Procès Lumbala à Paris : Bemba et Ndima toujours cités, « le ministre congolais de la Justice a dit oui, on va convoquer les gens, mais pas grand-chose », se désole le président de la Cour

Roger Lumbala/Ph. Droit tiers

La Cour d’assises de Paris a entendu, mercredi 10 décembre, un témoin cité par la défense de Roger Lumbala pour tenter de faire la lumière sur la responsabilité de l’ancien chef-rebelle et ministre congolais dans la commission des faits criminels dont il est accusé d’avoir été complice en Ituri et Haut-Uélé dans le cadre de la campagne militaire « Effacer le tableau ». 

Originaire de Bafwasende, le témoin est un ancien ministre des finances de Roger Lumbala. Il témoigne avoir accueilli Lumbala à Bafwasende et l’avoir servi, d’abord comme chargé de mobilisation, puis comme financier. D’après lui, à son arrivée à Bafwasende en juin 2000, Lumbala était emmené par un contingent ougandais et s’était proclamé responsable du RCD-N, nouveau mouvement créé par l’Ouganda. D’après lui, localement, Roger Lumbala avait hérité des militaires déserteurs de Mbusa Nyamwisi qui n’avaient pas de choix et qui bénéficiaient de l’appui de l’Ouganda.

« Il a commencé par des consultations personnelles. Moi qui était chargé des finances, il m’a appelé et m’a demandé si j'acceptais de travailler avec lui. Il a dit qu’il fera de moi son ministre chargé de la propagande et mobilisation. J’étais chargé d’installer le mouvement pour que les gens l’acceptent. Étant originaire, on a commencé à appeler les frères et sœurs influents de la région pour qu’ils adhèrent », témoigne-t-il, indiquant que le règne de Lumbala à Bafwasende n’a duré qu’une année.

« Nous avons commencé à travailler jusqu’à ce qu’un jour on voit un hélicoptère d’un contingent des Ougandais et quelques officiers du MLC. Il est reparti comme il était venu. Dans l’avion qui l’a emmené en Ouganda, il y avait des officiers ougandais et ceux du MLC. Il est parti parce qu’on devrait créer un autre mouvement qui devrait rassembler tous les mouvements d’obédience ougandaise. Le mouvement a changé de nom, FLC », explique-t-il.

Au départ de Lumbala, ses fidèles ont été traqués par les lieutenants de Mbusa Nyamwisi dont l’armée était dirigée dans la zone par le plus haut officier nommé Julien Paluku, secondé d’un certain Kasereka. Le témoin affirme avoir été arrêté, transféré à Beni et détenu sept mois durant dans un cachot du RCD-KML. A sa libération, Lumbala venait de rejoindre Isiro, et le témoin affirme l’avoir rejoint début 2002 via Kampala.

D’après lui, à Isiro, Roger Lumbala était chef du RCD-N et l’armée mise à sa disposition était commandée par Constant Ndima. A la question de la Cour de savoir le lien entre Lumbala et Ndima, le témoin affirme n’avoir pas de précision, mais ajoute qu’ils bénéficiaient d’un appui de Gbadolite, siège du Jean-Pierre Bemba, patron du MLC.

C’est ainsi que le président de la Cour d’assises de Paris s’est désolé de n’avoir pas eu la possibilité d’interroger ces personnes citées, notamment Constant Ndima. Ndima n’a pas répondu, et les autorités congolaises non plus.  

« La justice a demandé que Ndima soit entendu, il n’a jamais répondu et les autorités qui ont reçu ma demande n’ont jamais réagi. Les autorités congolaises ont dit oui, on va exécuter, le ministre de la Justice a dit oui, on va convoquer les gens, mais pas grand-chose », s’est plaint le juge président, Marc Sommerer, évoquant la difficulté d’éclairer certaines zones d’ombres.

Depuis le début du procès, le 12 novembre, des victimes, témoins et experts se sont succédé. Tous sont unanimes sur les faits, mais partagent les responsabilités entre Lumbala, Ndima et Jean-Pierre Bemba, reconnus comme responsables d’Effacer le tableau.  Ndima et Bemba, des soutiens de Félix Tshisekedi pour l’instant.

Claude Senyenya, notre envoyé spécial à Paris