Le procès de l’ancien chef rebelle et ministre congolais Roger Lumbala se poursuit en France. Il est poursuivi pour complicité des crimes contre l’humanité pour des actes de viols, pillages, meurtres et tortures commis par ses hommes en Ituri et Haut-Uélé, dans l’ex-province orientale lors de l’opération «Effacer le tableau» entre 2002 et 2003. Depuis lundi, la Cour d’assise de Paris a débuté avec l’audition des témoins et victimes qui ont vécu ou subi des crimes de la part des hommes Lumbala. Nombreux sont venus d’Epulu, Mambasa et de la région d’Isiro et défilent devant les juges Français pour témoigner et réclamer justice.
Claude Sengenya, notre envoyé spécial à Paris
Mercredi, 9 h 30, les juges entrent dans la salle d’audience de la Cour d’assise de Paris. Mais le box des accusés est toujours vide. Car depuis le début du procès, le 12 novembre, Roger Lumbala refuse de comparaître. A l’entame de l’audience, comme tous les jours, le juge président lit un procès-verbal qui note que l’ancien chef rebelle et ministre congolais dit ne pas reconnaître la cour et sa compétence à le juger. Il ne se présente donc plus au procès, et n’est représenté par personne car il a récusé tous ses avocats. Mais sa stratégie ne faiblit pas la Cour. Elle poursuit ses audiences et a entamé l’audition des témoins et victimes. Ce mercredi 27 novembre, dans l’avant-midi, la cour a entendu deux victimes. La première est un chef pygmée d’Epulu dont sa sœur et sa tante ont subi des actes de viols de la part des militaires d’Effacer le tableau. Ils avaient attaqué notre camp et trois hommes ont violé à tour de rôle ma sœur qui en est morte trois jours plus tard, a témoigné le chef pygmée.
«Esther était morte. On n’avait pas les moyens de la sauver, elle était en termes de grossesse, on ne savait pas la sauver », note-t-il.
Il a ajouté que quelques jours plus tard, c’était le tour de sa tante de subir un autre acte de viol de la part de quatre autres hommes de Lumbala. Cette dernière est vivante mais n’a pas comme d’autres victimes, effectué le déplacement à Paris suite aux troubles psychiques hérités du viol subi, à en croire la partie civile. La victime a également témoigné des actes de pillage subi par sa communauté. «Ils entraient dans les ménages et pillaient tout ce qu’ils pouvaient» et détruisaient ce qu’ils ne réussissaient pas à transporter, comme nos filets de chasse, a-t-il confié, regrettant de n’avoir pas vu Lumbala au procès pour lui faire payer leurs filets brûlés.
La deuxième victime entendue était un homme qui a subi des travaux forcés et des actes de tortures. La Cour qui cherche à comprendre le degré de responsabilité de Lumbala dans la commission des faits a demandé si les victimes reconnaissent Lumbala. Le chef pygmée a indiqué que s’il était présent, il l’allait bien identifié. Car l’ayant vu atterrir à Epulu, alors qu’il commandait ses troupes. Il était venu à bord d’un hélicoptère et nous avait distribué du sel et du savon, a révélé la victime. La partie civile, l’organe de la loi tout comme les juges ont posé des questions de compréhension du contexte. Dans l’après-midi, la Cour a entendu à huis clos des victimes de viols. Pour de nombreux témoignages, le juge président a noté la cohérence avec les dépositions devant les juges d’instructions.
Ce jeudi, d’autres victimes vont défiler devant la Cour en vue de l’aider à faire éclater la vérité sur cette affaire qui a fait des morts, des fosses communes et des pauvres dans l’ex-province orientale.
Ce procès se déroule dans le cadre d’une procédure de compétence universelle reconnue aux juridictions des pays d’agir pour des crimes commis à des milliers de kilomètres, lorsque l’État concerné, comme le cas de la RD Congo, ne poursuit pas. Un procès historique qui peut ouvrir la voie à d’autres, surtout pour les crimes documentés dans le rapport Mapping des Nations Unies. Au procès, des noms ne cessent d’être cités, notamment ceux de Jean-Pierre Bemba et Constant Ndima, des soutiens de Félix Tshisekedi qui risquent d’être rattrapés par les crimes.