« Réparer les victimes, pas détourner les fonds », c’est l’intitulé d’un rapport du mouvement citoyen Filimbi (sifflet en swahili) qui charge les animateurs Fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO) de gestion financière opaque. FRIVAO gère une dotation exceptionnelle de 195 millions USD déjà versée par l’Ouganda sur les 325 millions USD fixés par l’arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) de février 2022 en réparation des préjudices causés lors de la guerre de six jours et entre 1998 et 2000.
Créé par le décret n°19/20 du 13 décembre 2019 pour une mission principale consistant à répartir les indemnisations individuelles et collectives aux victimes et aux entités (publiques et privées) qui ont subi les affres de la guerre de six jours entre 1998 et 2003, cet établissement public est accusé d’avoir prélevé 850 000 USD du compte logeant les fonds d'indemnisation des victimes pour ses propres dépenses et fonctionnement.
« Selon le rapport financier du FRIVAO couvrant la période du 1er janvier au 22 mars 2025, que nous avons pu consulter, un montant de 850 000 USD a été transféré du compte principal réservé exclusivement aux opérations d’indemnisation des victimes des activités armées de l’Ouganda en RDC — vers le compte de fonctionnement (compte 2). Ce prélèvement exceptionnel, présenté comme remboursable, a été effectué avec l’autorisation formelle de l’Inspection Générale des Finances (IGF) ainsi que l’avis favorable du ministère de la Justice, daté du 19 octobre 2024 », dit le rapport de Filimbi.
Cette somme censée couvrir six mois a été rapidement « dilapidée ». « Ce montant visait à couvrir les dépenses de fonctionnement de l’institution pour une durée de six (06) mois alors qu’il a été dilapidé en seulement quatre 04 mois », déplore le rapport.
Fonds dépensé en contradiction avec la prévision de répartition de dépenses
Filimbi est allé loin jusqu’à avoir la prévision de répartition de dépenses préétablie, qu’elle a comparé avec les dépenses faites au cours de la période allant du 1er janvier au 22 mars 2025 du fonctionnement du FRIVAO. Dans le tableau, les biens et matériels, les dépenses de prestation, le transfert et interventions, équipements, constructions et réfection devraient coûter respectivement 8.221,78, 64.098,28, 100,00, 18.564,98, 520,15 dollars américains, faisant un total de 210.442,76 USD.
Néanmoins, après seulement trois mois, les paiements effectivement réalisés se répartissent de cette manière : dépenses de personnel (233.091,00), dépenses de prestation (9.866,99), Indemnisation (11.900,00), Approvisionnement caisse (227.817,00).
Par ailleurs, Filimbi a fait savoir dans son enquête que la création des structures étatiques depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir « a conduit à une dispersion des ressources publiques, affectant le financement régulier de certaines institutions, dont le FRIVAO ».
A travers un communiqué, Lutte pour le Changement, un autre mouvement citoyen, a exprimé ses vives inquiétudes quant à la gestion de FONAREV et de FRIVAO, deux fonds créés par Félix Tshisekedi, pour la réparation des victimes et l’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda. Il a fustigé leur utilisation systématiquement « pour siphonner l’argent public au profit de quelques individus haut placés. Ce cynisme institutionnel est une insulte à la mémoire des victimes et un supplice de plus pour les survivants ».
En mai dernier, le député Flory Mapamboli avait adressé une question écrite au Coordonnateur de Fonds spécial de Répartition de l'Indemnisation aux Victimes des activités illicites de l'Ouganda en République Démocratique du Congo ou à leurs ayants droit (FRIVAO). L’élu de Kasongo-Lunda dit être en possession des informations faisant état de d’une gestion « peu orthodoxe » du Fonds. « Monsieur le Coordonnateur, je suis en possession d'un certain nombre d'informations faisant état d'une gestion peu orthodoxe des fonds destinés à l'indemnisation des victimes des atrocités des troupes ougandaises en République démocratique du Congo. Il ressort de mes sources qu'une bonne partie des fonds échapperait à votre gestion, en violation totale de l'article 4, alinéa 3 du Décret n°19/20 du 13 décembre 2019, qui confie à votre entité entre autres la tâche de « percevoir l'intégralité des fonds alloués à l'indemnisation des victimes », écrivait le député Flory Mapamboli.
Samyr LUKOMBO