Trop c’est trop ! Arrêtez donc ces massacres !

ACTUALITE.CD

Les multiples manifestations survenues au cours de ce mois d’avril 2021 contre les massacres dans le grand Kivu nous ont brutalement rappelé que le Congo vit un drame interminable depuis une vingtaine d’années dans une atmosphère de banalisation inacceptable de la situation.

Nous en rendons-nous compte ? Nous sommes des témoins impuissants et pratiquement indifférents du pire conflit du continent dans les temps modernes, des tueries dévastatrices dans l’est du pays. Les histoires racontées par les survivants sont déchirantes. Les sinistres images des bébés aux cranes fendues à la machette, ou encore celles des femmes et des hommes étêtés, aux corps déchiquetés et éventrés sont devenues fréquentes sur les réseaux sociaux sans sembler émouvoir davantage ni les Congolais des autres provinces ni les autorités à Kinshasa. Les actes et gestes de solidarité avec nos compatriotes assiégées et massacrées par d’innombrables groupes armés et même par des troupes étrangères sont quasi inexistants. Existe-t-il une nation congolaise ?

Le Congo serait-il un État en faillite ?

Depuis 1996 le Congo est ravagé par une guerre brutale dans laquelle des millions de personnes ont été tuées. Quelque chose comme cinq millions de personnes sont mortes, plaçant la RDC parmi les pays ayant connu les plus grands massacres du XXème siècle et l'événement le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale. Et ça continue. C’est à se demander si le Congo, un pays de la taille de l'Europe occidentale, limitrophe de neuf autres nations, ne serait pas devenu un État en faillite qui s'est effondré dans une guerre de massacres et de représailles.

Certes, il peut être difficile de cerner et de comprendre une guerre qui implique plus d’une centaine de groupes rebelles différents et les armées de plusieurs pays, mais qui ne semble pas avoir une cause formelle ou un objectif clair. Comment expliquer la structure compliquée des alliances et des factions qui semblent se déplacer continuellement sur le terrain ? Une chose est sûre : nous subissons une série de conflits qui ont commencé avec le génocide rwandais en 1994 et qui persistent aujourd'hui, malgré une conférence de paix en 2002. Depuis lors, que d'autres attaques génocidaires, de camps de réfugiés ravagés par des maladies et des épidémies, de marches de la mort, de viols massifs et d'embrigadements forcés des enfants soldats dans des armées …

Échecs des institutions

Il y a beaucoup à dire sur les échecs des institutions à trouver des solutions durables au drame des Kivutiens et des Ituriens. Le Congo a été systématiquement évidé, d'abord par la traite coloniale des esclaves, puis par le cauchemar de l'État libre du roi Léopold. Il y a eu ensuite le règne de plusieurs décennies de Mobutu Sese Seko, qui a usé de l’art de la division pour régner. Son armée a été incapable de se défendre contre les innombrables groupes rebelles, armées étrangères et aventuriers qui ont donné des coups de boutoir à son régime. Les Congolais ont été victimes de la domination coloniale, de l'esprit de la guerre froide et de la négligence de leur État.

Lorsque le gouvernement rwandais a cherché à se venger des génocidaires hutus qui avaient fui au Congo avec des millions de réfugiés / otages et qui planifiaient un retour, le Congo n'a pas pu résister. Le chef rebelle et nouveau président Laurent-Désiré Kabila était au pouvoir depuis à peine un an que la coalition internationale qui l'avait installé tentait de l'évincer. Cette agression, sans aucun doute menée par les Tutsis, a provoqué des représailles contre la minorité tutsie à l'intérieur du Congo, et a provoqué une spirale de violence ethnique. Est-il possible de blâmer les gens de se tourner vers leur loyauté première, leur famille et leur groupe ethnique pour faire face à des adversités de tous genres ? La suite, c’est l'exacerbation politique des tensions ethniques devenues un moteur majeur de la violence.

Il est étrange que tant de souffrances au Congo aient pu être causées par une vague de violence ethnique scandaleuse dans le petit Rwanda voisin. Il faut donc adopter une vision holistique pour comprendre le drame congolais.  Pour cerner la crise congolaise, il faut sonder les motivations de ceux qui l'entourent mais aussi analyser les actions au Congo. Bien sûr, le Rwanda est l’acteur le plus important dans ce tableau, car c'est le gouvernement de Paul Kagame qui a renversé Mobutu Sese Seko. Même si, souventes fois, des Congolais eux-mêmes, dans de nombreux cas, ont été les mandataires utilisés par d'autres à des fins intéressées.

L’incompréhension de la communauté internationale

Apparemment, la communauté internationale ne comprend pas le conflit en RDC ou a délibérément choisi de ne pas comprendre. Les gens en général préfèrent avoir affaire à des situations claires, en l’occurrence à un conflit dans lequel il est possible de désigner l’agresseur et l’agressé, tout en expliquant la cause de l’agression. En RDC, il est question d'un conflit à mille faces. Il n’est donc pas étonnant que la communauté internationale ne se casse pas la tête pour s’impliquer et aider à mettre fin au drame congolais.

Cependant, aussi longtemps que la RDC ne développera pas un discours moral clair à soutenir, il sera difficile de reprocher à la communauté internationale de ne pas en faire plus pour mettre fin au drame qui sévit à l’est de notre pays. Il faut commencer par rompre les liens avec la corruption, la kleptomanie, les guerres intestines incessantes, le népotisme et la violence. Beaucoup d’acteurs au sein de la communauté internationale trouvent dans le contexte trouble congolais des opportunités pour se faire de l’argent facile. La richesse minérale du Congo semble être à la portée et à la disposition des personnages audacieux et sans scrupules, sans parler des multinationales sans morale.

Il est temps de faire cesser la violence à l’est du pays. De gré ou de force. Le peuple congolais mérite mieux. Si ce n'est pas la justice, c’est la paix. Mais aussi, pourquoi pas, un mémorial pour nos morts.

Nawezi Karl J.