Est de la RDC : Washington pousse pour un accord de paix conditionné notamment au retrait des troupes rwandaises

Les rebelles du M23 à Goma
Les rebelles du M23 à Goma

Quelques semaines après la signature d'une déclaration de principes et la transmission d’un premier projet d’accord à Kinshasa et Kigali par le médiateur américain, les discussions progressent en vue de la signature d’un accord de paix dans l’Est de la RDC et la région des Grands Lacs.

Selon des sources proches du dossier citées par Reuters ce mardi 10 juin, les États-Unis promeuvent un accord qui obligerait le Rwanda à retirer ses troupes de l’Est du Congo avant toute signature formelle. L’administration Trump mène ces négociations dans le double objectif de mettre fin aux combats et d’attirer des milliards de dollars d’investissements occidentaux dans cette région riche en minéraux.

Un projet d’accord de paix consulté par Reuters stipule qu’une condition de signature est le retrait des troupes, des armes et du matériel rwandais du Congo. L’authenticité de ce document, non daté, a été confirmée par quatre sources diplomatiques, qui précisent qu’il a été rédigé par des responsables américains. 

« Le projet va au-delà de la déclaration de principes signée en avril à Washington par les ministres des Affaires étrangères des deux pays en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio », rapporte Reuters.

Cette condition risque toutefois de froisser Kigali, qui considère les groupes armés opérant depuis la RDC comme une menace existentielle.

Le Rwanda nie depuis longtemps tout soutien militaire au M23, affirmant que ses forces agissent en état de légitime défense contre l’armée congolaise et les rebelles hutus FDLR liés au génocide de 1994, qui a fait près d’un million de morts, essentiellement des Tutsis.

Toujours selon Reuters, le Rwanda n’avait pas encore officiellement répondu au projet d’accord américain à la date de la semaine dernière. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a néanmoins déclaré que des experts congolais et rwandais devaient se réunir cette semaine à Washington pour discuter du texte.

Le projet prévoit également un Mécanisme conjoint de coordination sécuritaire. Celui-ci inclurait des observateurs militaires rwandais et étrangers pour aborder les questions sécuritaires, notamment la présence persistante en RDC de milices hutues rwandaises. Les analystes cités par Reuters estiment que le groupe le plus souvent évoqué, les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), ne représente plus une menace significative pour Kigali, même si le gouvernement du président Paul Kagame continue de les désigner comme une menace sérieuse.

Toujours selon le même document, Kinshasa s’engagerait à permettre au M23 de participer à un dialogue national « sur un pied d’égalité avec les autres groupes armés non étatiques de la RDC». Une concession importante pour le gouvernement congolais, qui considère le M23 comme un groupe terroriste soutenu par le Rwanda. En parallèle, des pourparlers directs se poursuivent entre Kinshasa et le M23 pour tenter de mettre fin au dernier cycle de combats.

En mai dernier, en marge de sa tournée diplomatique et commerciale en Afrique de l’Ouest, l’ambassadeur Troy Fitrell, haut fonctionnaire du Bureau des affaires africaines au Département d’État américain, avait insisté sur l’urgence d’un accord.

« Je dirais que si vous aviez attendu un accord de paix complet, vous auriez attendu pendant les 30 dernières années. (...) Nous voulons une évolution rapide. Et jusqu’à présent, les choses vont dans ce sens », avait-il déclaré lors d’un briefing de presse en ligne. Il répondait alors à une question sur la stratégie américaine, alors même que les États-Unis signaient à la même période un mémorandum d'entente avec le Rwanda dans le secteur minier.

Cette initiative s’inscrit dans la continuité des efforts diplomatiques américains depuis l’accession de Donald Trump à la présidence. Depuis près de trois décennies, l’Est de la RDC est marqué par la présence de groupes armés locaux et étrangers. Depuis 2021, le conflit oppose principalement les FARDC au groupe rebelle M23, soutenu par Kigali.

Ce mouvement politico-militaire contrôle plusieurs localités stratégiques dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, y compris les villes de Goma et Bukavu.

L’annonce de ce projet d’accord intervient alors que Kinshasa et Washington négocient en parallèle un partenariat stratégique dans le domaine des minerais critiques. Objectif : garantir aux entreprises américaines un accès privilégié aux ressources minières stratégiques de la RDC.

Clément Muamba