Construction du pont route-rail Kinshasa-Brazzaville : l’ACAJ exhorte le Parlement à rejeter ce projet et à prioriser le port en eaux profondes de Banana

Port de Banana en construction
Port de Banana en construction

Estimé à 700 millions de dollars américains pour sa première phase, le projet de construction du pont route-rail reliant Kinshasa à Brazzaville, deux des capitales les plus proches au monde, a été relancé lors d’une réunion tenue le 14 janvier dernier entre les délégations gouvernementales des deux pays. Cependant, l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ) appelle à l’abandon de cette initiative, jugeant qu’elle détourne l’attention de priorités nationales cruciales, comme le parachèvement du port en eaux profondes de Banana.

Dans un communiqué de presse, l’ACAJ a exhorté les deux chambres du Parlement à s’opposer à l’engagement de la République démocratique du Congo (RDC) dans ce projet, qu’elle considère prématuré. L’association a notamment dénoncé le retard dans la réalisation du port de Banana, infrastructure stratégique située dans la province du Kongo-Central, dont la construction est confiée à la firme qatarienne DP World.

L’ACAJ a également rappelé un engagement solennel du président Félix Tshisekedi, qui avait conditionné le début des travaux du pont route-rail à l’achèvement et à la mise en service du port en eaux profondes.

« Le Président de la République s’était engagé à ne pas autoriser le lancement des travaux du pont avant l’ouverture du port de Banana. Est-ce un reniement de cet engagement ? », s’interroge l’ACAJ dans son communiqué.

Sur le plan géostratégique, l’ACAJ met en garde contre une politique qu’elle qualifie de « suicidaire ». Selon l’association, retarder ou abandonner le port en eaux profondes de Banana reviendrait à renforcer la dépendance de la RDC vis-à-vis des ports étrangers, comme celui de Pointe-Noire au Congo-Brazzaville, appartenant à la multinationale française Bolloré.

« L’avènement du pont route-rail, sans un port opérationnel à Banana, renforcerait le monopole du port de Pointe-Noire, au détriment des intérêts économiques de la RDC », estime l’ACAJ.

L’association affirme que l’arrêt des travaux du port serait orchestré par un lobby d’affairistes congolais. Ces derniers auraient favorisé l’attribution de plusieurs quais d’accostage et du terminal à conteneurs du port de Matadi à l’opérateur MCTC, dans des conditions jugées opaques.

Après la pose de la première pierre en janvier 2022 par le président Tshisekedi, les travaux de construction du port de Banana devaient débuter en décembre de la même année. Selon le Bureau de Coordination, de Suivi et de Contrôle du Projet du Port de Banana (BUCCO-PB), la première phase de ce projet inclut un quai de 600 mètres avec un tirant d’eau de 18 mètres et un parc de conteneurs de 32 hectares. Ce port, une fois achevé dans ses quatre phases, offrirait cinq quais sur une longueur totale de 1 600 mètres, permettant à la RDC d’accéder à l’océan Atlantique et de s’imposer dans le commerce maritime régional.

L’ACAJ rappelle que ce projet reste une priorité stratégique pour la RDC, d’autant que 70 % des cargaisons destinées au pays transitent actuellement par Pointe-Noire, faute d’infrastructures adéquates dans le bief maritime congolais.

Face à ces préoccupations, l’ACAJ demande au Parlement d’interpeller la Première ministre pour obtenir des explications sur le retard des travaux à Banana. Elle appelle également à une enquête sur les concessions attribuées au port de Matadi, dénonçant un manque de transparence.

Pour l’ACAJ, la RDC ne saurait tirer profit de la construction du pont route-rail tant que le pays ne dispose pas d’un port en eaux profondes opérationnel. L’association considère que ce projet, en l’état, servirait davantage les intérêts économiques du Congo-Brazzaville et de la firme Bolloré que ceux du peuple congolais.

Samyr Lukombo