JMT 2023 : l’industrie touristique en RDC est à “repenser”, selon Antoine Tabu, coordonnateur pays d’African Wildlife Foundation (entretien)

Deux Okapi dans la RFO/Ph. Droits tiers

Comme chaque 27 septembre, le monde célèbre ce mercredi la journée mondiale du tourisme (JMT) pour, d’après les Nations Unies, « faire prendre davantage conscience à la communauté internationale de l'importance du tourisme et de sa valeur sociale, culturelle, politique et économique ». Cette année, le thème retenu pour cette célébration dans le monde est « tourisme et investissements verts », soulignant l’importance d’orienter les investissements vers le bien-être notamment des personnes.

A cette occasion, ACTUALITE.CD s’est entretenu avec Antoine Tabu Senga, coordonnateur pays d’African Wildlife Foudation, ONG américaine présente en RDC depuis 2004 et travaillant sur trois principaux objectifs, parmi lesquels la lutte contre tout ce qui est criminalité faunique, cause principale du déclin de la faune dans les aires protégées avec l’intervention de l’institut congolais de conservation de la nature (ICCN). Industrie touristique en RDC, signification de la JMT, nécessité d’investir dans le bien être des communautés locales et peuples autochtones autour des aires protégées en RDC, sont les thèmes clés de cet échange.

Le monde célèbre la JMT ce 27 septembre. En quoi cette journée est-elle importante et d’où tire-t-elle sa signification ?

Cette journée est importante parce que depuis que les statuts de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) avaient été adoptés, le 27 septembre 1970, cette journée était désormais dédiée au tourisme. Le tourisme, pour nous, qui sommes dans les aires protégées, est un moyen de diminuer la dépendance de financement des bailleurs pour l'auto financement au sein de nos aires protégées à travers l'industrie touristique qu'il faut mettre en œuvre pour la protection et la sauvegarde des aires protégées. 

Que pensez-vous de l’industrie touristique en RDC ?

L'industrie touristique en RDC est à repenser. On doit s'asseoir et réfléchir profondément sur l'avenir du tourisme en RDC. Le tourisme est une consommation de troisième niveau, il faut d’abord commencer par éradiquer la pauvreté. C’est l’excédent des revenus qu’on aura sur la consommation quotidienne qu’on va dégager pour la consommation de troisième niveau, c’est-à-dire les offres touristiques. Bien plus, il faut également réfléchir sur comment préparer les attraits touristiques, les circuits touristiques etc. Qu’est-ce-que Kinshasa offre comme attrait touristique ? Quel est le circuit pour qu’en y arrivant on ne tombe pas dans les embouteillages et qu’en 2 heures, on puisse tout voir de Kinshasa ? Il y a aussi l’aspect sécuritaire (…). Le parc des Virunga, par exemple, à un moment donné était l’une des 20 destinations touristiques au monde. Mais avec tout ce que nous sommes en train de connaître maintenant comme la guerre dans l’est, non seulement la faune est menacée, mais aussi les gens ne peuvent pas venir visiter nos parcs. Savez-vous combien de rentrées touristiques nous sommes en train de perdre pour le Virunga ? (…).

Pouvez-vous nous décrire en quoi investir dans le bien-être des communautés locales et des peuples autochtones est important pour booster un tourisme durable en RDC ?

La question autour des protections des aires protégées a évolué. Avant, on avait une approche bio centrée où les gens voulaient protéger l’animal sans voir l’homme qui est à côté. Mais depuis quelques temps, on a compris que l’idéal serait d’inverser l’approche pour celle dite anthropocentrée c’est-à-dire investir dans l’homme pour que ce dernier comprenne que c’est à grâce à l’animal qu’il protège qu’il a toutes les commodités autour de lui (…). Du coup, sans même qu’on ait des écogardes derrière les hommes pour protéger, ils vont eux-mêmes s’investir sachant qu’il y a des retombées positives. Et les touristes qui viennent à cause de cette faune amènent certainement des moyens supplémentaires pour le bien-être de cette communauté. Et cela aide à diminuer petit à petit la dépendance des bailleurs ou avoir des fonds supplémentaires en plus de ceux que les bailleurs donnent pour que le travail qui est énorme soit fait.  

Comment les autorités gouvernementales peuvent-elles soutenir l'investissement dans le bien-être des communautés locales et des peuples autochtones ?

Les autorités gouvernementales peuvent notamment soutenir cet investissement dans la réhabilitation des infrastructures routières pour permettre l'accessibilité des touristes dans les sites. Cela va amener plusieurs initiatives privées en termes d'hôtellerie et restauration, qui peuvent plus tard contribuer à l'indépendance financière de ces communautés.     

Comment les aires protégées peuvent-elles bénéficier des initiatives visant à améliorer le bien-être des communautés locales et des peuples autochtones ?

On doit plutôt chercher à donner un peu plus les moyens pour que les communautés qui sont autour sachent que ces aires protégées ne sont pas pour les étrangers. Et s’ils voient des retombées positives de ce qu’elles sont en train de protéger ou ceux qu’elles ont comme richesses dans leur forêt, il y aura un engagement communautaire sur le long terme et cela va diminuer notre travail puisque les communautés elles-mêmes prendront à bras le corps la question de la conservation parce qu’elles sont en train de voir les bénéfices directs générés par la faune qui est dans leur forêt.       

En ce jour si spécial de la célébration du tourisme, quel serait votre mot de la fin ?

Nous devons, en famille, consommer le tourisme local. Trouver le temps en famille pour amener les enfants visiter les sites que nous avons tout autour de la ville. C’est déjà une culture qu’on mettra en place et petit à petit on va arriver à avoir une génération qui aura le goût du tourisme. 

Propos recueillis par Japhet Toko