Les coordinations de la société civile du territoire de Lubero et de la ville de Butembo ont décrété une journée « ville morte » pour ce lundi 22 avril 2019 sur toute l’étendue de leurs entités respectives pour honorer la mémoire des « experts médicaux et acteurs sociaux tués, blessés ou menacés » dans le cadre des activités de lutte contre la maladie à virus Ebola qui endeuillent des familles depuis aout dernier dans le Grand-Nord.
Au cours d’une réunion extraordinaire tenue ce samedi 20 avril à Butembo, les forces vives ont donc convenu qu’il n’y aura pas travail lundi à Butembo et Lubero.
Elles se disent être profondément choquées et attristées par des attaques et résistances récurrentes contre les équipes et installations de riposte.
Cet appel à la journée ville morte de la société civile intervient le lendemain de l’assassinat d’un épidémiologiste camerounais, employé de l’Organisation mondiale de la santé, tué au cours d’une attaque meurtrière contre une équipe de riposte dans l’enceinte des cliniques médicales de l’Université catholique du Graben (UCG).
« [Nous] sommes profondément choqués et attristés par le malheur inopiné qui a frappé l’Organisation Mondiale de la Santé en particulier, et les organisations impliquées dans la riposte contre l’épidémie à Virus Ebola en général suite au meurtre du Docteur Richard Mouzoko Kiboung de nationalité camerounaise, exprimons nos sincères condoléances à la sa famille biologique, à l’Organisation Mondiale de la Santé, à l’Etat camerounais et à toutes les ONG impliquées dans la riposte contre la maladie à virus Ebola, condamnons avec force les menaces, les attaques et les violations répétitives perpétrées à l’encontre des équipes de la riposte contre la maladie à virus Ebola et dont les dernières barbaries enregistrées au cours de la journée du 19 avril 2019 viennent d’occasionner la mort d’un expert professionnel de la santé», regrettent-t-elles.
Les forces vives de Butembo et Lubero s’inquiètent que ces attaques et résistances rendent difficile le travail de riposte. « [Nous] déplorons le fait que les événements d’incendie des Centres de Traitement Ebola (CTE), les menaces et les résistances communautaires constituent les facteurs de contamination rapide de la maladie à virus Ebola à travers nos entités respectives. Ces sauvageries continuelles et perpétrées le plus souvent par des personnes mal intentionnées tendant à humilier la communauté, viennent d’accroître le nombre des cas et d’alourdir les activités de la riposte», notent-elles dans leur communiqué.
Depuis quelques mois maintenant, les équipes engagées dans la riposte contre la maladie à virus Ebola font face à des attaques armées et résistances à Butembo et Lubero.
Jusque ce samedi 20 avril, l’on dénombre quatre attaques armées contre trois Centres de traitements d’Ebola dont deux à Butembo (ITAV et KATWA) et un à Lubero (Nziapanda-Manguredjipa), des attaques contre les cliniques (UCG et KATWA).
Attaques durant lesquelles l’on enregistre également des morts dans le rang des agents de riposte ou de sécurité.
Si le baromètre sécuritaire du Kivu, un projet conjoint du Groupe d’études sur le Congo (GEC) et de l’organisation Human Rights Watch (HRW) accuse des miliciens d’être auteurs de l’essentiel de ces attaques, les forces vives de Butembo et Lubero pensent qu’ils ne sont pas seuls.
Elles accusent également certains politiciens, notamment des parlementaires, qui propageraient d’après les forces vives, des fausses rumeurs sur Ebola, attisant ainsi la résistance dans le chef des communautés.
« Recommandons aux politiciens propagateurs de fausses rumeurs, d’arrêter de se servir du malheur de leurs compatriotes comme couverture politique, de demander obligatoirement pardon à la population victime de leurs agissements et exigeons aux autorités morales de leurs familles politiques de les sanctionner conformément à leurs textes réglementaires, et invitons sans délai les autorités judiciaires à ouvrir des poursuites à charge des auteurs de toutes ces animalités (…) conformément aux textes relatifs aux crimes contre l’humanité», exige la société civile de Butembo et Beni.
Elle recommande, enfin, aux habitants de «s’abstenir de la violence à l’endroit du personnel soignant et des acteurs sociaux impliqués dans la riposte, de suivre scrupuleusement les orientations fournies par les professionnels de la santé, de respecter les règles d’hygiène et de cesser de répandre des fausses rumeurs ».
Claude Sengenya , à Butembo