RDC: quelles garanties pour l’indépendance des enquêteurs sur l’assassinat de l’opposant Chérubin Okende 

Photo d'illustration
Chérubin Okende, Ancien ministre de Transport et porte-parole de Ensemble pour la République.

En République Démocratique du Congo, la commission annoncée par le gouvernement pour enquêter sur l’assassinat du député et opposant Chérubin Okende tarde à être mise en place. Cet ancien ministre des transports et voies de communication ainsi que porte-parole d’Ensemble pour la République, parti de Moïse Katumbi, a été retrouvé mort dans sa jeep au lendemain de son enlèvement par des personnes armées à Kinshasa. Les autorités ont, depuis, entrepris des démarches notamment auprès de la Belgique afin de faire la lumière sur cet assassinat. Mais une semaine après, l’opinion s’interroge quant à la suite de cette affaire, mais surtout sur les garanties pour l’indépendance des enquêteurs au regard du contexte politique actuel au pays marqué par les préparatifs des élections générales prévues en décembre prochain.

L’enquête annoncée est soutenue par plusieurs personnes et les organisations de défense des droits de l’homme.

« L’assassinat de Cherubin Okende survient à un moment de tension politique croissante notamment autour de l’organisation des élections du mois de décembre prochain. Il est par conséquent d’autant plus important de s’assurer que l’enquête soit rapide, impartiale et transparente. Rapide ne veut pas dire bâclée car il faut faire toute la lumière sur les circonstances de ce meurtre », a dit, à ACTUALITE.CD, Thomas Fessy, chercheur principal et représentant Human Rights Watch en RDC.

Le pays est à six mois des élections et la tension monte de plus en plus. « Les avancées de l’enquête devraient être ainsi rendues publiques en toute transparence. Enfin, les auteurs, une fois identifiés, devraient être traduits en justice. Tout autre dénouement au rabais risquerait d'aggraver une situation déjà extrêmement tendue », a ajouté M. Fessy.

La justice congolaise s’était saisie du dossier. En plus du garde du corps et du chauffeur de Chérubin Okende, plusieurs personnes ont été arrêtées et sont auditionnées. A ce stade, il est impérieux de privilégier l’indépendance des enquêteurs qui feront partie de la commission, estime Jean-Mobert Senga, chercheur à Amnesty International.

« Des garanties doivent être données quant à l’indépendance des enquêteurs, la rapidité et l’exhaustivité des enquêtes, ainsi que la transparence, qui inclut la communication sur l’évolution des enquêtes et la publication des résultats finaux. Enfin, les autorités doivent veiller à ce que les auteurs et les commanditaires éventuels soient traduits devant la justice et jugés par un tribunal civil de manière équitable, et que la famille du défunt ait pleinement accès à la vérité et aux réparations », a-t-il recommandé.

Le procureur général près la Cour de cassation a indiqué que des contacts ont été pris avec la France, la Belgique, l’Afrique du Sud ainsi qu’avec la Monusco pour l’expertise notamment en médecine légale.

« Il existe pour le moment une équipe d’enquêteurs internationaux au sein de la Monusco, avec des experts médico-légaux. Il aurait été souhaitable de les associer dès la découverte du corps de Monsieur Okende », a suggéré Jean-Mobert Senga, qui regrette tout de même « les conditions de la levée du corps et du véhicule du lieu où ils étaient trouvés, et les déclarations prématurées de certains responsables du pouvoir judiciaire ne sont pas de nature à rassurer quant à l’intention réelle des autorités de mener ou laisser mener une enquête crédible sur ce horrible meurtre ».

La crédibilité des autorités à l’épreuve 

Les affaires de meurtres non élucidés sont légion en RDC. Parmi les plus connues et les plus récentes, il y a celles du général Delphin Kahimbi et du juge Raphaël Yanyi. Pour JM Senga, les autorités ne doivent pas se louper cette fois. 

« Évidemment cela fait peser d’énormes doutes sur le cas de Chérubin Okende. La crédibilité des autorités est plus que jamais à l’épreuve, surtout étant donné le contexte politique et  pré électoral actuel », dit-il, ajoutant que l’affaire de meurtre de Cérubin Okende est une occasion pour les autorités de rétablir la confiance notamment avec les parties prenantes au processus électoral. 

« Il est dans leur intérêt de tout mettre en œuvre pour que toute la lumière soit faite et que les auteurs soient jugés dans les meilleurs délais. Au-delà de rendre justice pour Chérubin, il s’agit pour les autorités de rétablir la confiance des parties prenantes au processus électoral, du public, et même de la communauté internationale ».

Outre les démarches du gouvernement, Moïse Katumbi a activé les batteries afin que toute la lumière soit faite sur la mort du porte-parole de son parti. A Kinshasa où il a séjourné, Katumbi a notamment échangé avec le numéro 2 de la Monusco, les ambassadeurs des Etats-Unis, de France, du Royaume Uni et du Canada et de l’Union Européenne. « Les assassins et commanditaires doivent être démasqués », avait dit Moise Katumbi qui, depuis Abidjan où il avait écourté sa mission avait dénoncé un « assassinat politique ».

Le gouvernement pour sa part, parle d’une tentative de « pouvoir tirer les dividendes politiques » de cet assassinat et appelle à la retenue en attendant le dénouement de l’enquête.

Le corps de l’ancien ministre des transports, taché de sang, a été extirpé de sa voiture par la police scientifique en présence des éléments de l’armée, puis acheminé à la morgue.

Okende était haut cadre et porte-parole du parti de Moise Katumbi. Ce dernier s’est déclaré candidat à la présidentielle de décembre prochain. C’est un climat de terreur qui règne dans la capitale et dans certaines villes du pays à moins de six mois des élections. Plusieurs opposants dont Salomon Kalonda, le conseiller spécial de M. Katumbi, le député Mike Mukebayi, aussi membre du parti Ensemble pour la République, sont aux arrêts. Franck Diongo, ancien député et proche de Katumbi a été libéré au lendemain de l’assassinat de Okende.

Patrick MAKI