Intervenant lors des États généraux de la justice en cours à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, le ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, a abordé le sous-thème : "Réformes de la Justice et droit constitutionnel à l'information : pour quelles raisons ?" D'entrée de jeu, le porte-parole du gouvernement a rappelé que le droit à l'information est consacré par la Constitution de la RDC, dont l'article 24 dispose : "Toute personne a droit à l'information."
Pour un meilleur exercice des droits ainsi consacrés par la Constitution, a-t-il souligné, il a fallu attendre la rédaction et la promulgation de l’Ordonnance-loi n°23/009 du 13 mars 2023, fixant les modalités d’exercice de la liberté de presse, de l’information, et de diffusion par la radio, la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication en RDC, en remplacement d’un texte vieux de vingt-sept ans, devenu obsolète dans un domaine en perpétuelle évolution.
Selon Patrick Muyaya, cette ordonnance-loi ne suffit pas à elle seule pour encadrer l’exercice et la jouissance des droits et libertés liés à l’information, tels que prévus par la Constitution. C’est pourquoi, dans le cadre du Programme d’Actions du Gouvernement 2024-2028, il prône « la poursuite et le parachèvement de la réforme du cadre normatif et institutionnel ». Cette ambition prévoit l’adoption de plusieurs autres textes légaux et réglementaires pour renforcer ces droits et consolider l’environnement de leur exercice en RDC.
À titre d'exemple, il a mentionné le texte portant sur le statut du journaliste en RDC, révélant que l’avant-projet de décret a été adopté, avec une modification de sa nature juridique en loi, conformément à l’article 36 alinéa 5 de la Constitution, qui stipule : « La loi établit le statut des travailleurs et réglemente les particularités propres au régime juridique des ordres professionnels et l’exercice des professions exigeant une qualification scolaire ou académique ».
Pour certains experts, a-t-il ajouté, cette disposition constitutionnelle va à l'encontre du métier de journaliste, qui ne nécessite pas forcément un diplôme. Il a souligné que, par analyse article par article, aucune disposition de l'ordonnance-loi n’évoque explicitement le statut des journalistes.
"Vous constaterez également que l’Ordonnance-loi N° 81-012 du 2 avril 1981, portant statut des journalistes œuvrant en République du Zaïre, n’est pas reprise par les articles 122 et 123 de la Constitution comme relevant du domaine de la loi. Dès lors, en application de l’article 128 de la Constitution, cette matière devrait relever du domaine réglementaire. Cette ordonnance-loi devrait en principe être modifiée par un décret du Premier ministre, si la Cour constitutionnelle confirme, par un avis consultatif, que cette matière ne relève plus du domaine de la loi," a expliqué Patrick Muyaya.
Il a également rappelé la nécessité de réviser la loi organique n° 11/001 du 10 janvier 2011, portant sur la composition, les attributions et le fonctionnement du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC). "Consécutivement aux recommandations des États Généraux de la Communication, la révision de cette loi organique est nécessaire pour prendre en compte les contenus produits par les médias sociaux, dans le but de lutter contre la désinformation qui gangrène notre société. De plus, la composition du CSAC devrait inclure un représentant des associations de médias en ligne, une catégorie de médias qui n'existait pas lors de la promulgation de cette loi", a fait remarquer Patrick Muyaya.
La question de la dépénalisation des délits de presse, condition indispensable pour la sécurité des journalistes, a également été abordée. "Il est important que, si une dépénalisation complète n’est pas possible en raison des réformes en cours, le Procureur Général près la Cour de Cassation prenne une circulaire pour instruire tous les parquets à prendre en compte le droit de réponse et de rectification comme préalable à toute poursuite des journalistes, conformément aux articles 104 et 11 de l’Ordonnance-loi n°23/009 du 13 mars 2023," a plaidé Patrick Muyaya.
En ce qui concerne la loi d’accès à l’information, il a encouragé le Rapporteur de l’Assemblée Nationale, Jacques Djoli, pour avoir déposé une proposition de loi visant à instaurer un droit d’accès à l’information et à la transparence publique. Il a également évoqué la réforme de la loi sur l’organisation des médias en RDC, rappelant que cette réforme repose sur l'article 123 point 9 de la Constitution, qui énonce les principes régissant l’organisation des médias.
Cette réforme viendra compléter les dispositions de l’Ordonnance-loi n°23/009 du 13 mars 2023, en particulier sur la catégorisation des médias. Le texte est actuellement en cours d’examen dans son cabinet et sera prochainement présenté au gouvernement. Il a également mentionné des mesures d’application de l'Ordonnance-Loi n°23/009, notamment des arrêtés ministériels pour la délivrance des récépissés conférant le droit de publier ou de diffuser, ainsi que pour l’ouverture et l’exploitation des médias associatifs, communautaires et confessionnels.
Selon Patrick Muyaya, cette ambition s’inscrit dans la vision du Président, matérialisée par la Première ministre, visant à consolider la démocratie et l’État de droit. "Elle vise l’exercice sain des droits-libertés évoqués, la protection des acteurs liés à l’information et ceux qui, dans cet exercice, pourraient être lésés. Ces réformes appellent à l’appropriation de tous : parlementaires, magistrats, journalistes et opérateurs du secteur de la communication et des médias, pour garantir leur pleine réussite," a réaffirmé Patrick Muyaya.
Lancée par le président Félix Tshisekedi, la conférence des États généraux de la justice se poursuit sous le thème : "Pourquoi la justice congolaise est-elle qualifiée de malade ? Quelle thérapie face à cette maladie ?" Ces travaux, qui prendront fin le mercredi 13 novembre 2024, visent à établir un diagnostic de la situation de la justice congolaise et à proposer des réformes pour redresser ce secteur.
Clément Muamba