographe et slameuse congolaise

En République Démocratique du Congo, rares sont les artistes qui usent de leur talent pour s’exprimer,  faire entendre leur voix sur des enjeux de société et ainsi nourrir leur passion. Do Nsoseme, artiste slameuse et photographe, d’une vingtaine, évoluant à Kinshasa est du nombre. Dans ses projets artistiques, elle aborde plusieurs thématiques notamment les droits des femmes et des enfants en passant par la consolidation de la paix et l’amour pour le Congo. Dans une interview, Do Nsoseme nous dévoile son affection pour la photo et le slam-poésie.

Voulez-vous vous présenter ?

Je m'appelle Do Nsoseme Dora, je suis photographe, poétesse, slameuse et comédienne. Je suis détentrice d’un diplôme en communication visuelle de l'Académie des Beaux-Arts de Kinshasa. Depuis 2015, j'ai participé à des projets d’envergure tels que le « Slam our world » organisé en 2017 par le Théâtre Royal Flamand (KVS). J'ai présenté une série photographique durant l’exposition « Kinshasa 2050 » organisée en 2018 par l’Institut Goethe en collaboration avec l’Institut Français de Kinshasa. À Brazzaville, avec les Ateliers Sahm, j'ai effectué une résidence collective dans le cadre de la « Rencontre Internationale d’Art Contemporain » (RIAC). En 2019, j'ai exposé mes œuvres photographiques durant la 6e édition de la biennale de Lubumbashi et j'ai participé à une tournée de théâtre en Belgique avec le groupe « Théâtre et réconciliation », dans le cadre du projet « Vita Siyo Muchezo ya watoto » (ce qui signifie « la guerre n'est pas un jeu d'enfant » en Swahili). À l'occasion des 60 ans d'indépendance de la RDC, j'ai sorti en juillet 2020 la vidéo du slam « Le Congo de demain », un texte qui analyse la situation actuelle du Congo. Et en février 2021, j’ai sorti un single intitulé « Femme », en hommage à toutes ces braves femmes qui travaillent dur nuit et jour et aussi afin de leur rappeler que le combat continue.

Comment aviez-vous embrassé le slam et la photographie ?

Fin 2011, j'ai commencé à fréquenter un collectif d'artistes poètes et slameurs dénommé « Au pays des poètes » où j'ai d'abord commencé par déclamer des poèmes, avant de migrer vers le slam. La photographie, c'est un peu plus tard, en 2014, que j'ai commencé à plus m'y intéresser, alors que je poursuivais mes études en communication visuelle. J'ai alors travaillé comme photographe événementiel avant de réaliser ma première série photographique " Grand Prêtre " en 2018.

C’est quoi le slam et la photographie pour vous ?

C'est des moyens de faire entendre ma voix, de créer et révéler mon monde aux autres.

Pensez-vous que le slam et la photographie puissent être un outil de sensibilisation de la population congolaise ?

Oui, c'est des moyens artistiques que l’on peut utiliser pour sensibiliser. Puisqu'on peut écrire sur n'importe quel sujet dans le slam et décider de faire des photos sur des thèmes précis pour faire passer des messages de changement.

La pensée culturelle et artistique peut-elle être développée par le slam et la photographie ?

Bien sûr. Et je crois que c'est ce que tous les artistes tentent de faire. La photographie et le Slam sont des activités artistiques et culturelles qui mettent en avant les atouts du milieu où ils sont développés. C’est donc un concept dense qui requiert plus de précisions pour être abordé et me permettre d’apporter une réponse plus claire à votre question.

Pourquoi le morceau slam « Femme »  et  c’est quoi l’idée derrière ta série photographique « grand prêtre mère »

Femme pour célébrer le courage de la femme et pour rappeler que la lutte pour de meilleurs conditions de vie des femmes doit continuer.

Grand Prêtre Mère est un projet photographique qui questionne la relation entre le vêtement et l’identité de la femme. Il a été réalisé dans le cadre du projet d’exposition « Kinshasa 2050 : les femmes d’abord », initié par l’Institut français de Kinshasa et le Goethe-Institut de Kinshasa en 2018. À Kinshasa, comme dans la plupart des villes, les gens sont jugés à leur apparence. La notion d’apparence se rapporte très souvent à ce que l’on porte comme vêtement, ce que l’on exhibe comme accessoires pour accompagner sa tenue. La personne qui regarde une tenue, attribue à celle qui la porte une identité ou une qualité. L'idée avec Grand prêtre mère était donc de questionner la relation entre le vêtement et l'identité de la femme. Dans la société congolaise, on donne de la valeur aux gens en rapport avec leur apparence. Pour moi, c'était important de mettre en lumière ces femmes congolaises qui vendent devant chez elles ou travaillent dans l’informel, qui sont des « Grand Prêtre Mère », c’est-à-dire des femmes importantes dans nos communautés par leurs courage et travail.

Que pensez-vous que ce morceau slam apporte à la jeunesse de Congolaise  et la série photo ?

Je pense que ça pose des questions importantes.  Pour le slam "Femme", je dirais qu’il questionne la considération qu'on accorde à la lutte pour le respect des droits des femmes et également la commémoration de la journée internationale des droits de la femme.

Pour Grand Prêtre Mère, c'est sûrement la valeur qu'on accorde à ces femmes qui contribuent énormément à l'économie congolaise... et c'est sûr que chaque public pourra trouver plus encore que ce que j'énumère ici.

Quelles sont les thématiques que vous abordez le plus souvent ?

Je parle d'un peu de tout, des droits des femmes, des enfants, de la paix, la jeunesse, du Congo... les thèmes que j’aborde dépendent aussi des rencontres que je fais et de ce qui me touche.

Comment vous en sortez-vous alors que les arts ne sont pas soutenus au pays ?

Je me sens portée par des cris, des envies de dire, alors, je ne fais pas l'art pour l’argent, quoique j’aimerais bien vivre de mon art. Mais ici ce n’est pas vraiment possible. Alors, comme j'ai des choses à dire, quand il y a des choses qui me dérangent, me préoccupent, me taraudent l’esprit, j'écris, je photographie. Je dois le faire pour être en harmonie avec moi-même.

Un message à partager ?

La vie est belle ! Rêvons et créons un monde meilleur.

Par Lebon Kasamira