Native de Kinshasa, la trentaine d'âge, Géraldine Tobe Mutamande est connue pour l’utilisation de la fumée noire comme élément de base dans ses créations. C’est une artiste qui a dompté le feu mais pas que. Des éléments historiques en rapport notamment avec son pays la RDC et ses visites à différents lieux du monde émaillent également ses créations. A observer ses toiles, on est transporté vers une époque où les souvenirs sont restaurés, un univers singulier fait de la part de l’humain qui la transcende.
L’exposition “Sans visage” en est une illustration de cette démarche de l’artiste si flegmatique d’apparence et de travail. Le projet a été conçu pour rendre hommage et simplement célébrer toutes les personnes qui bossent dur pour accompagner d’autres mais qui restent dans l’ombre. C’est en même temps, un clin d’oeil au passé rappelant histoire de l’esclavage et de tous ces africains déportés de leur continent, et dont certains ne sont jamais arrivés à destination.
“C’est un projet qui a commencé il y a près de 2 ans quand j’étais en Europe. On m’a fait visiter des édifices construits grâce aux mains d’œuvre des esclaves venus d’Afrique. Je me suis rendu compte qu’il y a pas mal de choses construites avec l’apport assez considérable de nos ancêtres esclaves et je me suis dit de faire un travail qui leur rendra hommage”, a dit Géraldine Tobe à ACTUALITE.CD.
Au titre “Sans visage” s’ajoute “Sur les traces des oubliés”. Géraldine tente pour ce faire de faire revivre les mémoires de ces pères qui ont payé de leur vie lors des années de l’esclavage. Avec des dessins des personnages presque nus, vivant côte à côte avec des animaux, un style que l’artiste a réussi a concocté grâce à une documentation que le musée de Tervuren a mise à sa disposition. Un travail finalement apprécié par le public congolais qui s’est identifié aussi dans le projet.
“J’ai peint des visages des personnes qui ont réellement existé et j’ai aussi fait le choix de peindre des visages des personnes actuelles, en particulier des vieillards. C’est pour faire passer un message à ma communauté qu’aujourd’hui, la communauté jeune a une façon différente de voir les personnes âgées, on les considère sorcières par moment. Or, ce sont elles qui ont fait de nous ce que nous sommes”, a ajouté Géraldine Tobe.
Les oubliés dont parle l’artiste, c’est aussi sur le plan personnel. Plusieurs personnes ont contribué à ce qu’elle fasse une carrière artistique à la hauteur de ses productions mais qui sont parfois oubliées. Géraldine doit beaucoup, entre autres, à son frère souffrant d’une maladie mentale mais grâce à qui, elle est devenue cette artiste peintre qui voyage sur le monde autant que ses œuvres.
Les oubliés, c’est aussi ceux qui subissent les affres de la guerre à l’Est de la RDC, indique Géraldine. Une situation assez inquiétante qui a coûté la vie de plusieurs millions de personnes depuis environ 30 ans mais dont la communauté internationale ne met toujours pas au premier plan des discussions et des priorités.
En toute intimité avec soi, le monde et l’histoire, la visite de cette exposition est ouverte dans la salle d’exposition de l’Institut Français de Kinshasa jusqu’au 2 mars.
Kuzamba Mbuangu