Pourquoi l’insécurité persiste à Beni ? : « le problème est essentiellement militaire, l’armée est minée par la corruption, l’affairisme et l’impunité », dit Grégoire Kiro (Interview)

Une maison désertée au village Masuku dans le territoire de Beni/Ph ACTUALITE.CD

Depuis six ans, la situation sécuritaire à Beni (Nord-Kivu) demeure préoccupante suite aux tueries persistantes des civils par les combattants d’Allied democratic forces (ADF). Depuis le début de cette année 2021, plus de 50 personnes ont été tuées dans diverses attaques. Le député national Grégoire Kiro, élu de la ville de Beni qui s’est confié à ACTUALITE.CD, a exprimé à son indignation face à l’inaction des autorités nationales et de l'indifférence de la communauté internationale en rapport avec cette crise sécuritaire. Il parle également de l’affairisme des militaires déployés dans la région pour combattre les forces négatives.

Pourquoi la situation sécuritaire dans l'est du pays, précisément à Beni, demeure toujours préoccupante malgré les multiples efforts déployés depuis des années ?

Le problème est essentiellement militaire. Les FARDC sont minées par les mêmes maux qui rongent la société congolaise : corruption et affairisme de certains responsables, impunité, etc. En plus elles manquent cruellement des moyens logistiques et nos militaires au front souffrent et n'ont même pas le minimum, sans compter qu'elles sont un amalgame de plusieurs groupuscules réunis à l'occasion des mixages et brassages. Notre armée, dans sa configuration actuelle, est malheureusement inefficace et doit être réformée. Mais en attendant, que faire ? Peut-être faire appel à une armée étrangère pour épauler la nôtre. On pourrait aussi envisager de mettre la population à contribution en lui apprenant l'autodéfense, qui lui permettrait de participer à sa propre sécurité sous l'encadrement des FARDC bien sûr. Autre volet à actionner, la diplomatie car tout le monde sait que certains de nos voisins participent activement à la déstabilisation de l'est de la RDC. 

D'aucuns pensent que certaines autorités sont complices de cette situation d'insécurité. Qu’en pensez-vous ?

Des complicités internes, il y en a forcément à tous les niveaux. Voilà pourquoi au RCD/K-ML nous avons toujours demandé une enquête internationale qui permettra d'y voir plus clair car beaucoup de choses se disent et les accusations croisées en ce qui concerne les auteurs et leurs complices. Nous avons toujours demandé que la CPI s'implique dans ce dossier et personnellement j'ai rencontré la Procureure Fatou Bensouda deux fois et je me demande bien ce qui se cache derrière cette sorte d'indifférence sur le cas de Beni alors que la justice internationale s'est déjà intéressée à des situations moins dramatiques.

Est-ce que la présence de la force onusienne en RDC est toujours indispensable malgré la recrudescence des violences ?

Les autorités congolaises ont l'obligation constitutionnelle d'assurer la sécurité et l'intégrité territoriale du pays. C'est à elles que revient la lourde tâche de réformer l'armée et les services de sécurité, de trouver les moyens nécessaires qui permettront à l'armée d'être assez dissuasive pour que tous ceux qui ont l'ambition de déstabiliser notre pays réfléchissent par deux fois avant de tenter une quelconque aventure chez nous. La MONUSCO a un mandat du Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui lui demande non seulement de sécuriser la population civile, mais aussi de traquer les groupes armés qui sèment la désolation. Si elle exerçait réellement son mandat, on n'en serait certainement pas là. Cependant nous ne pouvons pas ignorer que les forces de la MONUSCO viennent en appui à nos forces de sécurité et qu'elles jouent un rôle important en termes de renseignement, de localisation de l'ennemi et de logistique. Donc, au stade actuel, envisager un départ anticipé des forces des Nations-Unies me paraît assez risqué, mais elles doivent exercer réellement le mandat qui est le leur.

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Interview réalisée par Ivan Kasongo