Est de la RDC : à cause de la présence de ses soldats sur le sol congolais, la CEEAC décide de différer la présidence du Rwanda et prolonge d'une année le mandat de la Guinée équatoriale

Le logo de la CEEAC
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Initialement programmé pour assurer la présidence tournante de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), le Rwanda de Paul Kagame a été écarté en raison de son soutien à la rébellion du M23/AFC, à l’origine de la déstabilisation dans l’Est de la République démocratique du Congo.

Les chefs d’État et de gouvernement de la CEEAC, réunis dans le cadre de la vingt-sixième session ordinaire tenue samedi 7 juin 2025 à Sipopo, en République de Guinée équatoriale, ont décidé de prolonger d’une année le mandat de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la République de Guinée équatoriale et président en exercice de la conférence des chefs d’État et de gouvernement.

« La Conférence a différé à un autre moment le passage de la présidence tournante de la Communauté à la République du Rwanda. Elle a par conséquent décidé de maintenir S.E.M. OBIANG NGUEMA MBASOGO comme président en exercice de la Communauté pour une période supplémentaire d’une année », peut-on lire dans le communiqué final.

La conférence des chefs d’État et de gouvernement a salué les initiatives de paix en cours visant à résoudre la crise entre la RDC et le Rwanda, invitant notamment Kigali à retirer ses troupes du territoire congolais.

« La Conférence a reçu une information sur la situation à l’Est de la République démocratique du Congo, notamment les initiatives relatives à la résolution du conflit entre cet État membre et la République du Rwanda. La Conférence a exprimé son soutien sans réserve auxdites initiatives et exhorté les deux États membres à utiliser les voies et moyens pacifiques pour résoudre leur différend. Elle a encouragé la République du Rwanda à mettre en œuvre les dispositions pertinentes de la déclaration de la 5e session extraordinaire de la Conférence tenue à Malabo le 7 février 2025, relatives au retrait immédiat des Forces de défense rwandaises du territoire congolais », ajoute le communiqué final.

En réaction, le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a salué la décision des chefs d’État. Il estime qu’on ne peut pas continuellement et volontairement violer les principes fondateurs des institutions régionales tout en prétendant vouloir les présider.

« Cette réaction inédite de la CEEAC devrait inspirer les autres organisations régionales à adopter une posture plus ferme contre le Rwanda. Le narratif mensonger, les actions souterraines de lobbying ne pourront jamais prendre le dessus sur la vérité et les horreurs de l’agression rwandaise », a écrit le ministre sur X.

À l’issue de ce sommet, le Rwanda a annoncé son retrait de la CEEAC, accusant la RDC d’instrumentaliser l’organisation avec le soutien de certains États membres. Dans un communiqué officiel, Kigali affirme que « le droit du Rwanda à la présidence rotative, tel que stipulé dans l’article 6 du traité constitutif de la CEEAC, a été délibérément ignoré pour imposer le diktat de la RDC ». Le gouvernement rwandais considère cela comme une nouvelle illustration des « dérives » de l’organisation.

Le Rwanda rappelle avoir déjà dénoncé, en mars 2023, dans une lettre adressée au président en exercice de l’Union africaine, son exclusion du 22e sommet ordinaire de la CEEAC organisé à Kinshasa sous la présidence de la RDC. « Le silence et l’inaction qui ont suivi confirment l’échec de l’organisation à faire respecter ses propres règles », déplore Kigali. En conséquence, Kigali estime n’avoir plus aucune raison de rester membre d’une organisation dont le fonctionnement est jugé contraire à ses principes et à son utilité.

Ce retrait intervient alors que la désignation du nouveau président de la conférence des chefs d’État, initialement prévue pour ce sommet, a été bloquée par la RDC, qui s’oppose au transfert de la présidence de la Guinée équatoriale au Rwanda. Deux réunions à huis clos avaient été organisées le 4 juin à Malabo par les autorités équato-guinéennes pour tenter d’apaiser les tensions entre Kinshasa et Kigali, sans succès. Une source proche du dossier a indiqué que la RDC menaçait elle aussi de quitter la CEEAC si elle n’obtenait pas gain de cause.

La rupture rwandaise survient dans un contexte régional marqué par des condamnations répétées de la CEEAC à l’encontre du M23, groupe armé soutenu par Kigali selon l’organisation, dont les offensives dans le Nord-Kivu ont été jugées illégales. En février, la CEEAC avait appelé au « retrait immédiat des Forces de défense rwandaises du territoire congolais » et réaffirmé son soutien aux processus de paix de Luanda et de Nairobi.

Clément MUAMBA