RDC: des gourdes et foulards interceptés à Butembo ne sont pas des effets militaires, le tribunal acquitte tous les prévenus

Une tenue de FARDC

Le tribunal militaire de garnison de Butembo a acquitté mardi 23 août dernier trois prévenus accusés d’être impliqués dans l’affaire d’importation des effets militaires. Il s’agit d’un militaire et de deux civils, commerçants de profession, arrêtés début janvier après l’interception lors du dépotage d’un véhicule de marchandises de leur colis contenant des gourdes et foulards assimilés aux effets militaires. Après un mois de procès, les juges ont conclu que ces objets vendus dans des boutiques locales ne sont pas des effets militaires, mais plutôt des effets régulièrement portés par des civils. Ainsi les trois prévenus ont été déclarés non coupables et ont immédiatement été acquittés.  Compte-rendu d’audience.

Ouvert le 19 juillet dernier, ce procès portant sur l’affaire de l’interception des effets militaires n’a connu que quatre audiences. Quatre audiences au terme desquelles les cinq juges du tribunal militaire de garnison de Butembo ont été éclairés sur la nature des objets interceptés, début janvier 2022, assimilés aux effets militaires. Il s’agit de 100 pièces de gourdes et 100 pièces de foulards interceptées par des contrôleurs de de la Direction générale des douanes et accises (DGDA-Butembo) lors du dépotage d’un véhicule de marchandises dans leur entrepôt.

Saisi, l’auditeur du parquet militaire avait immédiatement mis la main sur trois personnes, notamment le sergent major Senga Mwenze, propriétaires des objets et deux commerçants, notamment Kambale Kighoma Mwenge et Kambale Kataburu Jackson de la ville qui avaient facilité leur importation, et les avait accusés d’importation et exportation des effets militaires. L’affaire avait été portée devant le tribunal.

Au cours des audiences, la défense s’est mobilisée pour démontrer qu’il ne s’agissait pas des effets militaires, mais plutôt des objets stylés, souvent portés par des civils, surtout des artistes musiciens. Selon la défense, ces gourdes et foulards avaient été commandés par le militaire Senga Mwenze qui comptait les revendre à ses collègues qui les ont appréciés après qu’il s’en était procuré dans une boutique locale de Butembo. Et les deux commerçants, Kambale Kighoma Mwenge basé à Butembo lors de la commande et Kambale Kataburu Jackson alors en Chine, n’ont facilité que l’importation.

Pour démontrer qu’il ne s’agit pas des effets militaires, à l’audience du 19 juillet, la défense a présenté au tribunal des effets civils multicolores semblables à ceux interceptés à Butembo, notamment une montre, un pantalon, une culotte et une chemise, des objets qu’ils disaient avoir acheté dans une boutique à Butembo. La facture versée au dossier. Aussi, ils ont présenté des photos capturées dans différents magasins de la ville sur lesquels on voit des gourdes, jackets et foulards similaires à ceux saisis être étalés et vendus. Enfin, ils ont présenté au tribunal une photo du gouverneur militaire du Nord-Kivu posant avec l’artiste musicien Koffi Olomide, habillé en boutines, pantalon, chemise et képis similaires à ceux des militaires.

Pour la défense, contrairement à ce qu’allègue le ministère public, ces objets ne sont pas des effets militaires, mais des vêtements civils vendus partout et portés par des civils et musiciens.

A l’audience du 9 août dernier, le tribunal a fait venir un expert pour déterminer la nature de ces effets. Il s’agit du major Mulundu Mwaza Dieudonné, responsable adjoint chargé de la logistique (T4) au sein du secteur opérationnel Sokola 1, axe Sud. Vantant son expérience de plus de 20 ans comme logisticien au sein de l’armée congolaise, l’officier a précisé que ces gourdes et foulards saisis ne sont pas des effets militaires, lesquels se distinguent des autres par des cachets et autres signes distinctifs ainsi que par la procédure de leur importation qui est faite uniquement par le gouvernement congolais. Le major Mulundu Mwaza Dieudonné a ajouté qu’à sa connaissance, il n’existe aucune circulaire ou décision interdisant la vente de ces effets. « Car s’il en existait une décision, ça ne se vendrait pas à ciel ouvert au vu et au su des officiers militaires », a-t-il soutenu, à en croire le jugement.

Dans son réquisitoire, le ministère public a demandé la condamnation du militaire propriétaire des objets saisis et l’acquittement de deux commerçants. Mais dans son jugement, le tribunal militaire de garnison de Butembo a acquitté les trois prévenus, déclarant non établie en fait comme en droit l’infraction d’importation de la chine pour la RDC des effets militaires. Ainsi le tribunal a ordonné leur libération et a clos le feuilleton judiciaire. Un feuilleton qui a trop duré suite à la réorganisation du tribunal militaire et des journées villes mortes vécues à la suite des manifestations anti-Monusco, a expliqué à ACTUALITE.CD l’avocat Jean-Marie Mayele, conseil du prévenu Jackson Kataburu.

Claude Sengenya