Le président Tshisekedi non assuré d’accéder à la tête de l'UA en 2021 (Analyse)

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Le Président de la République Félix Tshisekedi a été élu, ce dimanche 10 février 2019, deuxième vice-président du Bureau de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement de l'Union Africaine (UA) au cours de la séance d'ouverture de la 32e  session ordinaire de l'organe suprême de l'institution panafricaine. Cela l'impose-t-il de facto comme Président de cet organe de l'UA en 2021? Non. Contrairement à ce qui se répand dans l'opinion.

En effet, le Bureau, qui a la mission d'assister le Président en exercice de la Conférence, a vocation, dans sa composition, de traduire l'équilibre géographique du continent, composé de cinq sous-régions. Il va sans dire que la République d'Afrique du Sud, occupant la première vice-présidence, représente l'Afrique australe ; la RDC y siège pour le compte de l'Afrique centrale ; le Niger occupe le siège réservé, pour l'heure, à l'Afrique occidentale ; le poste de Rapporteur revenant, dans ce contexte, à l'Afrique orientale dont est issu le Président sortant Paul Kagame. Le Président entrant émane de l'Afrique du Nord.

Il est possible que la visibilité de la RDC, dont la présence au sein du Bureau constitue une significative avancée diplomatique après des années d' "indifférence", contribue à la positionner stratégiquement dans la course pour la conduite de la Conférence de l'UA devant revenir à l'Afrique centrale pour l'exercice janvier 2021-janvier 2022. Toutefois, il est possible et légitime que d'autres pays de cette sous-région développent la même ambition, et construisent un positionnement argumentatif susceptible de mettre en mal la candidature de la RDC.

C'est le cas de l'Angola qui, après avoir dirigé le sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), peut envisager de jouer un rôle de premier plan au niveau africain. C'est également le cas du Gabon qui assure la présidence de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC). Ça pourrait aussi être le cas du Cameroun dont le Président a accumulé des décennies d'expériences de Chef d'Etat.

Il revient à la RDC non seulement d'ambitionner ce poste symboliquement distinctif pour marquer davantage le rayonnement du pays sur la scène internationale mais aussi de mobiliser les ressources nécessaires pour négocier habilement le soutien des huit autres pays de la sous-région Afrique centrale selon la conception onusienne. Il s'agit de: Angola, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, RD Congo, République centrafricaine, Sao Tomé et Principe, Tchad.

Force est de noter que, dans un passé récent, il est des pays bien positionnés au sein du Bureau qui, pourtant, n'ont pas bénéficié, en temps voulu, du soutien des pays de leurs régions respectives pour accéder à la présidence de la Conférence de l'UA. C'est, par exemple, le cas de l'Ouganda qui avait siégé au sein du Bureau en qualité de 1er vice- président au cours de l'exercice 2017-2018. D'aucuns auraient attendu voir Kampala à la tête de la Conférence de l'UA de janvier 2018 à janvier 2019. C'est le Rwanda qui a plutôt occupé ce prestigieux poste. Dans le Bureau du même exercice 2017-2018, c'est l'Algérie qui avait siégé au poste du deuxième vice-président. On aurait pensé voir Alger diriger la Conférence au cours de l'exercice débutant. Hélas! C'est l'Egypte qui est à l'honneur.              

Somme toute, à ce stade, la RDC n'est nullement assurée d'accéder à la présidence de la Conférence de l'UA en 2021. Si elle juge cette opportunité de stratégique, elle devra, dès les prochains jours, s'y mettre sérieusement et adopter des postures diplomatiques conséquentes pour atteindre ce résultat. D'autant que l'honneur réservé aujourd’hui au Président Félix Tshisekedi au sein du Bureau de la Conférence de l'UA, n'est rien d'autre que le fruit d'une intense et discrète bataille diplomatique menée des mois durant par son prédécesseur. Ceci impliquant, entre autre, une certaine exemplarité dans les cotisations et contributions au sein des organisations sous-régionales et régionale Preuve qu'en démocratie, les hommes passent, les institutions restent. En pleine vitalité, ou presque.

Martin ZIAKWAU Lembisa

Internationaliste, analyste politique, il est auteur du livre : Accord-cadre d'Addis-Abeba : Portée et incidence sur la République démocratique du Congo.