L’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, est sorti de son silence ce vendredi, six ans après avoir quitté le pouvoir, pour proposer un « pacte citoyen » destiné à sortir le pays d’une « crise multidimensionnelle ». Dans un discours solennel, il a accusé le régime en place de dérive autoritaire, de violations répétées de la Constitution et d’avoir plongé le pays dans un état de délabrement avancé.
Joseph Kabila a justifié sa longue réserve par un souci de ne pas alimenter les polémiques, malgré ce qu’il qualifie de provocations et d’atteintes répétées à sa dignité. Il affirme aujourd’hui parler « par devoir », face à une situation qu’il juge « existentielle » pour la nation. Il a dressé un réquisitoire sévère contre la gouvernance actuelle, qu’il accuse d’avoir ruiné l’héritage laissé en 2019 : un pays pacifié, réconcilié, doté d’institutions solides, d’une économie résiliente, et d’une armée en voie de professionnalisation.
Revenant sur l’accord qui avait donné naissance à la coalition entre ses partisans et ceux de Félix Tshisekedi après les élections de 2018, Kabila a déclaré que sa seule motivation était l’intérêt supérieur de la nation, et que cet accord visait à garantir la stabilité et un fonctionnement harmonieux des institutions. Il accuse désormais le pouvoir en place d’avoir délibérément violé la Constitution, notamment lors du remaniement de la Cour constitutionnelle, du renversement de la majorité parlementaire en 2020, et de la nomination controversée des membres de la Commission électorale.
L’ancien président a qualifié les élections de décembre 2023 de « simulacre », dénonçant une fraude d’une ampleur inédite, qui selon lui, a contribué à délégitimer davantage les institutions. Il s’est également élevé contre le projet de révision constitutionnelle, qu’il voit comme une menace directe au consensus de Sun City et à la paix civile.
Joseph Kabila a mis en cause la situation sécuritaire dans plusieurs provinces, y compris à l’Est du pays, qu’il attribue à une gouvernance chaotique et à l’utilisation de groupes armés, de mercenaires et de milices tribales à la place de l’armée nationale. Il a évoqué notamment les massacres du 1er au 2 septembre 2024 à la prison de Makala, qualifiés de « crime contre l’humanité », ainsi que ceux de Goma, Lubumbashi et Kilwa, pointant la responsabilité de l’État.
Sur le plan économique, il a dénoncé le retour de l’inflation, l’endettement croissant, la persistance de la corruption, et l’absence d’investissements dans les infrastructures. Il accuse le régime d’avoir bénéficié des réformes engagées entre 2002 et 2018, sans en utiliser les fruits pour améliorer le sort de la population.
Dans ce contexte, Joseph Kabila a proposé un programme de redressement national, articulé autour de douze objectifs, dont la fin de la dictature, l’arrêt de la guerre, le rétablissement de l’autorité de l’État, la restauration de la démocratie, la réconciliation nationale, la relance du développement et la sortie des troupes étrangères du territoire congolais. Il salue au passage la décision de la SADC de retirer les troupes de la SAMIDRC.
L’ancien chef de l’État a également appelé à une prise en compte des initiatives locales de paix, en particulier celle des Églises catholique et protestante. Il a critiqué la position du gouvernement qui, selon lui, accepte de dialoguer avec l’AFC/M23 à Doha, tout en criminalisant d’autres formes de dialogue entre Congolais.
Joseph Kabila conclut son adresse par un appel à l’unité et au patriotisme. « Le Congo vaut mieux que la caricature qu’en donnent ses dirigeants actuels », a-t-il affirmé, appelant tous les Congolais à s’unir pour sauver le pays, préserver son indépendance et restaurer ses institutions. Il a réaffirmé son engagement, « hier au pouvoir, aujourd’hui en dehors du pouvoir », à œuvrer pour la paix, la stabilité et l’intégrité de la République démocratique du Congo.