RDC/P-DDRCS : Tommy Tambwe est cité dans plusieurs rapports internationaux pour des crimes graves, sa nomination risque de compromettre les efforts de désarmement et de stabilisation, alerte HRW

ACTUALITE.CD
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L’organisation internationale des droits de l’homme Human Rights Watch (HWR) soulève des inquiétudes à propos de la nomination de Tommy Tambwe comme coordonnateur du programme tant attendu de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS).

Pour HWR, la désignation d’un ancien chef rebelle à ce poste risque de compromettre ce nouveau programme censé tourner la page des groupes armés dans l’est de la RDC.

« Cela fait des décennies que le pays a besoin d'un cadre de démobilisation efficace : retirer les armes des combattants, poursuivre les responsables de crimes graves et réintégrer le reste d’entre eux dans les communautés est essentiel pour mettre fin aux cycles de violence dans l'est du Congo. Mais la nomination par Tshisekedi de l'ancien chef rebelle Tommy Tambwe pour coordonner ce nouveau programme soulève de sérieuses inquiétudes. La nomination de Tommy Tambwe risque de compromettre les efforts de désarmement et de stabilisation », écrit HRW dans un communiqué ce vendredi 13 août.

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L’ONG affirme que la réussite de ce programme passe notamment par la confiance des communautés locales.

« Les tentatives successives de désarmement, démobilisation et réintégration des combattants dans la société congolaise ont échoué au cours des deux dernières décennies, malgré les millions de dollars injectés par les bailleurs internationaux. Des milliers de combattants qui s’étaient rendus ont finalement regagné la brousse tandis que des auteurs d’abus ont été récompensés par des promotions au lieu d’être tenus pour responsables. Pour réussir, ce nouveau programme a besoin de la confiance des communautés de l'est du Congo. Un mauvais départ risque d'en faire une nouvelle occasion manquée d'assurer la sécurité de la population de la région », affirme-t-il.

Ce dernier a également rappelé le passé sombre de Tommy Tambwe cité dans plusieurs rapports internationaux pour des crimes graves commis lors des plusieurs rébellions dont il  a fait partie.

« Tambwe a été l’un des chefs de file des principaux groupes rebelles soutenus par le Rwanda, responsables d'innombrables violations des droits humains dans l'est du Congo au cours des 25 dernières années. En 2002, lorsqu’il était vice-gouverneur du Sud Kivu administré par la rébellion du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), Amnesty International et Reporters Sans Frontières avaient relevé qu'il avait ordonné l'arrestation de journalistes qu'il jugeait critiques à l'égard de son mouvement. En 2012, des enquêteurs des Nations Unies ont rapporté que Tambwe dirigeait l'Alliance de Libération de l'Est du Congo (ALEC) tout en ayant « trouvé protection au Rwanda ». Le groupe était allié à la rébellion du M23, responsable de crimes de guerre généralisés, notamment des exécutions sommaires, des viols et des recrutements forcés », rappelle HRW.

La nomination de Tommy Tambwe est fustigée par plusieurs activistes de droits de l’homme dont le Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege, qui milite de la justice transitionnelle pour les crimes graves commis dans l'est du pays et qui parle de la « gratification des criminels au lieu de les traduire en justice ». Human Rights Watch s’inscrit en faveur d'un mécanisme d’assainissement visant « la mise à l’écart des institutions publiques des personnes responsables de violations des droits humains ».

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Contexte

Le 4 juillet dernier, le Chef de l'État Félix Tshisekedi avait signé de l'ordonnance portant création, organisation et fonctionnement du Programme de désarmement, démobilisation, relèvement, communautaire et stabilisation (P-DDRCS) par le Chef de l'État Félix Tshisekedi. C’est Tommy Tambwe Rudima qui avait été porté à la coordination de ce service rattaché à la Présidence de la république, secondé par le colonel Pierre Égide Bosale Ekilingai comme coordonnateur national adjoint chargé des questions techniques et opérationnelles, et Patricia Umbele Ntuka comme coordinatrice nationale adjointe chargée des questions administratives et financières.

Tommy Tambwe a œuvré au sein des rébellions appuyées par le Rwanda notamment le RCD-Goma et le M-23. Sa nomination est fustigée par plusieurs activistes de droits de l’homme dont le Prix Nobel de la Paix Denis Mukwege qui milite pour la justice transitionnelle pour les crimes graves commis dans l’est de la RDC. 

Le P-DDRCS a pour objectif de promouvoir la stabilité par la réintégration des ex combattants dans la vie civile au sein des communautés et non pas au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, dans une logique de rétablissement de la cohésion sociale grâce au développement économique durable et au soutien de leurs moyens de subsistance, conformément aux plans de développement local et au processus de planification participative.

Né de la fusion du Programme national de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion en République Démocratique du Congo (PN-DDR) et du Programme de Stabilisation et Reconstruction des Zones sortant des Conflits Armés (STAREC), le P-DDRCS s'inscrit dans une stratégie globale de stabilisation et de prévention des conflits en priorisant le renforcement du développement économique et social ainsi que la sécurité à long terme mais également s'articule sur la stratégie conjointe de retrait progressif de la MONUSCO et s'inscrit en cohérence avec les initiatives de stabilisation et de développement réalisées notamment en application de l'Accord cadre d'Addis Abeba, ainsi que celle de la stratégie nationale des préventions des conflits, de stabilisation et de renforcement de la résilience des Communautés.

Le P-DDRCS est doté des fonds émargeant au Budget de l'Etat ainsi que de tous dons et financements des partenaires et organismes intéressés à sa mission. Il comprend dans sa structure, le comité de pilotage ; la coordination nationale ; le comité technique ; des coordinations provinciales et des antennes territoriales.

Fonseca MANSIANGA