« Covid-19 : le Ministre (avec M Majuscule) et le Professeur (avec P Majuscule), la chronique littéraire du Prof Yoka  

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CHRONIQUE  LITTERAIRE: Confidences du chauffeur du Ministre

Mon patron, le Ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques (à prononcer avec respect…) n’en revient pas, concernant les statistiques fluctuantes    de Covid-19 au pays. C’est, comme disent les Kinois, du  yoyo- ‘’mata-kita’’ !.. Pour en avoir le cœur net, le Ministre ( avec M Majuscule) a invité en sa résidence un des Professeurs (avec P Majuscule) les plus émérites en matière de recherche scientifique. Les yeux dans les yeux, et sans témoin (sauf le chauffeur), mon patron de Ministre a soumis le Professeurrrrr (roulez la dernière syllabe avec respect…) à une interview serrée, mais conviviale et convenue. Le Ministre m’a fait signe de tout filmer, comme c’est la mode actuellement à Kinshasa avec les appareils androïd, et en toute discrétion. Voici donc l’intégralité de l’échange, tel qu’enregistré :

« LE MINISTRE : Professeur, bonjour. Heureux de faire votre connaissance. Que devrions-nous retenir de votre parcours ?

LE PROFESSEUR : Excellence, c’est un plaisir partagé d’échanger avec vous. C’est, pour ma modeste personne, une rencontre emblématique, celle du Prince avec le Scribe, celle du Pouvoir avec la Science, celle du politique avec le chercheur, celle du laboureur avec le semeur, celle du gestionnaire du présent avec le gestionnaire du futur, celle de…

LE MINISTRE : … d’accord, d’accord, Professeur. Revenons, s’il vous plait, à votre parcours…

LE PROFESSEUR : … mon parcours biographique et  professionnel est, modestie mise à part, un livre d’histoire. Un long fleuve tranquille, secoué de temps en temps par des tumultes intempestifs. Histoire de ce jeune homme venu du fond de la brousse et qui a franchi avec brio tous les obstacles de la vie scolaire, universitaire, postuniversitaire, post-post-post-universitaire, jusqu’à se faire adouber   par ses supérieurs académiques, et d’être choisi comme responsable principal  des laboratoires expérimentaux de pointe ici et ailleurs.

LE MINISTRE : Ah ! Intéressant. Je vais droit au but. Que pensez-vous de la riposte chez nous contre le Covid-19 ?

LE PROFESSEUR : D’abord, sauf votre respect, Excellence, on dit LA COVID-19, et non LE COVID-19. L’Académie Française qui, comme vous savez, est la police des polices des mœurs grammaticales françaises, a tranché : le fléau est du féminin…

Savez-vous, Excellence, que ce virus, comme les autres auparavant, est le résultat des tripatouillages  génétiques. On a transformé les herbivores en carnivores, les mâles en femelles, les femelles en mâles,  la plante   bio en OGM. Un peu comme les manipulations finalement échappées au contrôle des laboratoires, la Covid-19 serait le croisement raté entre la chauve-souris et le pangolin. Et donc, du point de vue des investigations et de la traçabilité  en vue de détecter les germes du vaccin, il faudrait extraire des cellules constitutives  et les traiter en anticorps. Nous avons donc exceptionnellement remis en couple et en concubinage, in vitro,  la chauve-souris et le pangolin ; puis nous avons pu, en plein orgasme, recueillir des  bribes de spermatozoïdes comme potentielles molécules immunitaires. Ensuite…

LE MINISTRE : Hm…Prof, je ne suis pas sûr d’avoir compris ; peu importe : sommes-nous sur la bonne voie ?

LE PROFESSEUR : Ah,  question difficile.  Excellence, maintenant ou jamais, il nous faut nous armer de doute méthodique. Observer attentivement, douter radicalement, se tromper de temps en temps, revenir souvent à la tâche, partager constamment les erreurs (l’expérience n’est-elle pas l’addition des erreurs ?), et rentabiliser avec générosité  les succès, contrexpertiser les succès, voilà les clés de la recherche scientifique. Et donc…

LE MINISTRE : …d’accord, d’accord ; j’espère avoir bien compris. Sommes-nous sur la bonne voie, Professeur ?

LE PROFESSEUR : …oui et non. Je dis OUI parce que nous disposons d’un    personnel scientifique compétent, et  d’un potentiel de ressources bio à valeur pharmaceutique et sanitaire ajoutée. Je dis NON, parce que nous avons tous négligé les préalables initiatiques : le recours au génie  de nos ancêtres en vue des appropriations des savoir-faire endogènes comme autant de codes de ripostes adaptées et de guérisons.

LE MINISTRE : Hm… J’espère  vous avoir bien compris. Que pensez-vous des statistiques ?

LE PROFESSEUR : les statistiques, c’est comme les bikinis ;  ça donne des idées et des fantasmes,  mais ça cache l’essentiel…

LE MINISTRE : Hm…  J’espère avoir bien compris. Professeur, je voudrais vous poser des questions à caractère plutôt personnel : avez-vous peur de la mort ?

LE PROFESSEUR : Ah, question difficile… Dans mon métier,  comme en politique,  il ne faut pas se tromper d’adversaire. J’ai fait d’une ennemie ma compagne. Mais la mort, comme la politique, reste une compagne imprévisible, indomptable, capricieuse ; une putain !

LE MINISTRE : dernière question, Professeur : à qui ou à quoi voudriez-vous ressembler après la réincarnation, si vous y croyez ?

LE PROFESSEUR : Ah, question difficile. ..J’aimerais peut-être alors ressembler à la chenille. Chaque matin, à l’aube, la chenille joue au quitte ou double, à la vie et à la mort ;  elle vient vérifier au seuil de son nid si  elle est déjà  devenue papillon,  ou  si elle est déjà  morte… »

(YOKA lye).

20 mai 2020