RDC-AFRIQUE : "IL EST TEMPS", une tribune réunit des survivantes des violences sexuelles de 12 pays 

Photo/ Actualité.cd
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Plus de 20 survivant.es de violences sexuelles liées aux conflits en Afrique participent depuis ce 22 novembre à Kinshasa à une rencontre organisée par des structures locales de 12 pays du continent, notamment la SOFEPADI, en partenariat avec Esclavage Conjugal en Temps de Guerre (CSW) et le Fonds mondial pour les Survivant.es (GSF). Témoigner et rédiger en sont les termes clés.  

L'événement intitulé "Il est temps : Tribune des survivant.es sur les réparations" vise à fournir une plateforme aux survivantes de violences sexuelles liées aux conflits à travers le monde pour partager leurs témoignages, perceptions et réflexions autour de la question des réparations et de leur participation au processus. Elle doit aussi permettre aux survivant.es, activistes, experts et autres parties prenantes de rédiger la Déclaration de Kinshasa sur les droits des survivant.es des violences sexuelles liées aux conflits.

"Il n'y a rien de plus urgent aujourd'hui dans notre pays, en République démocratique du Congo et d'autres de ce monde, que d'écouter les survivantes des violences sexuelles liées aux conflits. Avec cette tribune, elles/ils nous crient leur désespoir, pleurent leurs traumatismes et se battent courageusement pour leur droit. Le droit à la réparation est ancré dans les textes il faut maintenant faire en sorte de l'appliquer, de la meilleure manière qui soit, c'est-à-dire en leur permettant de décider ce qui est bon pour elles/eux et de co créer les programmes de réparations tant attendus. Cette tribune est une chance de les entendre. Les écouter serait une des plus belles formes de reconnaissance qu'on puisse leur offrir", a déclaré à cette occasion le Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, président et cofondateur du Fonds mondial pour les Survivantes. 

A Esther Dingemans, Directrice Exécutive du Fonds Global pour les réparations (GSF) de renchérir, « nous voulons aujourd’hui écouter les victimes, les survivant.es des violences sexuelles liées au conflit, surtout  sur les  questions de réparations. La réparation est en ce moment un droit pour les survivantes, reconnu à différents niveaux, national, international mais dans la réalité, elles n’en reçoivent pas. Et l’une des missions du GSF est de changer cette réalité. Cela passe par les plaidoyers auprès des Etats (qui doivent prendre les responsabilités), mais aussi à travers un vrai travail avec les survivant.es pour qu’elles puissent s’exprimer sur les thèmes silencieux comme les violences liées aux conflits. Cela aide les gouvernements à les écouter et se rendre compte qu’il est très urgent que les victimes reçoivent réparation ». 

Nécessité d’une loi avant le Fonds national

Pour aboutir d’abord à un Fonds national, après plusieurs plaidoyers et assises déjà menés au niveau du pays, Christelle Vuanga, députée nationale et présidente de la Commission Genre de l’Assemblée Nationale insiste sur l’importance de passer par un moyen législatif. 

« Afin d’assurer la durabilité d’un tel programme de réparation, il est essentiel qu’il soit institué par voie législative. Je comprends que nos ministres veulent aider, mais si cette proposition passe par une loi régulièrement adoptée à l’Assemblée Nationale, mêmes les générations futures trouveront cette loi et toutes les victimes seront indemnisées» a-t-elle spécifié lors de son intervention. 

Environ 80 participants sont attendus autour des survivant.es, notamment des représentants de la communauté internationale, des agences et organes des Nations unies et de l'Union africaine, des missions diplomatiques en République démocratique du Congo, des organisations de la société civile, des experts et universitaires et des autorités nationales et locales. Au nombre des invitées venues de l’étranger, on compte Diallo Asma, présidente d’une ONG en Guinée, créée à l’issue des évènements du 28 septembre 2009 au stade de Conakry et qui milite en faveur des réparations. 

« Nous attendons beaucoup de choses de la part des dirigeants africains. Ce qui me mets encore le plus à l’aise, c’est de savoir que cette activité est organisée à Kinshasa. Le double statut du président Tshisekedi va nous permettre de mener un plus grand plaidoyer pour que les présidents africains s’impliquent à changer l’histoire africaine. Que l’on puisse quitter ces cycles des violences, que nos populations vivent le bonheur dans leurs territoires et que les autres nations viennent vivre la paix durable» a-t-elle dit. 

En route pour une politique africaine de réparation

Cette activité connait également la participation du Panel qui accompagne le mandat de la RDC à l’Union Africaine. Pour le professeur Ntumba Luaba, président dudit panel, la mission de ces assises s’étale à toute l’Afrique. 

« Nous avons un président de la République, soutenu par la première dame, qui sont très sensibles aux questions de réparations par rapport aux violences sexuelles. En octobre dernier, nous avions tenu une table ronde inclusive nationale avec en perspective la création d’un Fonds national de réparation. Nous avons voulu saisir cette opportunité, au moment où le Chef de l’Etat est encore le président en exercice de l’Union Africaine pour pouvoir porter cette question de réparation au niveau de l’UA et que l’on puisse sensibiliser tous les Chef d’Etat et des gouvernements pour que l’Afrique ait une véritable politique de réparation holistique. L’occasion sera également saisie ce 25 novembre car nous allons accueillir plus de 07 Chefs d’Etats et des gouvernements pour la masculinité positive », dit-il.  

Par ailleurs, lors de cette tribune, des sujets tels que les besoins et les attentes des survivant. es de violences sexuelles liées aux conflits, la participation des survivantes à la conception, la mise en œuvre et le suivi des réparations, le rôle majeur de la société civile, des groupes de défense des survivantes ou de la communauté internationale, ainsi que la nécessité d'instaurer des programmes de réparations sensibles au genre et avec une forte dimension transformatrice.

Prisca Lokale