Carte blanche.
La loi sur la CENI déferle la chronique au point que, dans l’opinion, la réforme de la CENI est réduite à sa « dépolitisation ». Que comprendre alors de la dépolitisation de la CENI ? Dans tous les cas, si l’opinion s’est prononcée pour une réforme de la CENI, c’est parce que les différents cycles électoraux ont compromis sa mission, celle d’être indépendante, impartiale et neutre[1][1]. Est-ce la dépolitisation se traduit par une composition exclusive ou majoritaire des animateurs de la société civile dans l’architecture de la CENI ? Ou encore rime-t-elle avec sa mission d’organiser les scrutins en toute impartialité, neutralité ou indépendance?
Hélas, cette réforme a pris une autre trajectoire. L’épicentre des débats sur la réforme de la CENI est la dépolitisation. S’il faut comprendre la dépolitisation comme une manière de réduire l’influence des acteurs politiques à l’emprise de la machine électorale, la société civile serait sur la bonne voie. Malheureusement, certains acteurs de la société civile sont devenus des relais des acteurs politiques et donc politisés à outrance. Espérons-nous que la dépolitisation de la CENI serait effective dans ce contexte ? N’est-ce pas un leurre ?
A ce stade, nous nous inscrivons sur la mission de la CENI. Nous prônons une CENI indépendante, impartiale et neutre. Ici aussi, une opinion consacre la dépolitisation de la CENI comme si elle rimait à l’indépendance, l’impartialité, la neutralité pour concourir aux scrutins transparents, acceptables par tous. Loin de nous de partager cet avis. La CENI ne sera pas indépendante si elle doit continuer à faire des courbettes au Gouvernement pour avoir les moyens d’organiser les élections, de faire les yeux doux à certains membres du Gouvernement pour honorer les frais des loyers. Sans prétention de vider les questions des réformes, le Parlement devrait militer pour la matérialisation d’un budget propre à la CENI sous la forme de dotation conformément à l’article 6 de la loi portant organisation et fonctionnement de la CENI. Il faut consacrer une indépendance structurelle par l’autonomisation administrative et financière de la CENI et une indépendance d’esprit calibrée sur le respect des lois.
Nous militons pour l’impartialité de la CENI à l’image d’un arbitre de football qui peut être supporteur d’une équipe mais sur terrain doit arbitrer sans parti pris. De même une CENI neutre pourrait nous préserver des aléas électoraux si ses agents sont dictés par l’intérêt du service public dépouillé des convictions politiques. Un cadre légal pour encadrer les agents électoraux serait une plus-value à la réforme.
Enfin, l’architecture des membres de la CENI telle que votée à la chambre basse du Parlement a marginalisé la société civile dans la mesure où bien qu’elle a eu un quota supplémentaire sa situation demeure statu quo au niveau du Bureau de la CENI. Pour raison d’équité, la société civile mérite au moins une unité supplémentaire au bureau de la CENI pour rééquilibrage des composantes.
Paul KABEYA MUKENGE
Secrétaire Exécutif Permanent du RODHECIC[2]
[1] Art 9 de la Loi organique modifiant et complétant la Loi N° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commissions Electorale Nationale Indépendante : « La CENI a pour mission d’organiser, en toute indépendance, neutralité et impartialité des scrutins libres, démocratiques et transparents ».
[2] Réseau d’Organisations des Droits Humains et d’Education Civique d’Inspiration Chrétienne