L’ambassadeur de la République démocratique du Congo auprès Benelux et de l’Union européenne, Christian Ndongala Nkunku, a pris la parole mercredi dernier au Parlement européen, à Strasbourg (France), où la situation sécuritaire et humanitaire dans l’Est de la République démocratique du Congo était à l’ordre du jour.
Au cours de cette session ordinaire d’information organisée par la délégation à l’Assemblée parlementaire Afrique–Union européenne, le diplomate congolais a alerté les eurodéputés sur le risque de régionalisation du conflit, mené selon lui par le Rwanda à travers la rébellion de l’AFC/M23, et dont les répercussions affectent désormais le Burundi.
"Ce conflit risque de se régionaliser davantage, d’autant plus que des tirs ont déjà touché le Burundi, Uvira se situant à moins de 30 kilomètres de Bujumbura", a déclaré l'ambassadeur congolais précisant que "le Burundi n’a pas attaqué le Rwanda. Il a déployé ses troupes dans l’Est de la RDC dans le cadre d’un accord de coopération bilatérale en matière de défense dans le seul objectif : "de lutter contre la prolifération des armes et des groupes criminels, entendez une meilleure gestion des enjeux sécuritaires dans la région".
Pour le représentant de la République Démocratique du Congo auprès de l'Union Européenne : "s’il y a régionalisation, ça sera le fait de la stratégie du Rwanda, qui a tendance à justifier sa politique belliciste comme une réponse aux attaques venant de l’extérieur et qui a toujours utilisé ces manœuvres pour manipuler les sentiments et s’attirer la sympathie de la communauté internationale". Il estime que "la transparence et la vigilance de la communauté internationale s’imposent pour ne pas tomber dans le piège de l’exagération excessive du Rwanda et être surpris demain par une guerre ouverte entre ces deux pays " tout en appelant à maintenir " notre vigilance à tous contre cette stratégie de victimisation, laquelle a longtemps maintenu la communauté internationale dans l’inaction et l’immobilisme".
Par ailleurs, le représentant de la RDC auprès du Benelux et de l’Union européenne a dénoncé la violation des accords de Washington par le Rwanda en attaquant et occupant la ville d'Uvira via la rébellion de l'AFC/M23.
"Moins de vingt-quatre heures après cette signature, les velléités expansionnistes des agresseurs ont contredit les engagements pris. Des bombardements à l’aide de drones explosifs et des avancées coordonnées ont été menés autour d’Uvira et dans la plaine de la Ruzizi. Nul ne peut concevoir qu’un accord solennel soit violé quelques jours seulement après sa signature par l’une des parties. Ces actes remettent fondamentalement en cause le processus signé à Washington", a-t-il dénoncé.
Se référant à l'intervention de la ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, Madame Thérèse Kayikwamba Wagner, lors de son intervention au Conseil de sécurité le 12 décembre dernier, le diplomate congolais précise que le choix de la diplomatie fait par son pays n'équivaut pas à un signe de faiblesse ni de concession
"Le choix de la diplomatie opéré par la République démocratique du Congo n’est ni une concession ni un signe de faiblesse. Il reflète au contraire notre sens des responsabilités et notre attachement au multilatéralisme, qui demeure pour nous la seule voie vers une paix durable dans la sous-région. Nous avons fait ce choix parce que nous croyons en l’engagement des États-Unis, facilitateur principal du processus de Washington, de l’État du Qatar, garant du processus de Doha, au soutien de l’Union européenne et de ses États membres, ainsi qu’à l’implication de l’Union africaine", a soutenu M. Ndongala
Cette rencontre intervient dans un contexte marqué par l’annonce, par la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par Kigali, de son retrait de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu. Une démarche contestée par Kinshasa, qui estime que le mouvement rebelle cherche à faire diversion afin de réduire la pression internationale, notamment celle des États-Unis d’Amérique, sur le régime de Kigali, considéré par l’ONU comme le parrain de cette rébellion. Ce mouvement rebelle poursuit des conquêtes territoriales dans l’Est de la République démocratique du Congo, tout en mettant en place une administration parallèle ne relevant pas des autorités de Kinshasa.
La ville d’Uvira, considérée comme stratégique dans le dispositif sécuritaire du gouvernement congolais au Sud-Kivu, était passée sous le contrôle de l’AFC/M23, renforçant ainsi l’influence et la mainmise de la rébellion dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Il s’agit d’un verrou essentiel, susceptible d’ouvrir la voie à l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, vers l’espace du Grand Katanga, considéré comme le poumon économique du pays.
La détérioration de la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC a coïncidé avec l’entérinement des accords de Washington, signés entre Kinshasa et Kigali sous les auspices des États-Unis d’Amérique. Alors que ces accords étaient censés consolider le cessez-le-feu souhaité par les médiateurs et plusieurs partenaires des deux pays, la situation s’est, au contraire, aggravée, marquée par des accusations mutuelles entre les deux États quant à la responsabilité de la crise sécuritaire actuelle.
Clément MUAMBA