Renforcement des relations et soutien humanitaire : visite stratégique de l'UE en RDC (Op-ed)

Janez Lenarčič, Commissaire européen à l'aide humanitaire
Janez Lenarčič, Commissaire européen à l'aide humanitaire

Janez Lenarčič, Commissaire européen à l'aide humanitaire, est en visite à Kinshasa depuis dimanche. Il prévoit également de se rendre à Goma. Pour les internautes de ACTUALITE.CD, il détaille les raisons de son séjour congolais.

Quelle est la raison de votre visite en RDC ?

La République démocratique du Congo (RDC) est un partenaire stratégique pour l’Union européenne (UE) avec lequel nous souhaitons développer et approfondir notre relation dans le cadre d’un partenariat d’égal à égal et respectueux de la souveraineté de la RDC. Cet engagement s’inscrit dans le cadre d’une stratégie d’ensemble pour la région des Grands Lacs qui vise à favoriser la paix, la stabilité et un commerce régional équitable et profitable à tous. 

La visite à Kinshasa l’année passée d’une importante délégation de l’UE menée par le Président de la République Française et les Commissaires européens Thierry Breton et Jutta Urpilainen, a déjà démontré l’importance de l’engagement politique de l’UE. 

C’est ma deuxième visite en tant que Commissaire européen en charge de l’aide humanitaire. L’objectif principal de cette visite est d’aborder la crise humanitaire qui fait tant de ravages dans l’est de la RDC. Je me rendrai à Goma pour rencontrer les personnes affectées par cette crise, les autorités locales et les partenaires humanitaires et j’aurai l’opportunité d’en discuter avec le Président de la République et la Première ministre. 

Je ne manquerai pas de leur exprimer le soutien sans faille de l’UE. Au nom de l’UE, je saluerai la formation du nouveau gouvernement et j’exprimerai notre soutien au programme de réformes, en particulier sur la lutte contre la corruption, le respect des droits de l’homme, l’égalité entre hommes et femmes, la réforme du secteur de la sécurité et de la justice et l’amélioration du climat des affaires. Mais en tant que partenaire, je ne manquerai pas d’aborder également des sujets plus difficiles comme celui de la levée du moratoire sur la peine de mort que l’Union européenne ne peut pas soutenir.

Que fait l’UE pour aider les populations dans le besoin en RDC, en particulier dans les provinces orientales ? 

J’entends souvent dire que l’UE n’aide pas suffisamment la RDC et même qu’elle est partiale vis-à-vis du Rwanda dans le contexte du conflit qui fait rage avec le M23. Ce n’est tout simplement pas vrai. 

L’UE apporte son soutien à toutes les personnes dans le besoin, où qu’elles se trouvent. Nous restons engagés au bénéfice de la population congolaise, tout comme nous le sommes pour les populations à Gaza, en Ukraine et dans toutes les crises humanitaires en Afrique comme dans le reste du monde. 

Cet engagement se traduit par des actions concrètes. L’UE a fourni 100 millions EUR d’aide humanitaire aux populations de la RDC l’année dernière. Ces financements ont été alloués à de nombreuses organisations telles que le PAM, le HCR, l’UNICEF, le CICR, ainsi qu’à de nombreuses ONGs pour fournir de la nourriture, des abris, des soins de santé, etc. Cette année, notre enveloppe d’aide humanitaire pour la RDC est déjà supérieure de plus de 35 % à celle de l’année dernière, ce qui témoigne de l’engagement de l’UE à atténuer les souffrances du peuple congolais. Face à la gravité de la situation, j’ai encore demandé un montant supplémentaire de 35 millions d'euros, soumis à l'approbation des autorités budgétaires, pour augmenter nos programmes et répondre à l’augmentation des besoins. Et cela vient s’ajouter aux centaines de millions d’euros d’aide au développement.

Outre ces financements, nous affrétons des moyens aériens pour acheminer de l’aide humanitaire depuis d’Europe mais aussi à l’intérieur de la RDC, vers les zones les plus difficiles d’accès. L’UE fait en outre un plaidoyer au niveau international pour que la situation en RDC ne soit pas oubliée de la communauté internationale. L’UE a organisé une session de haut niveau sur la crise en RDC lors du Forum humanitaire européen de cette année, qui a rassemblé près de 6 500 participants. Ma visite témoigne encore une fois de nos efforts considérables de sensibilisation. 

Néanmoins, les efforts humanitaires de l'UE à eux seuls restent insuffisants face à l’immensité des besoins à travers le pays. Davantage d’actions et de solidarité de la part d’autres acteurs internationaux sont nécessaires. L’aide humanitaire est une responsabilité mondiale qui doit être partagée équitablement. Nous encourageons donc constamment les autres bailleurs internationaux et les pays plus riches à contribuer selon leurs moyens et à accroître leur assistance humanitaire. 

Comment l’UE soutient-elle les efforts de paix en RDC ?

L'UE est extrêmement préoccupée par l'augmentation de la violence dans l'est de la RDC et l'aggravation de la situation humanitaire, qui expose des millions de personnes à des violations des droits de l'homme, notamment les déplacements forcés, les privations et les violences basées sur le genre. 

L'UE condamne les actions de tous les groupes armés dans l'est de la RDC. Ces groupes doivent cesser toutes les hostilités, se retirer des zones qu'ils occupent et se désarmer conformément aux décisions prises dans le cadre des processus de Luanda et de Nairobi.

Nous condamnons fermement la récente offensive du M23 soutenue par les RDF. Elle exhorte vivement le Rwanda à retirer immédiatement l'ensemble de son personnel militaire de la RDC ainsi qu'à mettre fin à tout le soutien qu'il apporte au M23 et à cesser toute coopération avec celui-ci. Elle exhorte vivement la RDC et tous les acteurs régionaux à mettre fin au soutien qu'ils apportent aux FDLR.

En outre, l’UE invite toutes les parties au conflit à protéger les populations civiles, prévenir les violations du droit international et garantir un accès sûr et sans entrave de l’aide humanitaire à toutes les personnes dans le besoin, immédiatement et sans conditions. 

Mais en fin de compte, la seule solution pour mettre un terme définitif à ces souffrances est de parvenir à une résolution permanente de ce conflit. L’UE appelle à un dialogue inclusif, impliquant directement la RDC et le Rwanda, pour s’attaquer aux causes profondes du conflit. Ce conflit ne sera pas résolu par des moyens militaires. Les populations ne peuvent pas demeurer dépendantes de l'assistance humanitaire à long terme. Des négociations sont nécessaires - et l’UE est prête à poursuivre son soutien en ce sens. 

Pourquoi l’UE a-t-elle signé un protocole d’accord avec le Rwanda ? 

Le protocole d'accord avec le Rwanda sur les matières premières critiques s'inscrit dans un effort plus large visant à transformer le trafic régional de minerais en un commerce durable. En fait, il s'appuie sur la signature du protocole d'accord avec la RDC en octobre 2023 qui aborde le même problème - pour contribuer à instaurer un environnement favorable aux affaires dans le secteur minier et mettre fin à l'exploitation abusive. En effet, l'exploitation et le trafic illégaux actuels des ressources naturelles dans l'est de la RDC alimentent la violence cyclique dans la région en soutenant les groupes armés et en leur permettant de continuer à opérer en toute impunité. L'UE s'efforce de mettre fin à ce cycle destructeur.

Je comprends que la signature récente du protocole d'accord avec le Rwanda ait suscité des frustrations en RDC. Cependant, une grande partie de ces frustrations est alimentée par des fausses informations et de la propagande mensongère visant à affaiblir le partenariat solide et constructif entre l'UE et la RDC.

Le protocole d'accord avec le Rwanda constitue une étape supplémentaire dans le processus à long terme visant à soutenir la transparence, la traçabilité, la production et la transformation durables et responsables des matières premières. Ces efforts profiteront à toute la région des Grands Lacs - car ce n'est qu'en travaillant ensemble au-delà des frontières que nous pourrons réformer ce commerce et construire une société plus juste et durable pour tous.