Me Graces Muwawa assure la chronique judiciaire sur ACTUALITE.CD et anime le Desk Justice de la rédaction. Aujourd’hui, il apporte son appréciation personnelle de la première audience du lundi 11 mai 2020 dans l’affaire Ministère public c/ V. KAMERHE et consorts
Pour le premier prévenu, M. JAMMAL, on peut d’abord noter l’agitation dans son chef, une grande agitation au point qu’en lieu et place de suivre attentivement l’interrogatoire du tribunal, il s’empressait de répondre aux questions qui ne lui avaient pas été posées, en faisant des déclarations qui risquaient de tourner contre lui. Ça dénote de l’impréparation. Il devait être bien préparé pour cette instruction audience.
Par ailleurs, contrairement à ce que pensent d’aucuns, je pense humblement que M. JAMMAL n’a commis aucune faute en disant au tribunal qu’il ne maitrisait pas la langue française, et qu’il souhaitait être interrogé en langue arabe. Il y va de son droit le plus légitime, et de son intérêt, de faire savoir au tribunal la langue dans laquelle il désire être entendu. Ce n’est pas en vain que le tribunal demande au prévenu de dire la langue de son choix pour être interrogé. Et même s’il est révélé que le prévenu s’exprime correctement en français, il ne commet aucune faute en exigeant au tribunal de répondre en arabe.
Par contre, le tribunal a commis une grosse faute en lui obligeant à répondre en français en lieu et place de concéder à sa demande en commettant un interprète assermenté à cet effet. Les avocats du prévenu ont malheureusement cédé à cette pression qui a placé le prévenu dans une situation inconfortable.
Pour le deuxième prévenu, V. KAMERHE, encore de l’agitation et du surestime. D’abord la question du tribunal était simplement celle de savoir s’il avait été régulièrement atteint à l’adresse de la Gombe, sa résidence habituelle connue. Il n’était pas important de vite révéler au tribunal qu’il y résidait en qualité de locataire, alors qu’il était propriétaire à la N’sele. Ce n’était pas celle-là la préoccupation du tribunal.
Aussi, le procès pénal est un procès à prendre au sérieux. L’attitude à adopter par le prévenu détermine non seulement son état d’esprit, mais aussi rassure le tribunal sur la considération à porter sur la personne du prévenu et la confiance et le crédit à accorder aux réponses fournies par le prévenu interrogé.
Par ailleurs, contrairement à ce pensent d’aucuns, j’estime humblement que M. V. KAMERHE n’a commis aucune faute en citant tous les noms qui lui passent par l’esprit et qu’il estime nécessaires pour le tribunal de les inviter à comparaître et les entendre, ne serait-ce que comme renseignants à défaut d’engager directement des poursuites contre elles, afin d’éclairer sa religion. Il n’a donc commis aucune faute en citant les noms des uns et des autres. Par contre, le tribunal et le procureur général devront saisir l’occasion pour inviter à comparaitre devant la barre toute personne dont ils estiment l’audition nécessaire.
Aussi, les prévenus n’ont aucune obligation d’accepter ni de reconnaitre qu’ils se connaissent mutuellement. Ils sont les seuls à maitriser les faits réels pour lesquels ils sont poursuivis, et aussi ils continuent de bénéficier de la pleine présomption d’innocence. Dire qu’on ne connait ou ne reconnait X ou Y n’est pas du tout une faute. Les prévenus ont même le droit de nier les réponses données par eux-mêmes contenues dans les différents procès-verbaux d’audition du parquet. Il n’appartient pas aux prévenus de prouver leur innocence, mais plutôt à la partie accusatrice, ici le parquet, d’apporter au tribunal toutes les preuves recueillies et suffisantes pour obtenir la condamnation des prévenus qu’il poursuit (Actori incumbit probatio). Par contre, si le parquet n’arrive pas à prouver la culpabilité des prévenus, reus in excipiendo fit actor.
Enfin, quant au Ministère public, je pense, comme le professeur Tasoki, que le neveu de V. KAMMERHE, la fille à l’épouse de V. KAMERHE dont le nom a été plusieurs fois cité par le procureur lors de ses requisitions, ainsi que la sœur à l’épouse de V. KAMERHE puissent tous être poursuivis, arrêtés et cités à comparaitre devant le tribunal pour répondre des faits de la cause, notamment pour infraction de blanchiment des capitaux.
Graces MUWAWA