RDC : l’actualité de la semaine vue par Patience Barandenge

Photo/ Droits tiers
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Du rapport final du groupe d’experts des Nations Unies sur la partie Est de la RDC à la décision de Martin Fayulu de se retirer du processus électoral en passant par le lancement d’une campagne de lutte contre les VBG en milieu sportif, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Patience Barandenge passe en revue chacun de ces faits.  

Bonjour Madame Patience Barandenge et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités et de votre parcours ? 

Patience Barandenge : Je suis journaliste et communicologue de formation, j’ai travaillé pendant 15 ans dans le secteur bancaire, avec une expérience approfondie dans le financement des femmes, appelé « financement Genre ». Je suis donc experte en financement Genre à la Frankfurt school of Finance  and Management, Conseillère en communication et en investissement, Entrepreneure et Présidente de Dream Venture, une Asbl qui accompagne les femmes et enfants drépanocytaires ainsi que les enfants en situation d’incarcération.   

Lundi, 19 juin a marqué les deux ans d’exécution de la Campagne Tolérance zéro immédiate contre les crimes des violences basées sur le genre et l’impunité lancée en 2021 par le Chef de l’Etat. Quel bilan faites-vous de sa mise en œuvre ? 

Patience Barandenge : je dirais qu’il y a eu un échec par rapport à la communication. Les campagnes qui ont été menées au cours des années précédentes avaient plus d’impact en matière de communication car on pouvait voir des panneaux publicitaires avec des numéros verts qui offraient la possibilité de dénoncer les cas de violences sexuelles. Nous avons suivi à travers les médias comment les femmes ont pu briser le silence et dénoncer. Toute cette ampleur, nous ne l’avons pas vue en ce qui concerne cette campagne. Je dirais peut-être qu’il y a eu des séances « restreintes », notamment des activités qui vont se passer par exemple au Pullman, où les victimes ne sont pas forcément impliquées. Je me demande s’il y a eu des séances de sensibilisation auprès des populations qui sont vraiment victimes de ce fléau. Il fallait par exemple monter un programme qui donne l’occasion aux survivant.e.s qui ont réussi à se reconstruire de pouvoir aller à la rencontre de leurs pairs. Donc, personnellement, je ne sais  pas faire un bilan de la campagne Tolérance zéro immédiate. Cependant, nous louons l’initiative et l’implication du Chef de l’Etat et encourageons la coordonnatrice en charge de cette question au cabinet du Président de la République à investir dans la communication avec les populations cibles. Il y a déjà eu des ateliers, des études et des travaux menés sur ces questions. Il faut à présent les capitaliser.   

En politique, il y a eu la décision de Martin Fayulu et son parti, de ne pas déposer des candidatures « tant que le fichier électoral ne sera pas audité par un cabinet indépendant ». Votre point de vue de cette position ? 

Patience Barandenge : je trouve irresponsable la démarche de Martin Fayulu. C’est une personne qui a des adeptes, des partisans qui croient en son idéologie et il s’est résolu de les lâcher. J’ai suivi la réaction d’un citoyen qui se réclamait membre du parti politique Ecidé. A travers une vidéo publiée sur la toile, il annonçait ouvertement son départ de ce parti politique à cause de cette décision de Martin Fayulu. Je considère que c’est un échec pour son parti. Même lorsque l’opposition décide de ne pas siéger au parlement, c’est un échec car leur participation aux plénières pourrait permettre de soumettre des nouvelles lois qui feraient avancer le pays. Cette décision est irresponsable et elle affaiblit l’opposition. Je pense qu’il a encore la possibilité de se rétracter et il devrait le faire car ses partisans attendent impatiemment. 

Matata Ponyo et Moise Katumbi qui font partie de la coalition préélectorale dont fait partie Martin Fayulu se sont désolidarisés de cette position. Pensez-vous que ces points de vue divergent peuvent fragiliser l’opposition politique ?   

Patience Barandenge : effectivement, la désolidarisation de ces deux candidats peut fragiliser l’opposition, comme je viens de le dire. On se demande quelle est l’opposition qui pourra faire face au pouvoir en place. En démocratie, nous avons besoin d' idées diverses pour faire avancer le pays. Si Matata Ponyo et Moise Katumbi se sont affichés contre cette position de Martin Fayulu, on se dit qu’ils ne sont plus en quête du pouvoir ? Ils n’ont plus la volonté de changer les choses par rapport au pouvoir en place ? Cette situation présage une crise préélectorale. Et cela met la population sous tension. Il est important, pour les leaders de l’opposition, de se mettre autour d’une table pour réparer leur différend.  

L’ancien président Joseph Kabila a également fait une sortie médiatique avec quelques membres de sa famille politique restés fidèles. Il est question de sa prochaine annonce à la Nation. Quels seraient les probables points de ce discours selon vous ? 

Patience Barandenge : l’ancien président Joseph Kabila est une personne qui aime surprendre. Beaucoup de personnes ont condamné son attitude, son silence par rapport aux actualités politiques du pays. Donc, nous ne savons pas quel sera son discours après la convocation de sa famille politique, mais je ne pense pas qu’il va nous dire ses intentions de se présenter à la présidentielle de 2023. Mais comme je l’ai dit, il peut nous surprendre. Après tout ce temps de silence, il  lui sera important de s’exprimer. Au-delà d’avoir un entretien avec sa famille politique, il devrait aussi parler à la population, lui adresser ses encouragements par rapport à la tension actuelle dans l’opposition. Il peut, en tant que leader, mettre  autour d’une table, toute l’opposition pour contrer ensemble, le pouvoir en place, c’est aussi cela la politique. 

En sécurité, le Premier ministre a lancé les travaux préparatoires de la table ronde sur l'état de siège. Pendant ce temps, la société civile plaide pour la levée de cette mesure. Soutenez-vous ce point de vue ? 

Patience Barandenge : je soutiens totalement la position de la société civile quant à la levée de la mesure sur l'État de siège. Nous avons vu les actions de l’Armée et de la Police congolaises. Pendant cette période préélectorale, je pense qu’il faut procéder à l’état des lieux afin de lever la mesure et que les civils reprennent la place. La population de cette zone sera certainement apaisée lorsque la mesure sera levée.  

Des ossements humains des personnes tuées par les présumés combattants ADF, ont été découverts mercredi à Beni. En dehors de l’enterrement qui a déjà eu lieu, quelle recommandation feriez-vous aux autorités en faveur des victimes ? 

Patience Barandenge : ré instaurer l’autorité de l’Etat dans toutes ces zones en proie aux conflits sera une bonne consolation pour les familles victimes, mais si l’Etat construit un monument ou pose un acte humanitaire, cela aura encore plus d’impact pour les victimes.  

En sports, la Coordinatrice  en charge de lutte contre les violences faites à la femme (Cabinet du Chef de l’Etat) a lancé la  campagne de sensibilisation sur la lutte contre les VSBG en milieu sportif. Quelles suggestions feriez-vous pour mener à bien cette campagne ?  

Patience Barandenge : nous soutenons et encourageons la Coordinatrice Chantal Mulop car les VBG dans le milieu sportif est une réalité. Il faut investir dans la communication, viser les sportifs modèles pour qu’ils portent des messages de lutte, que les personnes influentes du milieu sportif puissent également le faire. Surtout, que les victimes prennent le courage de dénoncer et qu’elles soient soutenues. 

En justice, concernant le procès Bukanga-Lonzo, l’ancien premier ministre Matata Ponyo a déposé une plainte contre le président du sénat. Il a également déposé un réquisitoire à la Cour Constitutionnelle visant le  Procureur Général près cette juridiction. Quelle issue possible pour cette affaire ? 

Patience Barandenge : nous attendons que justice soit faite. C’est-à-dire que si Matata Ponyo est coupable des faits qui lui sont reprochés, alors, qu’il réponde de ses actes. Si ses revendications (à l’égard du Président du Sénat ou de la Cour Constitutionnelle sont de taille), qu’il obtienne aussi gain de cause par rapport à ses démarches en justice. Cette situation devrait interpeller toutes les personnes qui gèrent la chose publique pour qu’elles sachent que l’Etat de droit existe réellement.  

Au niveau continental, le groupe d’experts de l’ONU sur la RDC a apporté de nouvelles preuves de la présence de l’Armée rwandaise sur le sol congolais. Des noms des officiels Rwandais sont notamment cités. A ce stade, quelles sont vos attentes de la part du conseil de sécurité ? 

Patience Barandenge : que le Conseil de sécurité des Nations Unies arrête de nous voiler la face. Ce n’est pas aujourd’hui que l’on va sembler connaître les causes de la situation d’agression dans la partie Est de la RDC. Ce rapport n’est pas le premier qui cite des officiels Rwandais. Qu’il (Conseil de sécurité, ndlr) nous aide à retrouver une paix durable dans cette région car la population qui réclame le départ des troupes de la Monusco se rend compte que le pays a plus été fragilisé depuis leur arrivée plutôt que de repousser les agresseurs. 

Dans un communiqué, le Rwanda a rejeté ces allégations et précise que « le renforcement des mécanismes défensifs et préventifs du Rwanda restera en place ». Comment analysez-vous cette réaction ? 

Patience Barandenge : c’est bien dommage que le Congo soit victime de son hospitalité. Le Rwanda peut continuer à rejeter toutes les preuves portées contre lui sur l’agression qu’il fait subir à la RDC mais, nous allons également agir. Autant il compte renforcer ses mécanismes défensifs, autant nous allons le faire. C’est-à-dire, malgré toutes les réclamations pour la levée de l'État de siège, nous ne nous arrêterons pas. Nous voyons le nouveau ministre de la défense se mobiliser pour encourager les troupes aux fronts. La population congolaise n’est plus dupe comme on le croyait. 

Au niveau international, des Chefs d’Etats et de gouvernement dont la RDC se sont réunis à Paris pour notamment mettre en place un nouveau système financier mondial pour mieux armer les États les plus vulnérables contre le dérèglement climatique et la pauvreté. Concrètement, à quoi vous attendez-vous après cette rencontre ? 

Patience Barandenge : j’ai suivi l’intervention du Président Macron par rapport à ces assises. Pour avoir évolué dans le secteur financier, je soutiens l’initiative de mobiliser à la fois le secteur public et le secteur privé. Il faut faire des efforts à tous les niveaux. Le secteur privé contribue énormément à la pollution environnementale, il a une responsabilité sociétale et doit contribuer à la transition écologique. Les impacts du réchauffement climatique impliquent tous les domaines et la pauvreté ne cessera de s'accroître si les solutions ne sont pas trouvées. 

Propos recueillis par Prisca Lokale