Trahison, insécurité... Vous avez dit le 17 mai ? (Tribune du Professeur Voto)

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Aujourd'hui, ACTUALITE.CD vous propose cette tribune du Professeur Adolphe Voto.

Le 17 mai 1997-le 17 mai 2019, voilà 22 ans, jour pour jour que les Congolais ont pris l'habitude de commémorer ce qu'ils ont appelé, la libération du Congo par l'Afdl, Alliance des Forces Démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre.

Mais, le 17 mai 2019 n'est pas comme les autres années. Car depuis un peu plus de cent jours, le pouvoir a changé de main en RDC. Les élections de décembre 2018 étaient censées mettre fin au régime de l'Afdl qui a porté le clan Kabila au pouvoir. Mais force est de constater que malheureusement, c'est comme si l'alternance tant souhaitée n'a pas lieu.

Le pouvoir de Félix Tshisekedi qui a remplacé celui des Kabila donne l'air d'une prolongation du pouvoir de ce dernier sur fond des arrangements, en compensation de la protection de la personne et des intérêts de son prédécesseur.

D'aucuns se posent des questions si le 17 mai 2019 sera un jour férié, chômé et payé comme les autres années. Et si tel était le cas, pourquoi cette date serait-elle commémorée ? Qu'allait-on alors commémorer ? Quel héritage laisse l'Afdl à la République ?

Déjà, même de son vivant, Laurent Désiré Kabila avait lui-même traité l'Afdl d'un conglomérat d'aventuriers. L'histoire lui donnera raison, car il était mieux placé pour le savoir, connaissant les circonstances de la création du mouvement ainsi que ses animateurs, même si on peut à juste titre le compter lui-même parmi ces aventuriers.

Ensuite, qu'est ce que les Congolais peuvent garder de l'Afdl ou de la fameuse libération. De la mémoire collective, on peut retenir deux ou trois choses.

Le 17 mai rappelle certes le départ de Mobutu. Mais à cela en conclure à une libération, c'est discutable.  Car, à considérer la suite des événements, c'est comme si le 17 mai a plutôt permis à une dictature d'en remplacer une autre. Le règne du clan Kabila n'a en rien fait oublier la dictature mobutienne. Au contraire, c'est une autre forme de dictature mêlée à l'affairisme d'une certaine oligarchie.

Quant à l'Afdl, elle restera de triste mémoire pour les Congolais. L'Alliance de Laurent Désiré Kabila, qui est restée au niveau du discours, sans un vrai contenu quant à  la libération, continue à rappeler deux faits importants dans l'histoire du Congo :

La trahison.

l'Alliance de Laurent Désiré Kabila avec les sujets rwandais et autres, a été concoctée sur fond de trahison de la République. La fin justifiant les moyens, Kabila père a promis le partage du pouvoir et une portion du territoire à ses alliés, à travers les fameux accords le Lemera. La preuve en a été donnée par la désignation d'un étranger en la personne du général James Kabarebe comme Chef d'Etat-Major de l'armée congolaise. Il n'y a pas meilleure preuve de trahison de la nation, pour ne citer que cet exemple. Avec l'avancée de l'Afdl, Paul Kagame en a appelé à la révision des frontières héritées de la colonisation entre la RDC et le Rwanda.

Même si Laurent Désiré Kabila a essayé de se rétracter après, c'était trop tard. Les accords sont les accords. Il en paiera lui-même chèrement le prix et les alliés, toujours insatisfaits, continuent à faire prévaloir leurs prétentions sur le Congo.

 La guerre et l'insécurité.

Le terme Afdl évoque la guerre et l'insécurité en République Démocratique du Congo. Depuis l'avancée des troupes de l'Afdl en 1996 à partir de l'Est du Congo, le pays n'a plus connu la paix jusqu'à ce jour. Depuis bientôt près d'un quart de siècle, le Congo est quasiment sans paix. L'Afdl a occasionné la plus grande guerre africaine de l'histoire avec une dizaine de pays impliqués dans des opérations : la RDC, le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, l'Erythrée, l'Éthiopie, l'Angola, la Tanzanie, le Tchad, le Zimbabwe, etc. Sans compter les  rébellions : Le Rcd avec ses embranchements : Rcd KML, Rcd Lumbala, le M 23, le Cndp, etc., qui ne sont en réalité que des variantes de l'Afdl ; d'autres mouvements en réaction de l'Afdl comme le Mlc ; sans compter les groupes armés dont le nombre n'est connu de personnes et dont la plupart sont au service des alliés de l'Afdl.

Le mouvement de Laurent Désiré Kabila et ses amis a en outre occasionné l'arrivée de la mission des Nations Unies au Congo. La plus grande mission que l'ONU n'ait jamais connue. Plus de vingt mille hommes, avec une dépense journalière de plus d'un million de dollars, sans que la paix ne revienne au Congo, parce que la mission s'est transformée entre-temps en business pour les uns et les autres, au détriment des Congolais.

L'Afdl a officialisé l'enrôlement des enfants soldats dans les groupes armés sans que le monde s'en émeuve. On a vanté l'exploit des "Kadogo" alors que c'était un crime contre l'humanité et jusqu'aujourdhui, personne n'en parle. L'Afdl a occasionné le viol de plus de 40.000 femmes dans le Kivu et cette pratique, loin de s'arrêter, se poursuit sous le regard de la communauté internationale.

Je crois que les Congolais n'ont rien à commémorer le 17 mai, si ce n'est que repenser tous les maux que les fondateurs de l'Afdl ont causé à la République et dont les effets, loin de s'arrêter, continue à endeuiller des familles et des populations entières : personne ne saura le nombre des morts causés par l'aventure de l'Afdl sur plus de vingt ans et qui est loin de s'arrêter. D'aucuns parlent de cinq millions de morts, d'autres de 10 millions, d'autres encore plus, et ce n'est toujours pas fini. L'Afdl a occasionné et continue à entretenir le pillage de la République démocratique du Congo par ses alliés et ses animateurs : Des minerais frauduleusement exploités par les pays voisins et leurs complices nationaux à travers les groupes armés et des officiers congolais affairistes, membres de l'Afdl ; des parcs nationaux détruits, etc.

Les Congolais espéraient mettre fin à tous ces drames à travers les élections de 2018 qui pouvaient favoriser une alternance. Mais hélas. Ils ont l'impression que le régime Afdl a muté et s'est offert une autre carapace. Félix Tshisekedi a pourtant promis de déboulonner le système. Mais s'il y a un système à déboulonner, c'est le système afdlien dont fait partie le système Kabila. Il ne suffit pas de déboulonner le système Kabila qui n'est qu'un micro-système. Encore faudrait-il que Tshisekedi ait les moyens et la volonté de le faire. Car s'il fait lui-même partie du système, il lui sera impossible de le déboulonner de l'intérieur. Mais il faudrait mieux déboulonner le système Afdl pour sauver le Congo.

Malheureusement, on a l'impression que le pouvoir actuel, non seulement fait partie intégrante du système Kabila, mais bien plus s'intègre déjà aussi facilement au système Afdl. Les accointances avec le Rwanda, au point de considérer les millions de Congolais dont la mort est occasionnée par l'Afdl et ses alliés comme simplement des victimes collatérales du génocide rwandais, alors que tout le monde sait que le Congo est victime d'un projet machiavélique de son exploitation, sinon sa balkanisation, est encore une fois une preuve d'adhésion au système Afdl. La précipitation avec laquelle les portes du Congo sont ouvertes à Rwandair, au lendemain de la prise du pouvoir, sans des garanties de sécurité, connaissant le passé et les contentieux entre les deux pays soulève beaucoup de questionnements.

Le 17 mai 2019 est symboliquement, encore une fois, une occasion pour Tshisekedi de prouver aux Congolais qu'il y a volonté de rupture, car les Congolais n'ont rien à fêter en cette date, au contraire, que  de mauvais souvenirs.