Le Professeur José-Marie Tasoki Manzele, Docteur en Droit, qualifie d’ « arrêt monstre » l’arrêt R. Const 1200 rendu le 13 avril 2020 par la Cour Constitutionnelle qui a déclaré conforme à la Constitution l'ordonnance portant sur l’état d’urgence sanitaire décrété par le Président Félix Tshisekedi. Pour ce Professeur de la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa et Avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe, la Cour Constitutionnelle est incompétente pour statuer sur la constitutionnalité de l’ordonnance proclamant l’état d’urgence.
Commentant l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, le Professeur José-Marie Tasoki explique la procédure à suivre en vue de la proclamation de l’état d’urgence.
« C’est un arrêt monstre. La Cour n’a pas compétence d’examiner la conformité à la Constitution d’une ordonnance qui proclame l’état d’urgence. Lorsque le Président de la République manifeste le besoin de proclamer l’état d’urgence selon la Constitution, il organise une concertation avec le Premier Ministre, le Président de l’Assemblée Nationale et le Président du Sénat. C’est à l’issue de cette concertation qu’il va se dégager la nécessité de proclamer l’état d’urgence. Mais la concertation ne signifie pas qu’aussitôt finie, on proclame l’état d’urgence ; elle signifie que le Gouvernement est informé par le Premier Ministre, l’Assemblée Nationale est informée par le Président de l’Assemblée Nationale, le Sénat est informé par le Président du Sénat. Les deux Présidents vont maintenant convoquer en extraordinaire leurs sessions de manière séparée pour dire aux députés et sénateurs qu’il y a nécessité de proclamer l’état d’urgence (...) Aussitôt qu’ils sont informés, les deux Présidents convoquent un Congrès sur fond de l’article 119 point 2 pour autoriser la proclamation de l’état d’urgence. Et lorsque le Congrès autorise sur pied de l’article 119 point 2 la proclamation de l’état d’urgence, le Président de la République prend maintenant son ordonnance pour proclamer l’état d’urgence », explique-t-il à ACTUALITÉ.CD.
Le Professeur Tasoki souligne qu’après avoir rendu une ordonnance proclamant l’état d’urgence, le Président de la République doit prendre une autre ordonnance pour mettre en application cet état d’urgence. C’est cette dernière ordonnance qui doit être soumise à la Cour Constitutionnelle pour examiner sa conformité à la constitution.
« Il faudrait implémenter cette ordonnance, c’est-à-dire prendre des mesures d’application (...) Cette ordonnance d’implémentation doit être soumise au contrôle de constitutionnalité à la Cour Constitutionnelle. Et celle-ci doit se prononcer plutôt sur cette ordonnance qui met en application l’état d’urgence. Or dans le cas d’espèce, la Cour Constitutionnelle s’est prononcée plutôt sur l’ordonnance qui a proclamé l’état d’urgence. En d’autres termes, il y a deux choses différentes : il y a l’ordonnance qui proclame l’état d’urgence et il y a l’ordonnance qui met en application l’état d’urgence. Il se trouve malheureusement que la Présidence a mis dans une même ordonnance et la proclamation de l’état d’urgence d’abord et les mesures d’application. Alors vous allez à la Cour Constitutionnelle avec une ordonnance qui proclame l’état d’urgence. La Cour aurait dû se déclarer incompétente. », a déclaré le Professeur Tasoki.
La procédure menée par le Chef de l’Etat en vue de la proclamation de l’état d’urgence, avait suscité un grand débat au sein de la classe politique et des juristes Congolais. En rendant son arrêt, la Cour Constitutionnelle a mis fin à ce débat ; mais reste à savoir comment se déroulera la procédure pour proroger cet état d’urgence qui tend déjà à sa fin.
Thérèse Ntumba