CHRONIQUE LITTERAIRE DU PROF YOKA:   « Covid-19 : otage de la « RAGE » (= République Autonome de la Gombe) » 

ACTUALITE.CD

Confidences du chauffeur  du Ministre: 

C’est vraiment un jour de poisse ! Tout a commencé dès la première heure sur un rythme infernal. Mon patron le Ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques (à prononcer avec respect…)   a tenu à prendre tôt  toute la température de tout le terrain.  En homme politique méticuleux, mon Ministre a effectué dix fois le tour des mêmes sites, surtout ceux concernés par  Covid-19. Conséquence : la journée s’est prolongée jusque tard. Or, dans cette République Autonome de la Gombe (RAGE), les nuits tombent désormais plus vite qu’avant, plus vite qu’ailleurs, comme dans un couvre-feu.

… Me voici donc sur le chemin du retour, à pied, après avoir déposé à domicile mon patron de Ministre (avec M Majuscule…).

Sinistre Gombe. Silence de cimetière. Je traverse le Boulevard du 30 juin en raccourcis vers le parking des motos-taxis à la frontière-sortie de la Gombe. Je passe devant la poste centrale : personne ; rien. Devant la gare centrale : personne.  Devant le nganda-bar « Ambiance-à-gogo » : personne. Pas un chat, pas un cabri. Je  passe devant le C.W.B (= Centre Wemba-Brel), carrefour des Congolo-Wallono-Bruxellois : personne. Devant  le CCF (= Centre Cabrel-Franco), carrefour des Congolo-Franciliens : personne. Je passe devant l’INA (= Institut National des Aérophones), laboratoire de la Rumba congolaise : personne. Aucun son.

Enfin, me voici à la frontière-sortie. Une mauvaise surprise m’attendait ;   plutôt … deux.   Première   mauvaise   surprise : le  poste de garde,  avec un officier, plutôt une ‘’officière’’ dans une humeur de ménopausée. J’ai eu beau rouler les yeux en guise de séduction, et de négocier dans chacune des langues nationales (mon sésame habituellement imparable) : niet !,   yandi ve !   Même  le  billet vert que j’exhibais  malicieusement  du bout de la poche n’a eu  aucun effet…  Mon seul crime : pas de visa d’entrée disponible (je ne possède toujours pas de macaron pour la GOMBE  confinée, malgré mes fonctions…). J’ai eu beau expliquer que  je suis pilote de commandement de l’escorte ministérielle : rien. Pas de visa d’entrée, donc pas de visa de sortie. Et donc double infraction.

Deuxième mauvaise surprise : à côté du poste de police, une infirmerie des urgences. M’ayant appliqué sur la tempe son ‘’revolver’’ de prise de température, l’infirmière de service a eu  un haut-le-corps : l’appareil avait poussé un miaulement incongru. Résultat : 39,5 de température !

J’ai eu beau justifier cette température insolite par les tracasseries et  le stress subis avec le contrôle policier précédent, rien à faire !  J’ai alors  élevé le ton, à bout de patience ;  j’ai répété  que j’étais un ‘’pilote 1e Classe’’ dans un cabinet ministériel ‘’1e Classe’’ ;   que je pesais 100 kilos sans problème particulier de santé : ni de cholestérol, ni d’obésité, ni de glycémie, ni de tension. Niet, a conclu l’infirmière, allez à la quarantaine ! Pis que ça : et la policière et l’infirmière ont décrété la confiscation de mon téléphone. Donc impossible de joindre ma femme et mon Ministre…

Et sans autre forme de procès, j’ai passé la nuit au poste-frontière, sous la tente de l’infirmerie et  sur un lit de camp. En attendant, parait-il, un test définitif du Corona-virus, et un PV définitif de transgression de la loi RAGE (République Autonome de la Gombe).

Le lendemain, au premier chant de l’hirondelle, de nouvelles équipes de relève se sont présentées. Ici, au poste de police, un officier homme ;  et   là   aux soins  urgents,  un  infirmier  homme.  Réquisition m’a été alors exigée de mes pièces d’identité. J’ai exhibé exprès et en prime mes papiers de   ‘’chauffeur 1e Classe’’ de  l’escorte ministérielle ; le policier m’a semblé impressionné. J’ai exhibé ensuite le protocole médical  de prise de température  établi la veille ; l’infirmier de service a opéré ce qu’il a appelé  une contrexpertise ; il m’a appliqué sur la joue un autre type de ‘’ revolver-thermomètre’’. L’infirmier avait l’air confondu ;   température de ce jour : 36 !

Le policier et l’infirmier m’ont aussitôt restitué mon téléphone. Le temps d’aviser   mon patron  de Ministre, de solliciter un congé de force majeure, j’étais déjà juché sur une moto-taxi ; puis je me suis retrouvé chez moi, passablement courbaturé et chiffonné.

…Chez moi, l’accueil de mon épouse a été plus que décevante ; elle a commencé par me renifler de toutes parts comme une chienne perverse.

Je n’ai pas eu le temps de justifier quoi que ce soit : ma femme  m’a jeté dehors comme un… malade coronisé. Motif  invoqué  par  elle  pour ce verdict   expéditif : dé-cou-che-ment    cou-pa-ble !

(YOKA  Lye)

29/05/2020