Dignité, justice et réparation sont les seules réponses appropriées face au négationnisme de Kagame
Paul Kagame a nié l’existence des crimes commis par les troupes rwandaises dans l’Est de la République démocratique du Congo. C’était lors d’un entretien accordé, le lundi 17 mai, aux médias français RFI et France 24. Le président rwandais a également contesté la justesse des conclusions du Rapport du projet mapping du Haut-commissariat des Nations unies aux Droits de l'homme (HCNUDH). Des propos accueillis dans l’indifférence totale et le silence assourdissant du gouvernement congolais et ce, malgré une grande protestation et une immense indignation des Congolais toutes tendances confondues face à cette énième tentative de négationnisme érigé en stratégie de politique étrangère.
Les annales de l’Histoire retiennent cependant, de manière factuelle, que, à titre indicatif, du 5 au 10 juin 2000, les armées rwandaise et ougandaise se sont affrontées à Kisangani, sur le sol congolais, tuant un millier de civils, pillant et détruisant des biens. Ces faits sont indéniables et incontestables. Ils sont ainsi inscrits dans la mémoire collective congolaise. Et les victimes de ce qu’on appelle communément la « guerre de six jours » et leurs familles continuent d'exiger justice, vérité et réparation. En 2005, la Cour internationale de justice avait d’ailleurs reconnu la responsabilité de Kampala dans les exactions commises par ses troupes entre 1997 et 2003 dans la partie Nord-Est de la RDC, mais ne s’était pas prononcée sur le cas du Rwanda, Kigali ne reconnaissant pas sa compétence.
Aujourd’hui, les propos du président Kagame n'ébranlent ni des faits suffisamment documentés ni la détermination des victimes d’obtenir un jour justice. Ils marquent en revanche une profonde régression par rapport aux avancées des conversations sous-régionales, notamment dans le cadre des mécanismes de suivi de l'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, dit Accord d'Addis-Abeba.
La tentative consistant à minimiser la portée des massacres perpétrés en RDC, y compris par les forces armées rwandaises ou leurs supplétifs locaux, ne sert ni la paix, ni la sécurité et la coopération régionale. Elle ne parvient pas non plus à démentir des faits largement documentés depuis vingt ans tant par la société civile et le gouvernement congolais dans ses livres blancs que par des instances internationales, à l’instar de l’ONU.
Kasika, Makobola, Tingi-Tingi, Mbandaka, Kisangani sont des espaces où ont été perpétrés des massacres sur le sol congolais. Ce ne sont que des exemples du lourd tribut que paie la population congolaise après avoir accepté de recevoir sur son sol des réfugiés rwandais, fuyant le génocide. Ces milieux et les massacres qui s’y sont déroulés restent des cicatrices que des Congolais patriotes portent dans leur chair et qu’ils n’oublieront sous aucun prétexte fallacieux.
Les morts congolais méritent le respect. Les femmes violées méritent le respect. Les familles endeuillées, les enfants traumatisés et les communautés désarticulées méritent respect, justice et réparation. L’indifférence a trop duré ! Depuis plus de vingt ans, des morts congolais se comptent par centaines de milliers, mais nos propres dirigeants et la communauté internationale font la sourde oreille ou ne réagissent guère à la hauteur de cette situation dramatique. En face, Paul Kagame, lui, ne s’arrête plus à mépriser nos morts et nos souffrances, il s’en prend désormais au Docteur Denis Mukwege, prix Nobel 2018. Une posture qui laisse transparaître sa peur face à un homme mondialement reconnu pour son engagement auprès des victimes congolaises. Mais cela ne suffira point, car Dr Mukwege est simplement aux prises avec les stigmates des victimes et demeure le porte-voix, dans le bouillonnement silencieux, des millions des Congolais.
Avec force, nous disons non au négationnisme ! Il s’agit ici d’une évidence que les propos blessants de M. Kagame, truffés de déni, ne peuvent rien changer. Face à cette ignominie, se battre pour que justice soit rendue un jour au nom des victimes doit devenir désormais une cause nationale. Cette tribune, c’est pour que nul ne l’ignore et pour la postérité. Qui d’autres que nous, si ce n’est pas à nous de nous indigner contre les mensonges du président Kagame. Qui d’autres que nous, si ce n’est pas à nous d’appeler les autorités congolaises à rompre le silence et à réagir. Notre indignation tout comme celle des Congolaises et Congolais qui fourmillent d’une colère légitime marque une nouvelle page dans la prise de conscience, dans la lutte contre la falsification de l’histoire et sa réécriture au gré de sentiments et non de la vérité historique.
Les faits et la vérité sont têtus et nous sommes confiants qu’un jour les responsables des crimes et massacres des citoyens congolais répondront de leurs actes. Ce jour arrivera. Le Congo n’oubliera pas. Nous n’oublierons jamais le sang de nos frères et sœurs qui continue à crier en nous et qui criera pour nos enfants. Vingt ans de silence coupable, de mensonge, de pillage, de vol et de viol ne disparaîtront pas du fait de quelques mots prononcés devant des journalistes. Nos morts sont présents en nous et alimentent chaque jour notre soif de justice et de vérité. Nous en sommes convaincus, un jour face à l’Histoire, mort ou vivant, chacun rendra compte de ses crimes, n’en déplaise à M.Kagame. Car la dignité, la justice et l'honneur d'un peuple n'ont pas de prix.
Signataires
Jacquemain Shabani Lukoo, avocat et Président de la Commission Électorale Permanente de l'UDPS
Fred Bauma, activiste
Mohombi Moupondo, artiste engagé
Jean-Claude Mputu, professeur des universités
Floribert Anzuluni, activiste
Trésor Kibangula, analyste politique
Claudel André Lubaya, député national
Delly Sesanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu, député national
Christelle Vuanga, député national
Juvénal Munubo, député national
Jean-Jacques Lumumba, activiste
Dismas Kitenge, défenseur des droits de l’Homme
Nick Elebe, juriste, écrivain et expert en droit international pénal
Sinzo Aanza, écrivain
Jean-Claude Tshilumbayi, député provincial
André Mbata, député national
Florimond Muteba, professeur des universités
Yangu Kiakwama, activiste
Yves Makwambala, activiste
Vianney Bisimwa, activiste
Bob Kabamba, professeur des universités
Paulisi Muteba kcreascence, activiste
Eliezer Ntambwe, député national
Ados Ndombasi, député national
Bienvenu Matumo, doctorant et militant
Justin Bahirwe, avocat
Maud-Salomé Ekila, activiste
Jean-Claude Maswana, professeur des universités
Rebecca Kavugho, activiste
Rev. Eric NSENGA, coordonnateur national du Consortium des confessions religieuses pour la Justice transitionnelle en RDC
Tatiana Mukanire, activiste
Kambale Musavuli, activiste
Chris Shematsi, juriste
Vava Tampa, activist, Save the Congo
Jean-Claude Maswana, professeur d'économie
Roger Puati, théologien, philosophe, historien et auteur
Alphonse Maindo, professeur de science politique
Christian Liongo, fiscaliste, Président Africa Rise
Blaise Pascal Zirimwabagabo Migabo, enseignant de droit, Université Officielle de Bukavu
Providence Ngoy W, doctorant en Droit, Université de Genève
Youyou Muntu Mosi, activiste
Bénédicte Kumbi Ndjoko, historienne, chargée d'enseignement, Activiste des droits humains
Dom-Martin Puludisu, chercheur, Université Paris II
Hygin-Hervé Luwawu, ICT Specialist
Célestin Mputu, juriste spécialiste en droits humains
Garry Iwele, journaliste et défenseur des droits humains
Jonathan Mboyo Esole, professeur des universités
Jacques Issongo, activiste
Chantal Faida, activiste
Madame Eugénie Kikango, juriste
Joseph BAYOKO LOKONDO, activiste
Fabien Mayani, défenseur des droits humains
Jean Pierre Okenda, avocat
Jimmy Kande, activiste
Francine Mukwaya, activiste
Freddy KASONGO, activiste et défenseur des droits de l’homme
Patrick Mbeko, géopoliticien, auteur
Marie Madeleine Kalala, militante droits des femmes
Jimmy Munguriek, avocat activiste
Alesh, artiste et activiste