Muyaya : « Le peuple est déçu, allons aux élections »

Le député national Patrick Muyaya estime que la question de positionnement politique plonge le Congo dans une crise profonde.

Dans une interview accordée ce vendredi 21 avril à ACTUALITE.CD, Muyaya invite tous les acteurs politiques à s’occuper de ce qui est essentiel actuellement pour la RDC : "L’organisation des élections et la crise économico-sécuritaire".

<strong>La Cenco considère la nomination de Bruno Tshibala comme une entorse à l’Accord. Pensez-vous  que cette nomination entre dans la logique de l’Accord du 31 décembre ?</strong>

<em>Je crois qu’il y a un point central qui a fait l’objet des discussions à la Cité de l’Union africaine et au Centre interdiocésain. Il s’agit des élections. J’ai observé aussi que la CENCO a constaté qu’elle n’était plus en mesure de concilier les vues entre la MP et le Rassemblement au sujet du choix du Premier ministre et du choix du président du CNSA. Elle a rendu la main au président de la République qui lui a donné mandat et le président a voulu s’assumer par rapport à l’essentiel, c’est-à dire la tenue des élections. Si l’objectif principal est la tenue des élections et que si Tshibala qui vient du Rassemblement, même s'il y a des difficultés après avoir perdu une personnalité historique comme Etienne Tshisekedi, ce qui est tout à fait normal que les lieutenants autour de lui ne s’accordent pas, pourquoi on ne lui accorderait pas la chance. Mais, il ne faudrait pas que cette querelle puisse emprisonner la volonté exprimée par tout le monde de parvenir aux élections. Le point le plus important, ce n’est pas de satisfaire telle ou telle frange du Rassemblement, mais c’est les élections. Puisqu’il y a des raisons justifiées de la part du président de la République de nommer Tshibala, pourquoi on ne lui accorderait pas la chance. Si Tshibala peut nous amener aux élections, doit-on le refuser parce qu’il n’est pas issu de l’autre bord du Rassemblement ?</em>

<strong>Croyez-vous à la tenue des élections à la fin de cette année, comme le prévoit l’Accord ?</strong>

<em>Il y a un élément que l’on n’intègre pas quand on parle du président de la République. A la différence des autres, il reste le garant de la nation et il a plus de responsabilités que d’autres dans la sécurisation du pays. Ce qu’on observe dans la scène politique, c'est une comédie qui se transforme en tragédie avec aujourd'hui des morts.  Le président de la République a dit que les élections auront lieu de manière solennelle. 10 ans après la promulgation de la constitution c’est la première fois que le président de la République s’exprimait aussi précocement. Ça voudrait dire qu’il a perçu une certaine gravité dans la gestion du pays. Quoi qu’on dise, ce n’est pas le gouvernement qui organise les élections. Il met à la disposition de la CENI des moyens pour organiser ces élections. Je note que la CENI évolue plutôt bien dans le processus d’enrôlement, nous sommes à plus de 22 millions d’enrôlés, environ la moitié de l’électorat. Si on s’en tient au travail que fait la CENI, les élections auront lieu à la fin de cette année.</em>

<strong>Comment sortir de la crise actuelle ?</strong>

<em>La vraie solution reste la tenue des élections. Je ne crois pas que la finalisation de l’Arrangement particulier et le reste soient la principale attente des Congolais. La signature de l’Arrangement particulier représente un passage tout au moins sûr au sein d'une partie de l’opposition et pour nos partenaires du côté de la communauté internationale puisqu’il se pose un réel problème de confiance. Il est important d’arrêter de penser que la tenue des élections est liée à l’arrivée au gouvernement de nos amis du Rassemblement piloté par Félix Tshisekedi. Pensez comme ça c’est faire le jeu de ceux qui pensent que les élections doivent être renvoyées aux calendes grecques.</em>

<strong>Que doivent faire les jeunes dans ce contexte ?</strong>

<em>Les jeunes doivent mettre fin à cette comédie congolaise. Nous n’avons pas de réponse à donner à nos électeurs. Que ce soient les politiciens de la MP ou de l’opposition, nous sommes tous mis dans le même sac, le peuple est trop déçu de nos actions. La manière pour les jeunes de s’approprier est de s’enrôler et de sensibiliser pour un enrôlement massif. Le moment venu il faut voter pour les gens qui sont crédibles, et qui devront mettre en œuvre leurs politiques. Ici chez nous, le débat politique tourne autour de positionnement et non autour de la façon dont on peut sortir le pays de la pauvreté. Nous avons une dizaine de milliers de jeunes sans emplois, il y a le phénomène Kamwina Nsapu. Une autre tragédie est que nous allons commencer le cinquième mois sans un budget. Il y a beaucoup de choses qui se passent ici. En attendant toutes les tractations en cours, on fait quoi ? Le Premier ministre a été nommé. Ne faut-il pas qu’il prenne fonction ? qu’il fasse voter le budget à l’assemblée ? Ou qu’il s’occupe de la question de la crise économico-sécuritaire ? Toutes ces urgences ne peuvent pas attendre les conciliabules politiques. C’est ça l’essentiel pour l’instant. Tout ce qu’il y a autour de positionnement des individus qui mine l’accord n’est pas essentiel. L’essentiel pour l’instant c’est de préparer les élections, sortir de la misère et de la comédie congolaise.</em>

Interview réalisée par <strong>Stanys Bujakera</strong>