RDC : « sans ce petit commerce, je n’aurais pas survécu dans un camp militaire », Cathy Bonzenge (veuve) 

RDC : « sans ce petit commerce, je n’aurais pas survécu dans un camp militaire », Cathy Bonzenge (veuve) 

L'état de siège, déclaré dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri met en évidence les hommes en uniformes de la RDC ainsi que leurs dépendants aussi. Ce 02 juin, le Desk Femme vous propose le portrait de la veuve d’un lieutenant, habitante du Camp Faza situé dans la commune de Barumbu à Kinshasa. 


 Cathy Bozenge vend des bananes,  des papayes et des  cacahuètes aux croisements des avenues Bokassa et Maluku. Le prix  auquel elle vend ces denrées varie entre 200 et 500 Francs congolais.

« Mes potentiels clients sont les élèves de Jean-Bosco (une école voisine) ainsi que des passants. Quand la vente est bonne, je touche plus de 40.000 Fc en fin de journée. Dans le cas contraire, je peux m’en sortir avec 20.000 Fc,» confie la sexagénaire. 


Cathy Bozenge est mère de dix enfants dont deux jumeaux. Elle avait pourtant l'ambition de devenir une femme d’affaires. Les moyens financiers n’ont pas permis à ses parents, commerçant et ménagère, de l’inscrire à l’école secondaire.

« J’ai fait tout le cycle primaire. Je comptais poursuivre mes études jusqu’à l’université. Je me voyais heureuse, épanouie, une véritable femme d’affaires. Mais tout cela n’a pas été possible », dit-elle. Et de poursuivre, « j’ai lutté pour scolariser mes enfants. Ils ont tous fait le cycle primaire, certains ont terminé le secondaire et trois d’entre eux se sont enrôlés dans l’armée entre Mbuji-Mayi et Kinshasa ». 


Cela va faire six ans que Cathy Bozenge est veuve. Son époux, un lieutenant, est décédé d’une courte maladie. « Nous sommes allés à l’hôpital, nous avons payé tous les frais, l’ordonnance médicale nous a aussi été donnée. Nous avons acheté les comprimés, il a suivi sa cure. Finalement, cette maladie l’a emportée » confie Mme Bonzenge. 


 Avant et après le décès de son époux, six  enfants de Cathy Bozenge vont  mourir des mêmes causes que leur père. La toute dernière, Falone (Nom d’emprunt), est décédée un mois après son accouchement au Camp Kokolo.

« Falone avait épousé un militaire du camp Kokolo. Elle vivait avec ses belles-sœurs après l’accouchement. Ma fille avait 24 ans. Après son accouchement, elle s’apprêtait à venir me rendre visite. Au bout d’un mois seulement, on m’appelait d’urgence pour me signifier qu'elle était sérieusement malade. Elle n’avait plus de sang, il fallait une transfusion. L’hôpital n’en avait pas. Ma fille est morte. Elle avait déjà un garçon de huit ans. Il est à ma charge actuellement,» s'attriste Cathy Bozenge. 

La vie dans les camps s'apparente au parcours du combattant


Comme de nombreuses épouses de militaires, Cathy Bozenge a passé plus de quarante ans  dans ce camp militaire.


« Lorsque je me suis mariée, une maison nous a été donnée dans ce camp militaire, depuis je ne l'ai plus jamais quitté. Je dois vous dire qu’à la même période, de nombreuses femmes sont décédées dans ce camp. Elles souffraient de kwashiorkor (syndrome de malnutrition extrême). La plupart d’entre elles sont décédées après un accouchement. (…) Sans ce petit commerce, je n’aurais pas survécu. Excepté le courant, l’eau et le fait d'avoir un toit, rien ne peut permettre aux familles de militaires de joindre les deux bouts. Depuis le décès de mon époux, je reçois 30.000 Fc comme salaire (plus ou moins 15 $). A quoi cela me servirait-il pour tout un mois ? Quand il nous arrive de tomber malade, tout se fait à nos propres frais. Comment vivre sans un commerce ? », s’interroge Cathy Bozenge. 


Par ailleurs, Cathy Bozenge a plaidé pour l’amélioration de leurs conditions de vie, pour l’éducation des enfants, ainsi que l’augmentation des frais alloués aux familles des militaires décédés.

Prisca Lokale