« Il ne suffit pas de décréter la gratuité de l’enseignement, il faut aussi penser à la rémunération de l’enseignant » Pr Adémar Kele (ISPT-KIN)

Les étudiants dans une auditoire

Alternance politique au sommet de la République Démocratique du Congo, à quoi doit-on s’attendre dans l’Enseignement en général ? Directeur d’Accueil et Orientation à l’Institut Supérieur Pédagogique et Technique de Kinshasa (ISPT-KIN), le professeur Adémar Kele, dans une interview au Journal du Citoyen (JDC), parle de ce qu'il souhaite que le nouveau gouvernement réalise en faveur du secteur de l'enseignement.

Quelle formation particulière l'Institut que vous gérez offre-t-il à la jeunesse congolaise ?

ISPT-KIN forme des techniciens capables d’enseigner la technique apprise. Pendant un moment en RDC, ceux qui formaient des techniciens étaient des personnes sous-qualifiées. Ce qui veut dire qu’ils ont terminé leurs études à l’Institut des techniques appliquées (ISTA) ou en Polytech mais étant donné qu’ils n’avaient pas d’emplois, ils se sont réfugiés dans l’enseignement. Alors que pour enseigner, il fallait non seulement maitriser la matière à enseigner mais aussi les personnes qu’on enseigne. Ainsi, cet Institut s’est donné le devoir depuis 1976, de former des pédagogues qui sont en même temps des ingénieurs. 

Quelles sont les missions principales des cadres que vous formez ?

Ceux que nous formons sont appelés à être des chefs d’entreprises telles que la Société Nationale d’Electricité (SNEL), la Régie de distribution d'eau (REGIDESO), responsables des centres de formation parce que non seulement ils connaissent la technique, ils connaissent également des personnes qu’ils doivent enseigner.

Comment pourrez-vous résumer l'apport des 18 ans du règne de Joseph Kabila dans le domaine de l'enseignement ?

Je pense qu’ils ont fait ce qu’ils ont pu. Dans le ministère de l’Enseignement Primaire Secondaire et Professionnel (EPSP) de Maker Mwangu Famba,  nous avons entendu parler de beaucoup de reformes. Mais, qu’est ce qui n’a pas marché dans l’ancien programme ? Personne ne savait. Quelle particularité l’on amène dans le nouveau programme, là encore on ne le sait pas. Et toutes ces réformes initiées, c’est avec un financement étranger. C’est une aliénation. On ne peut pas initier une reforme de l’enseignement dans son pays avec de l’argent étranger. Aujourd’hui encore dans l’Enseignement supérieur, on parle du Système LMD (Licence, Master et Doctorat). Qu’est-ce qu’on amène de nouveau dans ce système ? Les étudiants ne le savent pas. 

En tant qu’enseignant congolais, qu’attendez-vous du nouveau gouvernement qui sera bientôt mis en place ? 

La plupart des candidats ont promis la gratuité de l’enseignement. Mais, il ne suffit pas seulement de décréter la gratuité. Il faudrait aussi réaliser que l’Enseignant dans une certaine école de la Gombe est rémunéré à 400 dollars le mois, avec la contribution des parents. Et donc, avec la gratuité, il faut lui donner ces 400 dollars qui lui viendront désormais de l’Etat. Et d’ailleurs, il devrait en avoir un peu plus parce que ceux-ci lui viendront de l’Etat. Avec des budgets estimés à au-delà de 80 milliards de dollars, on suppose que le moins gradé dans l'enseignement aura au moins 1000 dollars de l’Etat, ce qui serait une très bonne chose. Il faut qu’il y ait des règles des personnes qualifiées et recyclées pour enseigner. Il faut une mise à jour des matières que l’Etat donne aux enseignants, il faut également équiper les laboratoires des matériels didactiques et les bibliothèques. Il faut également que l’enseignant soit bien payé. On dit qu’un professeur d’Université doit éviter la corruption et la vente des syllabus mais, un assistant est rémunéré à plus ou moins 150 dollars. Ce qui est ridicule et frise l’immoralité. Les attentes continuent à être les mêmes. Si la République Démocratique du Congo ne connait pas suffisamment d’émergence jusque-là, c’est justement parce que la plupart des dirigeants et gouvernements qui sont passés n’ont pas compris que le pilier d’une République, c’est l’enseignement. Tous les pays qui aspirent à un développement, un changement doivent mettre en priorité l’enseignement. Nous devrons apprendre notre histoire de la bonne manière. Il faut la révisitation de l’histoire de notre pays que nous devons enseigner à nos enfants et notre programme d’enseignement. Nous attendons donc voir le ministre de l’Energie comme celui de l’Industrie venir puiser dans les universités techniques de la République, des meilleurs techniciens pour résoudre les questions de la population de notre pays. Nous attendons également participer à l’émergence de notre nation. Pour qu’il n’y ait pas inadéquation entre Formation et Emploi.

Prisca Lokale