Human Rights Watch (HRW) est revenu sur la récente attaque du groupe armé Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ou ADF) à la base de la mort de près de 50 personnes, dont plusieurs enfants, à l'aide d'armes à feu et de machettes lors d'un rassemblement dans la nuit du 26 au 27 juillet, dans l’enceinte d’une paroisse catholique à Komanda (territoire d’Irumu), dans l'est de la République démocratique du Congo.
Dans un communiqué rendu public mercredi 6 août, cette organisation non gouvernementale internationale qui mène des recherches et des actions de plaidoyer en faveur des droits humains estime que ces tueries commises dans la province de l'Ituri soulignent la nécessité d'améliorer la réponse de l'armée (FARDC) et de l'ONU (MONUSCO) en vue de protéger les civils.
« Les meurtres de civils commis par les Forces démocratiques alliées, y compris de fidèles se trouvant dans une église, sont d'une incompréhensible brutalité. Le massacre de Komanda et les autres tueries de masse perpétrées cette année mettent en évidence l'insécurité dans l'est de la RD Congo et la nécessité pour le gouvernement congolais de renforcer d'urgence les mesures pour protéger les civils et traduire les responsables en justice », a déclaré Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur les Grands Lacs à Human Rights Watch.
Des habitants de Komanda et des témoins ont rapporté à Human Rights Watch que des fidèles s'étaient rassemblés à l'église catholique le 26 juillet dans le cadre d'une célébration religieuse et que beaucoup d'entre eux avaient passé la nuit dans la paroisse avant la messe du dimanche. Les combattants des ADF ont pénétré dans l'enceinte de la paroisse vers 1 heure du matin le 27 juillet et ont commencé leur attaque sur un bâtiment où des personnes dormaient, selon des témoins. Des survivants et un témoin ont déclaré que les combattants avaient attaqué des personnes en leur assénant des coups à la tête avec des instruments contondants ainsi qu'avec des machettes et des armes à feu. Selon la paroisse, au moins 33 personnes sont mortes sur le coup ou des suites de leurs blessures.
« Ils nous ont dit de nous asseoir, puis ils ont commencé à frapper les gens [avec des objets contondants] à l'arrière du cou. Ils ont tué deux personnes que je ne connaissais pas, et c'est là que j'ai décidé de m'enfuir avec quatre autres personnes. Nous avons réussi à nous enfuir, ils ont tiré sur nous, mais ils ne nous ont pas touchés », a déclaré à Human Rights Watch, un rescapé.
Les combattants des ADF ont tué au moins cinq autres personnes dans la ville et incendié des maisons et des kiosques, selon un responsable local de la société civile et des médias. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux et géolocalisées par Human Rights Watch montrent des bâtiments incendiés sur la route principale de la ville, près de l'église.
Human Rights Watch dit avoir reçu les noms de 39 personnes tuées, 9 blessées et de 9 enfants âgés de 7 à 14 ans qui ont été enlevés. Selon une liste fournie par la paroisse le 2 août, plus de 30 personnes ont été enlevées et 7 blessées lors de l'attaque sur le bâtiment à côté de l'église. Le 27 juillet, la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo (MONUSCO) a fait état d'au moins 43 morts, dont 9 enfants, ainsi que de personnes tuées dans les zones environnantes. Selon deux sources, des personnes kidnappées se sont échappées.
Le gouvernement a imposé l'état de siège dans le Nord-Kivu et en Ituri en avril 2021 afin de mettre fin à l'insécurité dans ces deux provinces. Cependant, l'état de siège n'a pas mis un terme aux abus commis contre les civils. Pour une certaine opinion et natifs du coin du pays, cette mesure d'exception a permis à l'armée et à la police de restreindre la liberté d'expression et de réprimer les manifestations pacifiques en recourant à la force létale ainsi que d’arrêter arbitrairement et de poursuivre en justice des militants, des journalistes et des membres de l'opposition politique.
Au début de l'année 2025, les forces armées ougandaises ont accru une opération militaire conjointe, baptisée « Opération Shujaa », qui avait débuté fin 2021. L'ONU a toutefois signalé que cette opération « n’a pas réduit la violence des ADF contre les civils dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri »
Clément MUAMBA