Petit cours de "Françafrique" dans le temple de l'indépendance congolaise

Félix Tshisekedi et Emmanuel Macron
Félix Tshisekedi et Emmanuel Macron

"Regardez-nous autrement, sans regard paternaliste!", assène le président congolais Félix Tshisekedi. "On part d'un nouveau pas!", assure Emmanuel Macron.

Les deux dirigeants ont disserté sans ménagement samedi devant la presse, à Kinshasa, sur la fin de la "Françafrique" et le nouveau "logiciel" de la France avec le continent.

"Je l’ai encouragé à ce sujet parce que j’estime que la Françafrique est dépassée", a d'abord esquissé le président de la République démocratique du Congo dans un amphithéâtre chargé d'histoire du "Palais de la Nation".

C'est là que Patrice Lumumba, héros de l'indépendance, prononça son réquisitoire violent contre la colonisation belge, en présence du roi Baudouin, et que l'indépendance fut proclamée le 30 juin 1960.

Le président français achevait samedi en RDC une tournée dans quatre pays d'Afrique centrale placée sous le signe du "nouveau partenariat" qu'il entend construire avec le continent.

Le ressentiment antifrançais est de plus en plus marqué dans l'ancien pré carré de la France au Sahel, où les forces françaises ont tenté en vain de faire refluer le jihadisme depuis 2013 et ont fini par être accusées de tous les maux.

La Russie en a profité pour avancer ses pions et gagner en influence pendant que d'autres, de la Chine à la Turquie, en passant par l'Inde, s'imposent dans le commerce et l'économie.

- "Servir la soupe" - "Si la France veut être aujourd'hui en compétition avec tous les autres partenaires de l'Afrique, elle doit se mettre au diapason de la politique africaine et de la manière dont les peuples africains regardent désormais les partenaires de coopération", a averti Félix Tshisekedi.

Emmanuel Macron a été rattrapé par la "Françafrique" lors d'une brève escale vendredi à Brazzaville - trop courte selon ses hôtes - où le président Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis près de 40 ans, incarne plus que jamais l'héritage du passé.

Le chef de l'Etat a concédé s'être arrêté au Congo "parce qu’il ne faut humilier personne quand on fait une tournée", même si ses interlocuteurs ne sont pas toujours élus au "meilleur standard démocratique".

"On n'est pas là pour lui servir la soupe", a-t-il toutefois martelé. "On fait avec les dirigeants qui sont là avec respect (...) en constatant nos accords et nos désaccords et en disant ce qui ne va pas quand ca ne va pas, ce que j’ai fait hier", a-t-il dit.

Le président français était aussi attendu à Kinshasa sur des propos de son ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui avait qualifié l'élection controversée de Félix Tshisekedi de "compromis à l'africaine" en janvier 2019.

- "Double standard" - "Quand il y a des irrégularités (dans des élections en Occident), on ne parle pas de compromis à l’américaine, à la française", s'est emporté le président congolais en réponse à une question de la presse française.

"Regardez-nous autrement en nous respectant, en nous considérant comme de vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste, avec l’idée toujours de savoir ce qu’il faut pour nous", a-t-il martelé sous les applaudissements de la presse congolaise.

Emmmanuel Macron, s'immisçant dans le "ping pong" qui se déroulait sous ses yeux, a alors pris la défense de la presse française, au risque de passer pour un donneur de leçon auprès de son hôte.

"Je veux que vous sachiez que quand il y a des problèmes électoraux aux Etats-unis d'Amérique ou en France, la presse en parle, elle les dénonce (..) C'est le travail d’une presse indépendante", a-t-il pointé.

"Chez nous quand il y a des malversations politiques (..) il y a des procès, les gens sont condamnés. Ne croyez pas qu’il y ait un double standard", a-t-il assuré, déclenchant une salve de rires dans l'assistance.

AFP avec ACTUALITE.CD