RDC : la levée du moratoire sur la peine de mort tient toujours à coeur l'UE révèle l'ambassadeur Nicolás Berlanga qui exhorte Kinshasa à rejoindre la communauté des États attachés à la dignité humaine et aux droits des vies

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Martinez Berlanga, ambassadeur de l’UE en RDC

Plus d’une année après la levée du moratoire sur la peine de mort par le gouvernement congolais, la question reste au centre des préoccupations de plusieurs partenaires internationaux. Elle a été de nouveau évoquée lors de l’ouverture du Dialogue de partenariat entre l’Union européenne (UE) et la République démocratique du Congo, tenu à Kinshasa, capitale de la RDC

Dans son intervention, Nicolás Berlanga-Martinez, ambassadeur de l’Union européenne en RDC, a souligné que tout partenariat doit reposer sur des avantages mutuels, mais aussi sur un socle partagé de valeurs démocratiques. Revenant sur la question de la peine capitale, le diplomate européen a exhorté la RDC à rejoindre la dynamique mondiale des États attachés à la dignité humaine et à la protection de la vie.

"Il semble essentiel de chercher à dépasser une perception de l'Union Européenne comme simple bailleur pour construire une coopération fondée sur la responsabilité partagée, le respect mutuel de la souveraineté et la convergence de nos objectifs. A ce titre, nous croyons aux valeurs de la démocratie, l'état des droits, les droits humains, les dialogues inclusifs. Ces valeurs sont essentielles car elles sont l'essence même de tout développement durable et favorisent l'adhésion des populations. En ce sens, je souhaite souligner la question de la peine des morts qui nous tient particulièrement au cœur. En 2024, le Congo est revenu sous la mort à Toa alors que d'autres l'abolissaient définitivement. Rejoignons ainsi la communauté de cet État attachée à la dignité humaine et aux droits des vies", a déclaré l’ambassadeur, mercredi 19 novembre 2025, lors de la séance d’ouverture en présence des autorités congolaises et des diplomates européens.

En date du 9 février 2024, à la suite d’une recommandation du Conseil supérieur de la défense présidé par le Chef de l’État Félix Tshisekedi, le gouvernement congolais a décidé de lever le moratoire sur la peine de mort. Cette mesure, officialisée par une note circulaire du 13 mars 2024, était justifiée par les autorités comme une réponse au banditisme urbain, aux actes qualifiés de « trahison » au sein de l’armée et à la situation sécuritaire dans l’Est du pays, marquée par l’agression menée via la rébellion AFC/M23. Le moratoire était en vigueur depuis 2003, période durant laquelle les condamnations à mort étaient systématiquement commuées en peine de prison à perpétuité. Cette décision a suscité de nombreuses réactions de la part d’ONG et d’organisations de défense des droits humains, qui dénoncent un recul important en matière de protection du droit à la vie.

En octobre dernier, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) a alerté sur une multiplication des condamnations à mort depuis la levée du moratoire. Plus de 300 condamnations auraient été prononcées en un an et demi, selon l’organisation. Parmi elles figure celle de l’ancien président Joseph Kabila, condamné à mort par défaut le 30 septembre dernier, ce qui a nourri de nombreux débats au niveau national et international.

Plusieurs ONG, dont l’ACAT et Human Rights Watch, dénoncent une instrumentalisation de la justice. Elles soulignent que de nombreux procès se seraient tenus sans avocat et dans des conditions jugées contraires aux standards internationaux. La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a également condamné certaines décisions judiciaires, évoquant une « violation du droit à la vie ».

Human Rights Watch a parlé d’une « stratégie politique calculée » visant à affaiblir un adversaire, tandis que d’autres organisations redoutent un recul significatif dans la lutte mondiale contre la peine capitale. Aucune exécution n’a été confirmée à ce jour, mais pour plusieurs observateurs, la RDC s’éloigne de la tendance globale vers l’abolition et ouvre une étape préoccupante dans son évolution judiciaire.

Clément MUAMBA