Des acteurs politiques et diplomatiques, des représentants de la société civile et même les survivant.e.s ont pris part à la table ronde sur la création et mise en œuvre d’un fonds national des réparations pendant deux jours à Kinshasa. A l’issue de ces assises, les organisateurs (Global Survivors Fund en collaboration avec le Mouvement National des Survivantes des Violences Sexuelles et la Fondation Panzi), ont mis un place un groupe de personnes sensé poursuivre le plaidoyer.
Premier jour des assises, les participants sont outillés sur le cadre juridique des réparations, les états de lieux des réparations en RDC, mais aussi sur l’expérience du Fonds au profit des victimes de la CPI en RDC. Ensuite, intervient le moment d’échanges. Chaque organisation de la société civile propose ce qui devra être pris en compte dans la politique nationale de réparation et décrit son rôle.
Isabelle Namwezi, membre de la Solidarité féminine pour la paix et le développement intégral (Sofepadi Beni) a plaidé pour que le plan de réparations puisse également inclure les frais de justice. Elle s’explique « Lorsque les victimes se présentent à nous, nous leur offrons tous les soins nécessaires. Cependant, lorsqu’il faut engager des poursuites judiciaires, il faut également mobiliser des ressources financières. Cela n’est pas toujours évident. Il y a de nombreux frais de justice à payer et les victimes sont dépourvus. Il faut aussi penser aux enfants issus de viol, lorsqu’ils ne sont pas pris en charge, ils deviennent un fardeau pour leurs mères.»
Evoluant au Kasaï, maitre Kambala a soulevé l’aspect culturel des réparations. « Lorsqu’une femme a été victime de viol dans le Kasaï, cet acte est considéré au même titre que l’adultère. Cela ne permet pas aux victimes de se reconstruire le plus rapidement possible. Il faut que la société parvienne à comprendre que subir une violence sexuelle n’est pas de la faute de la victime. Et pour y parvenir, il faut une sensibilisation intense dans nos provinces » a-t-il souligné.
A l'issue de la première journée, les participants ont été appelés à constituer 4 groupes de travail pour la mise en place du Fonds. Le premier a travaillé sur la nécessité et l’urgence de la création d’un Fonds spécifique de réparation pour les survivant.e.s de violences sexuelles. Le deuxième s’est appesanti sur l’articulation entre le Fonds et les réparations judiciaires en matière des violences sexuelles liées au conflit. Le troisième groupe a essentiellement travaillé sur la source de financement du Fonds. Enfin, le quatrième groupe a abordé le fonctionnement et la gouvernance du Fonds.
Lors de la seconde journée, chaque groupe a présenté le résultat de son travail. Ensuite, l'accent a été mis sur les recommandations. L’ambassadeur du Japon en RDC propose que « Les victimes des violences sexuelles soient véritablement bénéficiaires du Fonds qui sera mis en place ». André Lite, ministre des droits humains souligne que « le Fonds en gestation aurait huit sources de financement. Notamment des ressources forestières, minières (Fonds minier pour les générations futures), l’eau et l’électricité, la téléphonie mobile dans laquelle le Gouvernement fera des prélèvements pour alimenter ce Fonds. »
Pour ce qui est du cadre juridique devant accompagner ce Fonds, le ministre a signifié qu’il y aura la création d’un établissement public avec un conseil de gestion composé des acteurs de la société civile. Cette structure aura pour mission d’identifier les vraies victimes des violences sexuelles.
Thésée-Aurore Makaba, coordonnatrice du projet « Fonds national des survivant.e.s des violences sexuelles liées aux conflits en RDC » a soulevé des propositions clés. « Une des grandes recommandations est l’urgence d’implémenter un Fonds de réparations en RDC. Plusieurs victimes sont mortes sans aucune réparation, sans aucune reconnaissance. Les réparations ne font pas uniquement allusions à l’indemnisation, mais toute la reconnaissance qui accompagne ces réparations ainsi que la prise en charge psychologique et médical. Une autre est de pouvoir impliquer de manière transversale les victimes, la société civile dans la prise des décisions, dans la rédaction de la stratégie des réparations mais aussi dans la réalisation de ce Fonds », a-t-elle expliqué.
Une question de volonté politique
« Nous sommes venus analyser la possibilité d’avoir un fonds national pour les survivant.e.s. Cependant, il y a d’autres initiatives qui sont mises en place avec la Fondation Panzi, le Fonds global pour les survivant.e.s des violences sexuelles, pour donner des réparations intérimaires au Kasaï central, au Sud-Kivu, au Nord-Kivu. C’est un exemple. Je pense qu’il faut partir d’un point. L’Etat congolais estime parfois qu’il n’y a pas assez des moyens, qu’il y a un nombre illimité des victimes. Mais ces exemples prouvent à suffisance qu’il est possible de doter la RDC d’un Fonds national, il suffit d’une volonté politique », a dit Tatiana Mukanire, coordonnatrice du Mouvement National des survivant.e.s des violences sexuelles.
Après ces assises, un groupe sera mis en place pour continuer le plaidoyer pour la mise en place du Fonds. C’est ce qu’à fait savoir, Tatiana Mukanire. « Nous avons créé un groupe de personnes qui va faire le plaidoyer pour que la mise en place de ce fonds soit effective. Souvent, les décisions prises au cours de telles assises partent en vain et cela nous déçoit en tant que survivantes. Nous avons été au centre de cette activité et nous allons nous battre pour que ce fonds soit mis en place.»
Pour rappel, ces rencontres ont été organisées avec l’objectif de mener des actions de plaidoyer et travailler avec les organisations de la société civile dans le but d'obtenir entre autres plus d'implication de la part des autorités congolaises.
Prisca Lokale