Crise humanitaire : plus de 200 000 réfugiés congolais désormais au Burundi (HCR)

Refugiés congolais arrivant au Burundi. PH.HCR
Refugiés congolais arrivant au Burundi. PH.HCR

La situation humanitaire au Burundi continue de se détériorer à la suite de l’intensification des combats entre la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, et les forces gouvernementales congolaises dans l’Est de la République démocratique du Congo. Ces affrontements, qui ont précédé l’occupation de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu, ont entraîné d’importants mouvements de populations, en dépit de l’annonce du retrait de la rébellion sous la pression des États-Unis d’Amérique.

Cette situation préoccupe vivement l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui alerte sur l’atteinte d’un seuil critique en raison de l’afflux massif et rapide de réfugiés et de demandeurs d’asile fuyant les violences dans l’Est de la RDC. Selon le HCR, depuis le début du mois de décembre, plus de 84 000 personnes en provenance du Sud-Kivu ont franchi la frontière vers le Burundi. Ce nouvel afflux porte à plus de 200 000 le nombre total de réfugiés et demandeurs d’asile congolais actuellement présents sur le territoire burundais.

« Des milliers de personnes traversent chaque jour la frontière, à pied ou en bateau, saturant les ressources locales et provoquant une crise humanitaire majeure qui nécessite une aide internationale immédiate. Les femmes et les enfants sont particulièrement touchés. Ils arrivent épuisés et profondément traumatisés, présentant des blessures physiques et psychologiques graves. Nos équipes ont rencontré des femmes enceintes qui n’avaient pas mangé depuis plusieurs jours », indique un communiqué du HCR publié vendredi 19 décembre 2025.

Au Burundi, les centres de transit et les sites d’accueil informels sont largement saturés, certains atteignant près de 200 % de leur capacité, laissant des centaines de familles dans des conditions extrêmement précaires. La pénurie aiguë d’eau potable et d’installations sanitaires accroît considérablement le risque d’épidémies de maladies potentiellement mortelles, telles que le choléra et la variole. Le HCR souligne l’urgence d’un approvisionnement en abris, latrines, eau, nourriture et médicaments afin de répondre aux besoins essentiels des populations affectées.

Face à cette pression, le gouvernement burundais a désigné un nouveau site d’accueil à Bweru, dans la province de Ruyigi Buhumuza, à l’est du pays, pour désengorger les structures existantes. À ce jour, près de 21 000 réfugiés ont été transférés vers ce site. Toutefois, les conditions de vie y demeurent difficiles. Faute de tentes en nombre suffisant, de nombreuses familles dorment encore à la belle étoile, exposées aux intempéries et aux températures nocturnes basses, aggravées par des pluies persistantes, précise le HCR.

De l’autre côté de la frontière, dans la province du Sud-Kivu en RDC, la poursuite des violences, les attaques de drones et les bombardements ont contraint plus de 500 000 personnes à fuir leurs foyers. Beaucoup ont été déplacées à plusieurs reprises au cours de l’année. Des dizaines d’écoles servent désormais de sites d’hébergement surpeuplés, tandis que les premiers cas de choléra ont été signalés. Selon le HCR, l’insécurité persistante continue de restreindre l’accès humanitaire, limitant la capacité des acteurs à venir en aide aux populations en situation de détresse extrême. Là où l’accès est possible, l’agence onusienne et ses partenaires poursuivent leurs activités de protection et d’assistance vitale.

Cette dégradation humanitaire intervient dans un contexte marqué par l’annonce, jugée controversée par Kinshasa, du retrait de l’AFC/M23 de la ville d’Uvira. Les autorités congolaises estiment que cette déclaration vise essentiellement à détourner l’attention et à réduire la pression internationale, notamment celle exercée par les États-Unis, sur Kigali, considéré par les Nations unies comme le principal soutien de cette rébellion. Sur le terrain, l’AFC/M23 poursuit ses conquêtes territoriales et met en place une administration parallèle échappant au contrôle des autorités de Kinshasa.

Ville stratégique dans le dispositif sécuritaire du gouvernement congolais au Sud-Kivu, Uvira était passée sous le contrôle de l’AFC/M23, renforçant ainsi l’emprise de la rébellion dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ce verrou sécuritaire est perçu comme un point clé susceptible de faciliter une avancée vers l’espace du Grand Katanga, considéré comme le poumon économique de la RDC.

La détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est du pays coïncide avec l’entrée en vigueur des accords de Washington, signés entre Kinshasa et Kigali sous l’égide des États-Unis d’Amérique. Alors que ces accords visaient à consolider un cessez-le-feu durable, la situation sur le terrain s’est au contraire aggravée, dans un climat d’accusations réciproques entre les deux États quant aux responsabilités dans la crise sécuritaire actuelle.

Clément Muamba