Après de longs mois d'attente pour les familles biologique et politique de Chérubin Okende, le Procureur général près la Cour de cassation a décidé de briser le silence pour fixer l'opinion sur les circonstances de la mort de l'ancien ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement. D'après Firmin Mvonde, Chérubin Okende s'était suicidé.
Selon les conclusions des enquêtes, l'ancien porte-parole de Ensemble pour la République de Moïse Katumbi s'était auto-infligé, c'est-à-dire qu'il s'était suicidé en se tirant une balle à partir de la tempe de sa tête. Cette communication du parquet général près la Cour de Cassation ne cesse de susciter des réactions dans l'environnement sociopolitique congolais.
Pour l’ex député Lubaya Claudel André, la thèse "fumigène" du procureur ne convainc ni ne rassure.
"Elle ne répond pas à la question principale, à savoir « pour quelles raisons et dans quelles circonstances le défunt a-t-il trouvé la mort ? ». Elle semble en effet plus proche du théâtre que de la réalité. Comment Chérubin Okende, qui chérissait la vie, pouvait-il la détruire en se suicidant de plusieurs balles, avec un fusil AK47, pour ensuite aller garer sa voiture alors qu’il était déjà mort ? Où sont les conclusions de l’autopsie ? Que sont devenus son garde du corps et son chauffeur qui étaient mis en détention comme premiers suspects ? Qu’ont-ils dit dans leurs dépositions ? Qui d’autre a été entendu, en dehors des membres de sa famille, dans le cadre de l’enquête ? Personne. Qui d’autre est soupçonné, dans le cadre de l’enquête ? Personne. Puisqu’il n’y a jamais eu de crime parfait, la sortie médiatique du procureur n’a fait que confirmer ce que tout le monde savait sur la responsabilité de l’État dans cette tragédie. Le reste n’est que diversion", a-t-il indiqué dans un message sur son compte X ce vendredi 1er mars 2024.
À l'en croire, affirmer "sans vergogne" que Chérubin Okende, retrouvé corps et véhicule criblés de balles, « se serait suicidé », et donc serait responsable de sa propre mort n’est que mépris pour sa vie. M. Lubaya est ferme: il s’agit d’un crime d’Etat que le pouvoir n’a pas su maquiller.
"Il s’agit d’un crime de sang, un crime d’État, un affront au bon sens le plus élémentaire, une insulte à la mémoire du défunt et une tache de boue qui couvriront à jamais de honte le pouvoir qui, jusqu’au bout, aura tenté sans y parvenir de maquiller cet assassinat. C’est de la méchanceté à l’endroit de sa veuve, ses enfants, ses parents, ses frères, ses sœurs bref sa famille, ses collègues et camarades, ses amis et connaissances ! La méchanceté, c'est de faire aux autres, ce qu'on n'accepterait jamais de subir. Cette annonce prive Okende de toute voie de recours, de tout procès, de toute justice de même qu’elle sonne le glas d’un pays dont le principal dirigeant avait déclaré la mort et, tout récemment, annoncé la maladie de ce qu’il reste de la justice. Oui, la justice n’est pas malade d’elle-même. Elle l’est du fait de son chef suprême, qui l’infantilise et manipule à sa guise, pour en faire son outil de puissance personnelle et son arme de chantage au service de la terreur", a souligné Lubaya Claudel André.
Le président du parti politique Union démocratique africaine Originelle (UDA Originelle) estime qu'il s’agit enfin d’un mauvais signal pour la Nation, qui accentue sa fragmentation et compromet toute perspective de réconciliation.
"Ce signal indique que la RDC s'enfonce dans de sombres moments de son histoire avec la terreur qui s’installe et s'intensifie désormais au sein d’une classe politique tétanisée, obligée de se taire ou de faire les courbettes pour accéder aux privilèges indus", a-t-il martelé.
Déçue de la lenteur de la justice congolaise il y a quelques semaines, la famille de Chérubin Okende par le canal de ses avocats avait annoncé sa décision d’enterrer Chérubin Okende pour clôturer le deuil, sans attendre les conclusions du rapport d'autopsie du parquet près le tribunal de Grande instance de Kinshasa/Gombe. La conclusion de l’enquête vient une nouvelle fois susciter le scepticisme et la colère de la famille de l’ancien ministre.
Maître Laurent Onyemba, avocat de la famille Okende a exprimé sa désolation et promis une réaction dans les prochaines heures.
Clément MUAMBA