Dans la province du Haut-Lomami, un groupe de vaccinateurs dirigé par Héritier s'apprête à entamer une mission cruciale. Leur objectif : atteindre les enfants vivant dans des îlots isolés, souvent oubliés par le système de santé. Ce jour-là, ils doivent parcourir des kilomètres sur les rivières tumultueuses qui serpentent dans la région, un voyage rendu possible par la stratégie spéciale mise en place par le ministre de la Santé et le Programme de vaccination de base (PEV), avec le soutien de la Fondation Bill & Melinda Gates BMGF.
« Chaque fois que nous partons en mission, nous savons que nous ne faisons pas que vacciner. Nous apportons de l'espoir », explique Héritier, vaccinateur. Dans son équipe, des hommes et des femmes passionnés se préparent avec des kits de vaccination, du matériel médical et un esprit de solidarité. Ils savent que les enfants qu'ils vont rencontrer n'ont souvent pas accès aux soins de base.
La première étape est Kinkondja, un îlot situé à plus de 700 km et à au moins 6 heures de pirogue, où les familles vivent dans des conditions précaires, sans accès aux services de base, ou encore à un centre de santé. Ici, les habitants dépendent des rivières pour vivre et se déplacer. L'équipe de vaccinateurs accoste sur un îlot, accueillie par une communauté enthousiaste. « Nous attendons votre arrivée depuis deux jours », déclare Marie, mère de quatre enfants. « C'est le seul moyen de faire vacciner nos enfants, et nous avons compris, grâce à la sensibilisation, que le vaccin sauve la vie de nos enfants ».
Marie raconte que son fils de deux ans a souffert de fièvre pendant des jours. Incapable de se rendre à temps dans un centre de santé, elle avait peur de perdre son enfant. « Grâce à votre visite, je suis rassurée. Mes enfants vont pouvoir être vaccinés contre les maladies dangereuses », ajoute-t-elle en entonnant la joyeuse chanson de bienvenu en Kiluba, une langue locale.
Les vaccinateurs se mettent rapidement au travail. Alors que les enfants se rassemblent, Héritier explique l'importance des vaccins. « Chaque injection protège contre des maladies évitables comme la polio. Votre santé et celle de vos enfants est notre priorité ». Les enfants curieux écoutent attentivement, tandis que les mères reconnaissantes regardent avec espoir.
Au cours des quatre jours suivants, l'équipe traverse divers îlots, naviguant sur des rivières parfois déchaînées. Leur courage et leur détermination sont évidents. Dans l'un des villages, ils rencontrent Paul, un père de famille qui explique : « Nous n'avons jamais vu de médecin ici. Nous vivons dans la crainte d'une épidémie. Quand elle arrive, il nous faut des heures pour atteindre le centre de santé le plus proche ».
L'équipe a vacciné près de 300 enfants en quatre jours, mais chaque vaccin n'est pas qu'un chiffre. C'est une promesse de protection. « Ce que nous faisons ici est bien plus qu'un simple travail. C'est notre engagement envers ces familles », déclare Claudine, l'une des vaccinateurs.
Le dernier jour de leur mission, au coucher du soleil, elles se réunissent avec les familles pour une cérémonie de clôture dans la maison du chef de village. Les parents expriment leur gratitude. « Vous avez sauvé des vies ici. Vous êtes nos héros », déclare Marie, émue. Le sentiment d'accomplissement est palpable dans l'air.
Le Dr Barclay Kadiebwe, médecin, est responsable du programme de lutte contre la polio et de la vaccination de routine de PATH. « La stratégie fluviale est essentielle pour atteindre les communautés les plus isolées de la République démocratique du Congo. Elle nous permet de surmonter les obstacles géographiques et logistiques qui rendent l'accès aux services de vaccination extrêmement difficile. Grâce au financement généreux de la Fondation BMGF, nous avons pu déployer des équipes de vaccinateurs dans des zones où les enfants n'ont pas eu accès aux soins de santé depuis des années ».
La République démocratique du Congo est en épidémie de poliomyélite depuis plusieurs années, avec des cas signalés en 2021 et 2022. En 2022, la RDC a enregistré une augmentation des cas de poliomyélite, notamment dans des régions spécifiques, une maladie qui peut avoir des conséquences dévastatrices sur la santé des enfants. « Chaque cas de polio représente non seulement une souffrance individuelle, mais aussi un risque pour la santé publique. En vaccinant les enfants de ces régions reculées, nous brisons la chaîne de transmission et protégeons les générations futures ».
Le Dr Barclay souligne également l'importance du Programme élargi de vaccination (PEV) : « Ce programme est essentiel pour garantir que chaque enfant, où qu'il vive, ait accès aux vaccins nécessaires. Grâce à nos efforts combinés, nous espérons réduire de manière significative l'incidence de la polio et d'autres maladies évitables ».
Par Yves Ndjadi, Responsable de la communication de PATH, détaché au Programme élargi de vaccination