Ouverture de la session de mars, première conférence de presse de Bintou Keita, affaire de l’Hôpital du Cinquantenaire, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Le desk femme de Actualite.cd vous propose de décortiquer les faits marquants de la semaine avec Tatiana Nguya, entrepreneure et activiste sociale basée dans le Haut-Katanga.
Bonjour Madame Tatiana Nguya, merci de nous accorder cet entretien. La semaine a démarré avec l'ouverture de la session de mars à l'Assemblée nationale et l'ordre du jour prévoit notamment le sujet relatif aux réformes électorales. Il y a également la proposition des organisations féminines notamment la Dynafec, d'apporter des amendements à la loi électorale pour rendre obligatoire la représentativité des femmes sur les listes des partis politiques. Quand est-ce que cela devrait être fait selon vous ?
Tatiana Nguya : le plus tôt possible. Etant donné que la question sur les réformes électorales a été mise sur table, il faudrait qu’à l’issue de toutes les décisions qui seront prises, l’article 13 de la loi électorale qui encourage la présentation paritaire hommes-femmes ainsi que la promotion des personnes vivant avec handicap au sein des listes des partis politiques soit également amende. Cela permettra de remettre la femme dans ses droits en matières électorales.
En sécurité, la nouvelle cheffe de la Monusco, Bintou Keita, après sa tournée à l'Est de la RDC a tenu une conférence de presse à Kinshasa, au cours de laquelle elle a reconnu les efforts de sa prédécesseure dans la résolution des conflits notamment politiques, avant de parler des défis qui restent à relever. Il y a notamment la désolidarisation entre les communautés locales et les groupes armés dans cette partie du pays. Cette question revient de manière récurrente lorsqu'il faut parler de la paix à l'Est. Comment y parvenir ? Quel mécanisme faut-il adopter pour mettre fin à la complicité entre ces groupes armés et les populations vivant dans cette région ?
Tatiana Nguya : je pense que la question de sécurité doit être parmi les priorités du gouvernement Sama Lukonde qui sera bientôt mis en place. Si réellement la sécurité à l’Est du pays nous préoccupe, nous nous devons d’analyser tous les facteurs qui causent sa durabilité, des facteurs étudiés et prouvés, pour pouvoir trouver des solutions pérennes c’est-à-dire, y rétablir la paix. En termes des mécanismes, il faut étudier en profondeur cette situation et pouvoir en dégager des solutions.
Il y a également la question de la réduction du nombre des casques bleus en RDC. Des mouvements citoyens avaient manifesté à l'Est mais aussi à Kinshasa. Après l'arrivée d'une nouvelle Cheffe de la Monusco, cette question est-elle dépassée ?
Tatiana Nguya : lorsqu’il s’agit de la sécurité, de la paix, de la vie humaine qui est sacrée, une question n’est jamais dépassée. Encore une fois, aux autorités compétentes, de se pencher sur cette question et trouver des solutions idoines.
Une pluie abondante s’est abattue sur Kinshasa dans la nuit de lundi 15 mars à mercredi 16 mars 2021, causant sur son passage de nombreux dégâts, tel que l'écroulement d'une partie du pont N'djili. Les inondations , les érosions ainsi que les écroulements de terrain gangrènent de plus en plus le quotidien des populations dans la plupart des provinces congolaises. Quelles stratégies faudrait-il mettre en place pour limiter ces dégâts ?
Tatiana Nguya : nous devons avoir un plan de contingence pour que les situations de catastrophes ne nous surprennent pas mais qu’elles nous trouvent avec des mécanismes de réactions rapides. Ce plan de contingence implique des acteurs tels que les bourgmestres, les gouverneurs des provinces, les agents de la Croix-Rouge, les coordonnateurs provinciaux. En dehors du fait qu’il doit être mis en place, il doit également être vulgarisé pour permettre à chaque acteur de connaitre ses taches lorsque les catastrophes naturelles surviennent. Très souvent lorsqu’on parle d’érosion ou d’inondations, notre réflexe est dirigé vers les constructions anarchiques ou le problème de canalisation d’eau mais, les catastrophes ne peuvent pas être évitées définitivement.
Le président Tanzanie Magufuli est décédé le 17 mars à Dar Es Salaam. En RDC, le Chef de l'État a décrété 3 jours de deuil national, du 23 au 25 mars en sa mémoire. Que retenez-vous de ce président tanzanien ?
Tatiana Nguya : je regrette sincèrement le décès du président Magufuli. Il fut une icone pour le continent africain avec des idées panafricanistes. Sous sa présidence la Tanzanie a quitté la catégorie des pays à faible revenu pour passer dans celle des pays à revenus intermédiaires, selon la Banque Mondiale. Nos condoléances à tout le peuple tanzanien et à tous les panafricanistes.
Bien que ce soit dans une circonstance peu heureuse, la Tanzanie connaît en même temps pour la première fois, une femme à la tête du pays. Samia Suluhu Hassan va assurer la transition jusqu'en 2025. En ce moment où le monde célèbre le leadership féminin, que pensez-vous de cette accession au pouvoir?
Tatiana Nguya : ul est vrai que Madame Samia est arrivée à ce poste dans des circonstances moins heureuses, mais elle a un CV très riche, avec un parcours remarquable, engagé depuis très longtemps en politique, elle a travaillé en dans les ONGs humanitaires, je pense qu’elle pourra relever le défi du leadership féminin en Tanzanie.
Et vous, comment appréhendez-vous ce thème mondial de la célébration de JIF 2021, à savoir "Leadership féminin : pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19" ?
Tatiana Nguya : la Covid-19 a mis en exergue les faiblesses du système de santé dans notre pays, mais également l’insuffisance des compétences en matières du numérique. Là encore les femmes ont été les plus affectées par cette pandémie. Cependant, elles ont également relevé le défi. Tous les matins, les femmes se levaient avec tous les risques, elles ont placé leurs foyers en avant plan. Elles ont aussi été personnels soignants, assistantes, techniciennes de surface, dans le monde en général et en RDC en particulier. Il est plus que temps que le leadership féminin trouve sa place en RDC. Face à toutes les situations que traverse ce pays, les femmes font preuve de compétences et d’ingéniosité pour participer pleinement au développement de la RDC.
Comment les populations katangaises devraient-elles travailler pour parvenir à ce futur égalitaire Homme-Femme ?
Tatiana Nguya : il ne s’agit pas seulement des populations katangaises mais, de toute la RDC. Je pense que nous devrions tous connaitre les textes, nous appuyer sur l’article 14 de la Constitution qui soutient la participation des femmes aux tables des négociations. Tenir compte de la représentativité des femmes dans la composition du gouvernement, dans les postes de prise des décisions. Et une manière, pour la population katangaise de contribuer à un monde égalitaire prôné par le thème de cette année est non seulement de pouvoir s’approprier des textes, mais pouvoir les mettre aussi en pratique. L’Etat congolais a pour responsabilité de ratifier les lois, mais aussi de les vulgariser. C’est ainsi que les jeunes, hommes et femmes pourront s’approprier des textes et revendiquer leurs droits.
À l'hôpital du Cinquantenaire, Madame Huguette Ngomb, docteur aux cliniques universitaires et en détachement au sein de cet hôpital a porté plainte contre l'administrateur directeur général pour menace et maltraitance en date du 04 mars. Jeudi, 18 mars, l'ADG a été interpellé par le parquet de Grande instance de Kinshasa/Gombe. Les autres membres du personnel, "témoins oculaires de l'événement" ont tenu un point de presse et fait une déclaration pour rejeter ces allégations du Docteur Huguette Ngomb. Selon vous, comment est-ce que la justice devrait agir ?
Tatiana Nguya : nous avons suivi les deux parties, celle du docteur Huguette et le comité des médecins de l’hôpital qui a rejeté ses allégations. Les avis sont partagés comme dans tout dossier juridique. Que la justice fasse son travail. Nous encourageons les politiques à s’abstenir d’interférer dans les différents dossiers judiciaires. La justice doit jouir de son indépendance. Nous souhaitons également que règne un climat de respect mutuel de compréhension et d’entente.
Cet événement pose également des interrogations sur la sous-traitance dans différentes entreprises privées en RDC. Au Katanga justement, faîtes-vous également face à de telles situations ? Que faudrait-il faire pour résoudre définitivement ce problème ?
Tatiana Nguya : lorsqu’on parle sous-traitance, c’est le gouvernement qui doit mettre en place tous les mécanismes pour protéger sa population. Lorsque le congolais va à l’étranger, il trouve des lois bien établies et il se montre respectueux mais, dès l’instant où il enfreint l’une d’elles, il est sanctionné. Est-ce également le cas en RDC ? Est-ce que le congolais connait ses droits ? Est-ce que les employeurs savent ce que dit la loi ? Il y a une loi sur la sous-traitance, qui a connu suffisamment des modifications, est-elle vulgarisée ? C’est la connaissance des textes des lois qui remet chacun à sa place. Nous ne devrions pas traiter les conséquences mais plutôt la cause : la connaissance des textes de loi.
En quelques mots, qui est Tatiana Nguya ?
Tatiana Nguya : je suis une femme à plusieurs casquettes ; ingénieure informaticienne de profession, activiste sociale, défenseure des droits des jeunes et des femmes, co-fondatrice de l’ONG Le congrès international congolais, coordonnatrice de la section entrepreneuriat et développement communautaire, à la tête de Kwetu Business Corporate, une entreprise spécialisée en Construction et Sous-traitance. Je suis mariée à Monsieur Trésor Kabale.
Vous aviez postulé pour représenter la société civile, organisations des femmes à la CENI. Où en êtes vous avec les démarches ?
Tatiana Nguya : exactement, j’avais postulé. Actuellement les dossiers sont au niveau du parlement. Nous sommes confiants que les parlementaires vont analyser tous les CV envoyés. J’étais deuxième dans une liste d’une dizaine des candidats et la plus jeune.
Propos recueillis par Prisca Lokale