Devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès mercredi 11 décembre 2024, le Chef de l'État, Félix-Antoine Tshisekedi, a invité les Congolais à s'engager dans une réforme constitutionnelle. Dans son discours sur l’état de la Nation, il a précisé que cette démarche vise « uniquement à lancer une initiative visant à inviter les compatriotes à une réflexion sincère, pour bâtir un cadre institutionnel plus adapté aux réalités et aux aspirations de notre peuple ».
À la question de savoir, en tant que VPM, ministre de l'Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières, en quoi l'actuelle Constitution entrave son travail, Jacquemain Shabani a évoqué des difficultés liées à la stabilité des provinces.
"Concernant la Constitution, nous voulons mieux faire, et nous sommes souverains, nous discutons avec le souverain primaire. J'ai, par exemple, une lourde responsabilité de garantir la stabilité des provinces, un exercice que nous réalisons au ministère de l'Intérieur en interaction avec les Assemblées provinciales et les gouverneurs. Pourquoi devons-nous constamment intervenir ? Parce que, telle que la structure constitutionnelle est faite, nos Assemblées provinciales sont à la base de l’instabilité dans nos provinces à travers leurs prérogatives de contrôle, qui apparaissent parfois comme des instruments d’instabilité, et cela ressort de notre Constitution actuelle", a souligné Jacquemain Shabani.
Pour ce membre du gouvernement, revisiter ou changer la loi fondamentale est une pratique normale dans tout État démocratique.
"Si nous pouvons améliorer cela en revisitant la Constitution, il n'y a aucun mal. Mais ici, on veut faire croire aux Congolais que revisiter un article ou une Constitution est un crime. Non, les pays du monde le font régulièrement. En Belgique, par exemple, ces textes sont revisités chaque année ou à chaque mandat. Nous le faisons pour permettre au Président de la République d'améliorer la gouvernance et de donner plus de moyens aux gestionnaires publics pour mieux servir leurs concitoyens", a défendu le ministre, membre du parti présidentiel.
De son côté, le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, estime que ce débat a été clos par le Chef de l'État dans son discours. Selon lui, il est désormais temps d’attendre l’entrée en action de la commission multidisciplinaire promise par Félix Tshisekedi, dès l’année prochaine, pour examiner l’avenir de la Constitution.
"Le Président de la République a clos ce débat, car certains opérateurs politiques tentaient de le récupérer et de travestir ses intentions. Le Chef de l'État a parlé de réforme constitutionnelle, mais aussi de la nécessité de réfléchir. Pour l’instant, nous ne sommes pas entrés dans le fond du sujet", a déclaré Patrick Muyaya.
Il a ajouté : "Le principe énoncé par le Président est de réunir les Congolais pour discuter autour de ce texte afin de rendre l'État plus efficace. Avec la pratique, des failles ont été constatées. Une fois la commission nationale multisectorielle mise en place et ses termes de référence définis, nous pourrons continuer le débat de manière approfondie."
Le débat autour de la révision ou du changement de la Constitution continue de diviser la classe sociopolitique congolaise. Lors de récents déplacements à l’intérieur du pays, Félix Tshisekedi a annoncé la création d’une commission nationale multisectorielle pour proposer une nouvelle Constitution adaptée aux réalités congolaises, estimant que l’actuelle loi fondamentale avait été rédigée à l’étranger par des étrangers et qu’elle comporte des dispositions bloquant le bon fonctionnement des institutions.
Du côté de l’opposition, représentée notamment par les camps Kabila, Katumbi, Fayulu, Matata et certains mouvements de la société civile, ce projet est perçu comme un "plan diabolique" visant à affaiblir la souveraineté nationale et la démocratie en RDC. Ils prévoient d’organiser prochainement des manifestations pacifiques à Kinshasa et dans d’autres régions pour exiger le respect de l’actuelle Constitution.
Clément Muamba