La fondation Hirondelle a organisé, jeudi 19 décembre, à l’hôtel Memling à Kinshasa, une conférence-débat sur les états généraux de la justice qui se sont déroulés du 6 au 16 novembre 2024, sous le thème : « Pourquoi la justice congolaise est-elle malade ? Quelle thérapie pour la guérir ? ».
Placée sous le thème : « État de droit en RDC : quelles réformes après les états généraux de la justice ? », cette conférence a réuni trois panélistes, dont Ahmed Useni, professeur de droit et avocat, Edmond Isofa, président du syndicat autonome des magistrats du Congo, ainsi que Nzempeti Lokoki Jean, doctorant à la faculté de Droit à l’Université de Kinshasa et chercheur au centre de documentation et d’intelligence stratégique.
Cette conférence-débat a servi de cadre pour ces intervenants afin de réfléchir sur la nécessité des états généraux, ainsi que d’en faire un état des lieux après ces organisations.
Pour Ahmed Useni, professeur de droit et avocat, deux choses n’ont pas fonctionné dans l’organisation de ces états généraux. Il s’agit du thème choisi et de la méthodologie. S’agissant du thème formulé, le professeur a estimé qu’il aurait été mieux de choisir un thème fédérateur plutôt que populiste, en vue de pousser les intervenants à poser de bonnes réflexions.
« J’avais constaté que le thème choisi était problématique, populiste et polémique. Lorsque vous jugez déjà dès le départ que la justice congolaise est malade et que vous conviez les gens, sur quelle base êtes-vous arrivés à la conclusion que la justice est malade, alors que la réflexion elle-même n’a pas encore commencé ? », s’est-il interrogé.
Il a ainsi fait référence au thème des états généraux de la justice tenus en 2015, alors qu’Alexis Tambwe Mwamba était encore ministre de la Justice. Ahmed Useni souligne que son thème était fédérateur, où tous les invités intervenaient sans aucune arrière-pensée. « Déjà quand vous dites : pourquoi la justice est-elle malade ? Cela signifie qu’il y a déjà une dose de questions. À partir de ce moment-là, la suite n’a pas été très satisfaisante compte tenu de la tension que nous avons constatée », indique-t-il.
Par rapport à la méthodologie, le professeur Ahmed Useni fait savoir que le pays est dans un contexte où ses propres gouvernants se sont attaqués eux-mêmes à la justice, au lieu de demeurer des hommes d’État et de la protéger. Pour lui, les différents propos des autorités au pouvoir contre la justice ont complètement terni l’image même de celle-ci.
De son côté, Edmond Isofa, président du syndicat autonome des magistrats du Congo, souligne, dans ses interventions, qu’il ne reconnaît pas que la justice congolaise est malade, mais constate plutôt des dysfonctionnements au sein de l’appareil judiciaire, notamment en raison des lois ne s’adaptant pas au contexte actuel et des problématiques liées au fonctionnement des organes judiciaires.
Pour lui, la volonté de changer les choses existe, mais il faut bien poser le problème pour que des solutions soient trouvées à tous les niveaux. Edmond Isofa a, par ailleurs, souligné qu’après évaluation du ministère de la Justice et des partenaires, sur les 359 recommandations formulées au cours des états généraux de la justice de 2024, 350 ont été reprises des états généraux tenus en 2015, qui ont été exécutées à seulement 0,8% pendant neuf ans. Pour lui, le problème réside au niveau de leur mise en pratique. Il constate qu’au Congo, les textes ne sont pas respectés ni exécutés.
Évoquant la question de la structuration au sein de l’appareil judiciaire, Nzempeti Lokoki Jean, chercheur au centre de documentation et d’intelligence stratégique, a indiqué que le problème ne se situe pas à ce niveau, mais plutôt au niveau de l’homme congolais. Il a, par ailleurs, appelé les acteurs impliqués dans la justice congolaise à reposer leurs actions sur la conscience.
Jean-Baptiste Leni