Gabriel Mola Motya, président de la Fédération des Industriels du Bois (FIB), estime que la RDC pourrait produire plus de bois sans endommager les écosystèmes de ses forêts. Il appelle à la levée du moratoire et interpelle le ministère de l’environnement sur les conséquences de la revisitation des contrats d’exploitation forestière.
"Avec la guerre de l'Ukraine, les Européens ont rouvert les mines de charbon, ils ont demandé l'autorisation à qui ? Ça fait 21 ans qu'on est sous moratoire alors que c'était pour trois ans. Et pour lever ce moratoire, il faut se référer à ces gens de l'union européenne, de la banque mondiale et les autres bailleurs qui eux s'opposent farouchement à la levée du moratoire", a expliqué Gabriel Mola Motya au cours d'un entretien accordé à ACTUALITE.CD en mars dernier.
Et de poursuivre :
"Nous, on ne pollue pas, on consomme le dioxyde de carbone avec nos forêts pendant qu’eux se développent. C'est là qu'il faut faire un grand travail de conscientisation, de sensibilisation, un travail pédagogique pour faire comprendre aux congolais qu'il y a un déséquilibre, ça ne va pas. Surtout qu’il y a une usine de transformation dans la nouvelle Zone Économique Spéciale mais pour transformer le bois localement et en faire des produits finis, il faut couper beaucoup, il faut donc ouvrir le jeu, à quoi bon laisser ces forêts mourir comme ça à cause du réchauffement climatique ?”
Pour le patron de la fédération, à cause du moratoire, la République Démocratique du Congo est à la traîne par rapport aux autres pays du bassin du Congo et se retrouve injustement pénalisée.
“Le Gabon a 24 millions d'hectares de forêts. Sur ces 24 millions, 14 millions sont destinés à la production du bois, 2 millions sont réservés pour les activités agricoles et les 8 millions restants servent aux activités de conservation. La RDC, selon les statistiques, a environ 150 millions d'hectares et sur ces 150 millions, moins de 10% sont concédés, ça doit représenter 10 millions ou 11 millions d'hectares. Et même dans ces 10%, il y en a ceux qui ont été convertis en contrat de conservation, ce qui fait qu’on est autour de 7 millions d'hectares de forêts destinées à la production permanente de bois alors que le Gabon c'est 14 millions. Le Cameroun qui à, je crois, 60 millions d'hectares de forêts, il y en a peu près 40 millions qui sont mis en production" a-t-il affirmé au cours de cet entretien
"Des études sérieuses ont démontré que nos forêts peuvent être exploitées de manière durable et produire entre 6 à 10 millions de mètres cubes de bois par an sans endommager les écosystèmes. Nous ne sommes qu'à 300.000 à peine. Comment expliquer cette pression exercée par la Communauté Internationale sur les forêts de la RDC ? Et ça il faut que le gouvernement nous explique, nous sommes le seul pays au monde où il y a le moratoire, le Congo voisin, rien, le Cameroun, rien. Dans tout le bassin du Congo, il n'y a pas de moratoire, nos voisins exploitent leurs forêts sans problème"
Et d'ajouter :
"On ne peut pas s’attendre à ce que la fédération puisse avoir 200 ou 100 membres à l’instar de ce qui se passe au Gabon. La FIB compte une dizaine de membres et on a de demandes d'adhésions qui sont encore en cours d'examen. Si vous prenez les statistiques, il y a 27 concessionnaires dans notre pays c'est-à-dire il y a en théorie 27 sociétés, et sur les 27, 13 ou 14 seulement sont réellement en activité. Les autres sont des canards boiteux".
Pour le patron de la FIB, les exploitants respectent déjà les espèces protégées.
"Il y a des essences dernièrement qui ont été rajoutées sur la liste actualisée des essences forestières en RDC, on est à plus de 970 qui sont reconnues, identifiées par la Direction Inventaire et Aménagement Forestiers (DIAF) mais sur les 900, on n’en exploite qu'une trentaine. Les arbres d'avenir, le semencier, les arbres à haute valeur culturelle, on ne les coupe pas" a indiqué Gabriel Mola Motya
"Le secteur se porte très mal actuellement avec tout ce qui se passe au ministère de l'environnement, on ne sait pas trop ce qui va arriver. Au contraire, elle (NDLR : la vice-première ministre Ève Bazaiba) a mis du désordre, mettre de l'ordre signifie quoi ? La loi dit au plus tard le 31 septembre ou novembre, les sociétés doivent avoir leurs permis de coupe pour l'exercice prochain, nous sommes au mois de mars, c'est ça mettre de l'ordre ? Mettre de l'ordre c'est-à-dire quoi revisiter les contrats ? C'est ça mettre de l'ordre ?" s'est-il emporté.
Selon un rapport rendu public par le ministère de l’environnement et du développement durable, la commission chargée de revisiter les contrats d’exploitation a recommandé la résiliation de 30 contrats d’exploitation forestière. Ce rapport n’était pas encore disponible au moment de notre entretien avec le président de la Fédération des industriels du bois, ce que ce dernier déplorait vivement, mais Gabriel Mola Motya redoutait déjà cette issue et mettait en garde le gouvernement.
"Avec l'expérience que j'ai depuis que nous sommes à la FIB, je ne connais pas un seul procès que la RDC a gagné à l'extérieur. Il y aura des procès, contentieux sur contentieux (...). Le secteur se meurt, croyez-moi ! Je ne comprends pas vraiment, je n'ai pas jamais vu un gouvernement qui ne protège pas les investisseurs, les opérateurs économiques du moins dans le secteur forestier, ce n'est pas normal, quelqu'un qui a mis son investissement, il a 400, 500 travailleurs et vous voulez lui ravir la concession ?", s'est-il alors indigné.
Cet article fait partie d’une série d'enquêtes réalisée avec l’appui de Rainforest Journalism Fund, en partenariat avec Pulitzer Center.
Propos recueillis par Clément Mwamba