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Aujourd’hui, nous vous proposons cette tribune de Martin ZIAKWAU Lembisa, Internationaliste, analyste politique, et auteur du livre : Accord-cadre d'Addis-Abeba : Portée et incidence sur la République démocratique du Congo.
Toute la RDC politique, ou presque, était émue, dimanche 10 février 2019, après l’annonce de l’« élection » de Kinshasa à la 2ème vice-présidence du bureau de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine (UA), l’organe suprême de l’institution panafricaine. D’autant plus que le nouvellement élu Chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi, faisait sa première entrée officielle au sein du sanctuaire des Dirigeants africains réunis en session ordinaire. Cette « légitimation africaine » du nouveau Président de la République a contribué à rehausser l’alternance pacifique opérée à la suite des élections du 30 décembre 2018.
D’aucuns, y compris des officiels membres de la délégation congolaise à Addis-Abeba, ont vite conclu à l’accession de la RDC à la présidence de la Conférence de l’UA à l’exercice janvier 2021-janvier 2022. Sans cacher ma satisfaction de l’honneur symbolique ainsi fait à la RDC, pays auquel je m’identifie, le devoir de chercheur en Relations internationales m’avait astreint à exhorter à la prudence. Considérant qu’il est prématuré de crier à la victoire. Car rien ne rassure encore la RDC qu’elle occupera, en 2021, le poste le plus prestigieux de l’UA au regard des données empiriques relevant de la réalité historique de l’institution régionale africaine.
Pour corroborer l’argumentaire avancé dans l’article rédigé par mes soins sous le titre « Le Président Tshisekedi non assuré d’accéder à la tête de l’UA en 2021 » (Actualite.cd"https://actualite.cd/2019/02/10/le-president-tshisekedi-non-assure-dacceder-la-tete-de-lua-en-2021-analyse), je me fais le devoir de rappeler que, la RDC a occupé, dans un passé non éloigné, le poste de deuxième vice-président du bureau de la Conférence de l’UA de janvier 2014 à janvier 2015 ainsi que celui de premier vice-président du même bureau de janvier 2015 à janvier 2016.
Différence : à l’époque, cette nouvelle s’avérait peu répandue. Pour toutes vérifications, prière de consulter les annales de l’institution africaine disponibles sur la toile mondiale (Guide de l’Union africaine). Tout avait poussé jadis certains observateurs de penser que la RDC devrait être auréolée en janvier 2016. Force est de noter que, de janvier 2016 à janvier 2017, c’est le Tchad qui assuma la fonction de président de cette instance africaine pour le compte de l’Afrique centrale.
La critique féconde pourrait évoquer la « crise politique congolaise » pour justifier ce rendez-vous manqué de la RDC avec l’histoire panafricaine. Reste à déterminer temporellement cette « crise » dans le contexte d’antan. Si tel pourrait être le cas, ça signifie que la dynamique interne de l’Etat programmé pour diriger l’institution continentale reste déterminante pour le confirmer dans ce rôle. Mais cet argument peine empiriquement à tenir. Il suffit de questionner l’état des lieux interne des pays élus à la présidence. Encore faut-il préciser les référentiels pour une meilleure exécution de pareil exercice et l’établissement de la comparaison. Il est un fait : en janvier 2016, la RDC n’était pas si proche de la crise électorale.
A supposer que cela fut le cas. Il est d’autres exemples à avancer pour soutenir l’appel à la prudence. Le Niger, deuxième vice-président du bureau de la Conférence au cours de l’exercice janvier 2015-janvier 2016, n’a pas été porté, deux ans après, à la tête de l’UA. Contrairement à la RDC, il n’a pas été, un an après, choisi pour siéger à la première vice-présidence du bureau. Pourtant, ce pays venait de faire l’expérience des élections apaisées.
Au cours de l’exercice janvier 2013-janvier 2014, le Mozambique, président de la Conférence de juillet 2003 à juillet 2004, a siégé au sein du bureau en qualité de deuxième vice-président. Deux ans après, c’est le Zimbabwe qui fut élu à la présidence de l’UA. Dans le Bureau de l’exercice 2017-2018, l'Algérie a siégé au poste de deuxième vice-président. Deux ans après, c'est l'Egypte qui est à l'honneur.
A la RDC d’anticiper pour ne pas subir …
L’« élection de la RDC » à la 2ème vice-présidence du bureau de la Conférence de l’UA n’a point de portée diplomatique particulière autre que l’expression du plein exercice des droits de l’Etat en phase avec ses obligations en tant que membre de l’institution panafricaine. Le pouvoir est pleinement exercé par le président de la Conférence qui est assisté par un bureau dont la composition consiste à mettre en exergue l’équilibre géographique ainsi que l’application du principe de rotation sous-régionale pour la succession à la tête de l’organe suprême. C’est ainsi que, pour le cas d’espèce, le président de la Conférence émane de l’Afrique du nord (Egypte), le 1er vice-président de l’Afrique australe (Afrique du sud), le 2ème vice-président de l’Afrique centrale (RDC), le 3ème vice-président de l’Afrique occidentale (Niger), et le rapporteur de l’Afrique orientale (Rwanda, président sortant).
Il va sans dire que le président égyptien sera succédé à la tête de la Conférence de l’UA par un Chef d’Etat de l’Afrique australe. Ensuite, pour l’exercice 2021-2022, la présidence de la Conférence sera assurée par un Chef d’Etat de l’Afrique centrale qui ne sera pas forcément le président de la RDC. En temps voulu, les Etats de la sous-région concernée seront tenus de dégager un consensus sur le pays devant accéder à la présidence.
Outre la RDC, il y a lieu de penser à l’Angola, première puissance économique et militaire de l’Afrique centrale, pour avoir et caresser cette légitime ambition. D’autant plus que l’actuel Président angolais rompt avec les pratiques diplomatiques de son prédécesseur, réputé très réservé et peu enclin à la visibilité sur la scène tant africaine que mondiale.
Plutôt que de crier précocement à la victoire diplomatique, la RDC ferait œuvre utile de s’investir sérieusement pour circonscrire véritablement la portée du pays dans les relations internationales africaines en cette ère de prédominance de la noopolitique. Ceci permettra aux services compétents de cerner sans passion les ambitions à nourrir et les rôles à envisager d’attribuer au pays au-delà des frontières nationales. Ce au regard des défis internes à relever ainsi que des ressources, notamment humaines, à mobiliser pour engager efficacement des négociations avec les pays de la sous-région en vue d’obtenir leur nécessaire soutien à la candidature de la RDC à la présidence de la Conférence de l’UA. Voir rationnellement plus loin pour bien s’y prendre permettra à la RDC d’éviter de subir les cours des jeux en sa défaveur. L’anticipation s’impose à cet effet.
Martin ZIAKWAU Lembisa
Internationaliste