Coordonnatrice des Jeunes Chefs d’Etat, défenseure de la Charte de l’Union Africaine, promotrice des droits des jeunes et entrepreneure, Iris Nzolantima est aussi porteuse du projet « Parlons Menstrues ! » qui a représenté la RDC à la semaine de vulgarisation sur l'hygiène menstruelle initié par le Bangladesh. Interview
Bonjour Madame Iris Nzolantima et merci d’avoir accepté de nous accorder de votre temps. Vous avez initié une campagne dénommée « Parlons Menstrues ». De quoi s’agit-il ?
Iris Nzolantima : parlons menstrues, c’est un projet que j’ai lancé fin 2015. C’était à la suite du refoulement de certains congolais du territoire Brazzavillois. Un groupe des jeunes avait pris l’initiative de leur apporter de l'aide et comme je nourrissais déjà ce projet de distribution gratuite des serviettes hygiéniques, je me suis associée à eux et j’ai accepté de couvrir les besoins des serviettes hygiéniques. Nous étions même accompagnés par monsieur Vidiye Tshimanga. C’est à partir de là que j’ai décidé de mettre en place la fondation House of Irico, dont le projet Parlons Menstrues.
Quelle est sa mission ?
Iris Nzolantima : sensibiliser, éduquer, impliquer et autonomiser sont le moteur de « Parlons Menstrues ». Il est important de rappeler que chaque jour 300.000.000 de femmes ont leurs règles. La précarité menstruelle consiste à ne pas avoir accès aux protections périodiques. Ce phénomène touche 60% de femmes au Congo. Nous voulons ainsi briser le silence, éduquer sur l’hygiène menstruelle, mais aussi lutter contre cette précarité menstruelle. Nous voulons restaurer les droits des femmes par le droit de disposer de leur corps, réduire les inégalités dues au manque des protections périodiques.
Six ans plus tard, quelle évaluation faites-vous de vos actions ? Comptez-vous organiser une nouvelle campagne ?
Iris Nzolantima : en 2016, 2017, 2018, et 2019 nous avons fait une campagne de sensibilisation sur le même sujet. L’année 2020 a été perturbée avec la Covid-19, nous n’avons pas organisé des descentes de terrain. Nous avons cependant produit 500 bracelets périodiques et mené une campagne en ligne. Nous avons travaillé deux années durant avec nos propres fonds et cette année, nous avons trouvé des partenaires qui vont nous accompagner. J’ai également présenté le projet au Chef de l’Etat lors de la journée internationale des droits des femmes, où il a reçu des femmes d’exception. Après le drame qui est survenu dans la ville de Goma, suite à l’éruption Volcanique du Nyiragongo, ParlonsMenstrues en solidarité avec YouthGender, va apporter son soutien aux compatriotes de Goma, avec notamment la subvention d'un lot de protections périodiques.
En 2019, à la suite de l'obtention d'un diplôme sur le modèle Union Africaine, vous avez été plébiscitée Défenseure des jeunes pour l'initiative #1mBy2021 de l'UA. Que signifie le "Modèle Union Africaine" ? En quoi est-ce différent de l'initiative #1mBy2021 ?
Iris Nzolantima : le Modèle Union Africaine (MUA) est une simulation de l’Assemblée générale extraordinaire des chefs d’Etats et des gouvernements qui a lieu une ou deux fois l’an au sein de l’UA. Ce modèle veut transmettre les compétences de leadership, de travail en équipe, du débat en public, de la diplomatie, ainsi que la prise de décisions sur les questions de haut niveau continental aux jeunes et tous les participants. C’est un programme mis en place par le tunisien Hamza GHEDAMSI et partagé avec l’Union Africaine. J’ai été bénéficiaire de cette formation en 2019 avec 150 autres participants venus de différents pays africains, organisée par la division Jeunesse de l’Union africaine pour transmettre l’engagement citoyen. Ce projet nous a positionné en tant que défenseurs de l’initiative #1mBy2021 de l'UA avec l’objectif d’atteindre un million des jeunes engagés sous formats de plateformes d’engagement, de tables rondes, de structures en Afrique. Mon équipe et moi avions proposé la mise en place des plateformes d’engagement où chaque pays auraient engagé plus au moins 20.000 participants pour atteindre l’objectif en 2021. Et cette année, nous réalisons que le programme a été implémenté avec succès. Nous sommes passés à la Charte africaine qui met en valeur la promotion et le développement de la jeunesse, le fonds pour la jeunesse aussi. Le programme veut que nous amplifions la voix, le plaidoyer et les politiques pour que la charte africaine de la jeunesse soit signée, ratifiée et promulguée par les pays membres de l’Union africaine pour qu’elles soient mises en application. Et donc, le modèle promeut le renforcement des capacités, la transmission des compétences en la jeunesse alors que l’initiative #1mBy2021mobilise des plateformes, travaille sur l'engagement civique.
Lors de la visite du président Botswanais en RDC, Monsieur Mokgweetsi Masisi, vous avez lu un discours-plaidoyer. Parlez-nous en quelques mots de ce discours ?
Iris Nzolantima : sous ma casquette de défenseure de la Charte africaine de la jeunesse, j’ai eu l’opportunité de rencontrer le président de la République lors de l'événement des femmes d’exception, j’ai fait savoir ma mission au sein de l’Union africaine avec mon colistier Smith Etumba qui collabore avec moi dans cette mission. J’avais en même temps fait la demande au Chef de l’Etat, en tant que président en exercice de l’Union Africaine de nous accorder de la voix pour faire le plaidoyer auprès des autres présidents africains afin que la charte soit signée. C’est ainsi que nous avons été conviés lors de la visite du président Mokgweetsi Masisi, en accord avec les autres défenseurs de la Charte au Botswana, (Bonolo Magowe et Dumi Gatsha) que nous avons porté leurs voix auprès du président du Botswana, en lui demandant, comme son pays n’avait ni signé, ni ratifié, ni promulgué la Charte, de faire tout le processus. La jeunesse africaine ne pourra pas jouir pleinement de ses droits et pouvoir se développer aussi longtemps que la Charte ne sera pas appliquée par leurs pays.
Quels sont les défis auxquels fait face la jeunesse pour son épanouissement dans tous les secteurs en RDC selon vous ? Comment y remédier ?
Iris Nzolantima : en RDC, les jeunes sont butés à un problème d’accès au financement ou de l’accompagnement d’une banque. Il y a également un déficit dans le renforcement des capacités des jeunes. Ces derniers n’ont pas de notions de base pour monter une société, comment payer les taxes (des taxes liées à une SARL ou SPRL), les engagements de l’entrepreneur vis-à-vis de l’Etat et de ses employés (…). C’est donc difficile pour la jeunesse de pouvoir se développer sans ces éléments. Pour y remédier, je pense qu’il faudrait mettre en place des sessions de formation entre les institutions privées, publiques et les entrepreneurs (les jeunes), réduire les taxes (les réunir par exemple et créer une taxe annuelle qui permettra aux entrepreneurs de générer les fonds et payer cette taxe). En 2 deux ans, on peut transformer une jeune en une personne mature, responsable et engagée pour son pays et sa communauté. Le Fonds de garantie mis en place par le Chef de l’Etat, est déjà un point de départ pour le financement des projets des jeunes, mais il y a aussi les programmes de leadership que nous allons mettre en place.
Vous êtes en même temps, initiatrice du projet Jeunes Chefs d’Etats. De quoi s’agit-il exactement ? Quels en sont les objectifs ? Avez-vous délimité le temps pour l’atteinte de chacun d’eux ?
Iris Nzolantima : à l’issue de la formation à l’Union africaine, la mission principale qui nous était confiée était d’engager au moins 100 jeunes. Il fallait mettre en place soit une plateforme, soit travailler avec ceux qui disposaient déjà des associations. C’est à travers cette méthode que JCE a été mis en place. Monsieur Amza Kemdazi, d’autres collègues et moi avons formé les jeunes membres de JCE sur le modèle de l’Union africaine, sur un format léger. La Covid-19 ne nous a pas permis d’organiser des séances de simulation comme cela est recommandé, néanmoins, ils ont appris les éléments de base. Nous visons donc actuellement de former au moins 1.000 jeunes par session, ils seront répartis sur 13 provinces de la RDC d’ici le mois de juin. En premier lieu, 100 jeunes seront formés pour ensuite former à leur tour les autres jeunes.
Combien de membres comptez-vous actuellement ?
Iris Nzolantima : nous comptons environ 700 membres pour le compte des Jeunes Chefs d'État (JCE). Nous avons 6 groupes WhatsApp et un groupe Télégram qui réunit tous les membres. Il y a aussi les membres sympathisants, ceux qui nous accompagnent dans nos différentes activités.
Un dernier mot ?
Iris Nzolantima : lorsque la préparation rencontre l’opportunité, il y a succès. Je demande aux jeunes femmes de se dresser en modèles de leadership, de savoir que c’est en étant solidaire que nous pouvons construire un monde égalitaire et émergent.
Par ailleurs, Iris Nzolantima a été banquière, chargée des relations publiques et Marketing pour une société en Afrique du Sud. Elle travaillé également pour l’Entreprise Total dans le service Marketing et Communication.
Propos recueillis par Prisca Lokale